Le cardinal Filoni, préfet de la Congrégation Propanganda Fide doit s’effacer pour laisser la place au « favori » du pape, le cardinal Tagle, anticipant de deux ans sans motif réel la remise obligée de la démission pour limite d’âge. C’est une nouvelle manifestation du ‘fait du prince’, et cela au moment où le microcosme vatican bruit de rumeurs de succession, dans la perspective d’un prochain conclave (*). Les interrogations de Marco Tosatti.

(*) Comme l’atteste le dernier billet de Sandro Magister, qui fait le bookmaker anticipé dans la course à la Chaire de Pierre.
Par ailleurs, à propos de la sortie du cardinal Filoni, Magister écrit:
« Le peu d’estime deFrançois à son égard tient à la proximité du cardinal avec le Chemin néocatéchuménal, un mouvement auquel le Pape est visiblement allergique, et surtout aux réserves exprimées par Filoni, dans deux interviews à L’Osservatore Romano et à Vatican News, sur l’accord secret signé le 22 septembre 2018 entre le Saint-Siège et la Chine, fortement souhaité par le Pape ».

Voir aussi:

Le cardinal Filoni

Filoni, Tagle. La miséricorde-couperet du pape Bergoglio.

11 décembre 2019
Marco Tosatti
Ma traduction

Nous avons envie de dédier quelques lignes à une décapitation, qui n’a pourtant pas eu l’importance qu’elle méritait, dans les médias généralistes. Autrement dit celle d’un bon prêtre, le cardinal Fernando Filoni, ex-diplomate, qui a été soudainement, et sans aucun motif apparent, évincé avec quelques années d’avance de son poste, celui de préfet de la Congrégation Propaganda Fide.

Pourquoi ? Ben… Il sera intéressant de voir si, lors du prochain voyage international, des collègues, lors de la rencontre de la presse avec le Pape, auront l’occasion de lui poser la question. Parce qu’en fait, le retrait du cardinal Filoni de ce qui est l’un des postes les plus importants de la Curie est un fait extraordinaire, et certainement un geste qui s’inscrit dans le cadre d’un Pontife dictatorial dans ses décisions et dans ses actes.

Fernando Filoni, né le 15 avril 1946, a été un diplomate du Saint-Siège (entre autres, lors de l’agression occidentale contre l’Irak, il était l’un des rares diplomates à ne pas avoir abandonné son poste); il a été également Substitut de la Secrétairerie d’Etat, choisi pour cela par le cardinal Bertone, sous la direction duquel il avait étudié au Latran [donc l’Institut pontifical qui forme l’élite de la diplomatie vaticane]. Un bon prêtre, à ce qu’on me dit (au dernier Synode, il semble qu’il ait dit ses quatre vérités à l’évêque Krautler, celui qui faisait pression pour les viri probati, les femmes diacres et autres manoeuvres germano-amazoniennes), un homme au caractère bien trempé.

Il avait été confirmé pour un second mandat de cinq ans à la tête de la Congrégation, la plus puissante (elle dispose d’un budget autonome, et propose de manière autonome les évêques des territoires dont elle est responsable, un millier dans le monde). Ce mandat aurait dû prendre fin en mai 2021. En même temps qu’il atteignait les soixante-quinze ans canoniques.

Et alors? Quel pourrait être le motif de cette extraordinaire décapitation, qui s’est déroulée sans explication, et de l’envoi du cardinal Filoni dans une position totalement secondaire, et même pas particulièrement honorifique, celle de Grand Maître de l’Ordre du Saint Sépulcre? Si le pontife avait voulu dorer la pilule, au moins partiellement, il aurait pu le nommer archiprêtre de la basilique du Vatican, (le titulaire, Angelo Comastri, a plus de 76 ans).

Eh bien non. Et il n’y a certainement pas de problèmes de nature administrative, ni de gouvernement: Antonio Spadaro sj, l’homme qui murmure à l’oreille du Pontife, accueille son successeur, le Cardinal Tagle, sur Twitter en disant qu’il « trouve une congrégation saine »; et c’est un certificat de bonne conduite qui vient précisément du cercle restreint du Pontife.

Il pourrait y avoir deux motifs.

Le premier est le caractère du cardinal Filoni: un caractère décidé et déterminé. Même avec le Souverain Pontife, à tel point que dans l’antichambre des audiences, ce n’était un mystère pour personne que les chances que le Souverain Pontife serait de très mauvaise humeur, après une audience avec Filoni étaient très élevées. Et cela avec une personne despotique comme le Souverain Pontife était déjà une raison suffisante. Surtout si certains éléments d’impulsivité semblent s’accroître, avec l’âge, au lieu de ralentir. Il suffit de penser à la démission du général Domenico Giani et aux repentirs qui ont suivi.

Mais ici, il y a aussi autre chose, à savoir le désir de mettre Tagle en valeur. Une opération à long terme qui dure depuis des années. Dans le nouveau cours de la Curie romaine, Propaganda Fide aura la première place et sera avant la Charité et la Doctrine. En le plaçant là, vous faites connaître Tagle au monde entier. Sans compter qu’en tant que Préfet de Propaganda, vous lui donnez un grand pouvoir (il fait les évêque, rencontre les conférences épiscopales, etc.) Une rampe de lancement vers les étoiles que Manille ne peut pas avoir. Et puis vous lui donnez ce qui lui manque en ce moment: la compétence curiale.

Alors qu’importe si, ce faisant, on mortifie un serviteur loyal de l’Église, à qui rien ne peut être reproché, si ce n’est peut-être son caractère affirmé? La miséricorde de ce Pontife broie les individus.

On peut se demander le pourquoi de cette hâte. Mais seul l’avenir pourra nous le dire.

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