Document: stop à la béatification de Mgr Angelelli
Un groupe d’avocats et de juges de Buenos Aires a adressé le 16 juillet un courrier aux préfets des dicastères concernés (cause des saints et culte divin). Sans réponse à ce jour, leur lettre vient d’être rendue publique (20/10/2018)
Il y a un peu plus de deux mois, nous avons évoqué dans ces pages l'affaire de la béatification de Mgr Angelelli, mort en 2016, «un évêque argentin proche des mouvements de lutte armée contre la dictature argentine, dont l'"assassinat", de surcroît "in odium fidei" sont contestés par une partie de l'opinion publique argentin» (cf. Une béatification qui divise).
Dans la sécheresse du jargon juridique et du langage d’un rapport de police, la lettre est un argumentaire très convaincant contre «une béatification qui divise»; une béatification voulue par François, et qui s’inscrit dans la droite ligne d’un mouvement de réhabilitation de la Théologie de la libération, illustrée avec éclat par la récente canonisation de Mgr Romero.
Maintenant, que ses destinataires n’y aient pas répondu n’a rien de surprenant (surtout si l’on considère l’inertie de l’ensemble du Sacré Collège à propos des « dubbia », et, plus récemment, de l’explosif «Rapport Vigano»). La décision de béatifier Mgr Angelelli étant une décision personnelle du Pape, difficile, pour d’éminents cardinaux, de prendre position, même à travers une réponse qui, quel que soit son contenu, serait immanquablement interprétée comme une nouvelle fronde contre François (à cet égard, il est vraisemblable que ce qui est arrivé à Mgr Aguer, évêque émérite de La Plata (Argentine), qui avait pris position contre la béatification et auquel on a montré sans ménagement la sortie dès ses 75 ans révolus – cf. Limogeage express -, aura servi de leçon)
Pour freiner la béatification de l’évêque argentin Angelelli
infovaticana.com
19 septembre 2018
Traduction de Carlota
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Un courrier, signé d’ «avocats, juristes et anciens juges catholiques de la ville de Buenos Aires » comprenant une lettre et un dossier, a été adressé au Vatican au mois de juillet dernier ; il est resté sans réponse. La lettre vient d’être rendue publique par ses auteurs qui considèrent que le martyre de l’évêque argentin Angelelli manque de base documentaire (béatification actuellement prévue pour le 26 avril 2019).
La lettre
Buenos Aires, le 16 juillet 2018
Fête de Notre Dame du Carmen
à
Leurs Excellences le Cardinal Robert Sarah et le Cardinal Giovanni Angelo Becciu
Congrégations pour le Culte Divin et pour la Cause des Saints
Ref: Dossier de béatification de Monseigneur Enrique Angelelli
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Nos considérations:
Le 8 juin dernier, Monsieur l’Évêque du Diocèse de la Rioja, Monseigneur Marcelo Colombo, a annoncé que le Saint Père François avait promulgué le Décret donnant le coup d'envoi au chemin vers la béatification du Serviteur de Dieu Enrique Ángel Carletti Angelelli, évêque de la Rioja de 1968 à 1976, qui aurait été assassiné par le Gouvernement Militaire qui dirigeait l’Argentine entre 1976 et 1983, et dont la mort aurait pour cause la haine de la foi.
Nous sommes un groupe d’avocats, de juristes et d’anciens juges catholiques de Buenos Aires, Argentine, constitués en fondation sans but lucratif.
En notre qualité d’avocats nous sommes en relation constante avec des enquêtes judiciaires dans lesquelles sont recherchés, démontrés et jugés des faits délictueux. Et comme catholiques, animés par l’amour du Christ et de l’Église et par affection à l’égard de l’Auguste Personne du Saint Père François, nous considérons qu’il est important de donner notre opinion de juristes à propos de la véracité et de l’exactitude des présupposés factuels et de droit qui sont mentionnés dans le Décret, concrètement, sur la conduite de Monseigneur Enrique Angelli comme Pasteur de la Rioja et sur les circonstances de son décès.
Nous diviserons, par conséquent, le présent rapport en deux parties: dans la première, seront traitées les circonstances de la mort de Monseigneur Angelelli et dans la seconde de sa conduite incompatible avec la Foi Catholique et les enseignements du Magistère de l’Église.
I.- Circonstances de la mort de l’Évêque Enrique Angelelli. Contexte juridique
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Monseigneur Enrique Angelelli est décédé le 4 août de l’année 1976, au niveau du Km 1058 de la Route Nationale 38, aux approches de la localité de Punta de los Llanos, dans la Province de la Rioja, à la suite du renversement de la camionnette de marque Fiat 125, type multi-charge, immatriculation F 007968, propriété de l’Évêché de la Rioja. Dans le même véhicule voyageait le Vicaire du Diocèse, le R.P. Arturo Aldo Pinto, qui a été blessé.
Tant les rapports policiers et judiciaires que les expertises médico-légales et mécaniques, ont conclu que la mort de l’Évêque Angelelli était due à un accident automobile fortuit et ont écarté l’existence d’une quelconque intentionnalité criminelle dans ledit accident.
Durant des années cette version de l’accident de la circulation qui a coûté la vie au Prélat de la Rioja a été acceptée et n'a été mise en doute par aucune autorité civile et ecclésiale. Ce n’est que le 4 août 1983 qu'à l’occasion d’un hommage à l’Évêque Angelelli rendu dans la ville de Neuquén, le frère capucin Antonio Puigjané a lancé publiquement la version que l’accident ayant coûté la vie de Monseigneur Angelelli était, en réalité, le fruit d’un attentat criminel perpétré par des effectifs des Forces Armées argentines. Cinq ans après Puigjané participait à une sanglante attaque terroriste sur une unité militaire de Buenos Aires, ce qui le fit condamner à vingt ans de prison.
Les affirmations de Puigjané n’ont été accompagnées d’aucun élément de preuve; cependant, des organismes de droits humains et les secteurs idéologiques liés à l’extrême gauche, à l’intérieur et à l’extérieur du cadre ecclésial, se sont faits écho de cette version. À la suite de cette clameur, la cause judiciaire concernant la mort de l’Évêque Angelelli a été rouverte à deux occasions.
La première en 1983, initiée au départ au niveau des tribunaux de la Province de Neuquén, versée par la suite pour des raisons juridictionnelles à la Province de la Rioja et finalisée en 1990 par une décision du Tribunal d’Appel de la Province de Córdoba, qui concluait que l’enquête était close et qu’il n’avait pas été possible de réunir un nombre suffisant de preuves permettant d’affirmer que l’accident dans lequel Monseigneur Angelelli avait perdu la vie, avait été causé par une intention criminelle et par conséquent que la cause était close.
La seconde eut lieu en 2014. Après un nouveau procès durant lequel aucune preuve distincte de celles du procès antérieur n’a été apportée, et sans qu’ait été démontrée l’existence d’auteurs immédiats, une sentence a été rendue, condamnant deux responsables militaires, trente-huit ans après l’évènement, comme auteurs ayant une proximité avec la mort de Monseigneur Angelelli.
En Annexe 1 du présent document se trouve le rapport intitulé "Bref compte-rendu historico-juridique du cas Angelelli", par Mme Silvia E. Marcotulio, ancien Juge de la Chambre Criminelle. Dans cet important document sont résumées toutes les alternatives judiciaires en relation avec les recherches menées à bien par la Justice argentine sur la mort de Monseigneur Angelelli.
Témoignage de Monseigneur Bernardo Witte, évêque de La Rioja.
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Monseigneur Bernardo Witte a été le quatrième évêque du Diocèse de La Riojo (il a succédé à Monseigneur Enrique Angelelli, après sa mort). Il a géré ledit Diocèse du 5 juin 1977 jusqu’au 8 juillet 1992 et sa désignation par le Pape Jean-Paul II comme Évêque de Concepción (Tucumán).
Monseigneur Witte ne s’est jamais uni au chœur de ceux qui, sans raisons objectives fondées, se sont battus pour installer à la fois dans l’opinion publique et dans le cadre interne de l’Église, la thèse de l’assassinat de Monseigneur Angelelli. Dans d’importantes déclarations effectuées le 29 juin 1988, dans le Journal «La Prensa », en référence à l’avis élaboré en 1986 par le Juge de la Rioja, Monseigneur Witte a affirmé:
« Nous sommes surpris que la mystérieuse mort de Monseigneur Angelelli ait été qualifiée d’assassinat sans qu’il y ait les preuves suffisantes. Dans l’affaire, on a impliqués des militaires sans preuves suffisantes, puis ensuite ils ont bénéficiés des lois dites du point final et de l’obéissance due [à lire avec les réserves d’usage, ndt] sans qu’ils puissent se défendre».
Indépendamment de ces déclarations et animé toujours par un authentique souhait que la vérité concernant le décès de son prédécesseur se fasse jour, Monseigneur Witte permit une avancée considérable au niveau de la procédure. Le 27 septembre 1988, l’unique témoin oculaire de l’accident dans lequel Monseigneur Angelelli avait perdu la vie sa présenta volontairement au siège de l’Évêché de la Rioja: ils'agissait d'un technicien en électromécanique, Raúl Antonio Nacuzzi, qui au moment de l’accident se trouvait en haut d’un poste de ligne à haute tension, effectuant des opérations de réparation de ladite ligne électrique. Ce témoin avait sollicité en vain de témoigner lors du procès mené par le Juge Aldo Fermín Morales; face à ce refus, Monseigneur Witte décida que le témoin ferait sa déclaration au siège de l’Évêché. Cette déclaration, dans laquelle Nacuzzi fait un récit détaillé des faits, est authentifié en bas de page, par Monseigneur Bernardo Witte lui-même qui certifie que ce qui est exprimé a été signé en sa présence avec l’entière volonté du déclarant. Le texte de cette déclaration fut ensuite déposé dans un Greffe. Une copie de l’acte notarial correspondant au contenu complet des déclarations du témoin Nacuzzi est joint à l’annexe 2 du présent document.
Autres témoignages
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Il existe différents témoignages opposés à la thèse de l’assassinat de Monseigneur Angelelli.
a) L’éminent penseur et essayiste argentin, Mario Meneghini, ayant pris connaissance du jugement du Tribunal qui condamnait les deux responsables militaires comme « auteurs de proximité » du supposé crime, a publié sur sa page web, en date du 5 juillet 2014, une intéressante note dans laquelle il rapporte des faits du plus grand intérêt pour l’éclaircissement de la vérité. Une copie de la note est jointe comme Annexe 3 au présent document.
b) Monseigneur Carmelo Juan Giaquinta, Évêque Émérite de Resistencia, a été chargé, en 2006, par la Conférence des Évêques d’Argentine, dont le Président était alors le Cardinal Jorge Mario Bergoglio, de constituer et présider une Commission spéciale chargée d’enquêter dans le cadre de l’Église, sur tout ce qui était relatif à la mort de Monseigneur Angelelli. Les travaux de ladite commission (qui comprenait, outre Monseigneur Giaquinta , l’Évêque de l’époque de la Rioja, Monseigneur Roberto Rodríguez et le prêtre Nelson Dellaferrera) ont duré deux ans. Dans les déclarations de l’Agence d’Information Catholique Argentine (AICA) à la date du 15 avril 2009, à la demande concernant les conclusions auxquelles était arrivée la Commission en ce qui concerne le caractère de la mort de l’Évêque, Monseigneur Giaquinta s’est exprimé :
«La conclusion du travail ne signifie pas que la Commission est arrivée à une conclusion judiciaire ; S’il s’est agit d’un accident ou d’un attentat, la Justice Civile le dira. À partir des seuls témoignages ecclésiaux, il est difficile de prouver une ou l’autre des deux hypothèses ».
L’opinion de Monseigneur Giaquinta, exprimée en privé, était un tant soit peu plus explicite, soutenant qu'en réalité, il n’existait aucune preuve qui permettait de conclure qu’on avait intentionnellement tenté de tuer Angelelli.
II. - Conduite de Monseigneur Angelelli en tant qu’évêque.
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En tant qu’évêque Auxiliaire de Córdoba, son comportement contre l’archevêque Monseigneur Ramón José Castellano est bien connu; l’archevêque a dû abandonner sa charge en raison de l'action d’un groupe de prêtres et professeurs du Grand Séminaire (dont le Recteur Angelelli lui-même) qui ont entraîné un profond affrontement au niveau du catholicisme dans le diocèse de Córdoba; Angelelli a non seulement encouragé lesdites actions mais en a pris la tête de par sa double condition d’évêque auxiliaire et de recteur du Séminaire.
Dans le diocèse de la Rioja son action portait notoirement le sceau du courant appelé
tiers-mondisme, ayant de la sympathie à l’égard de groupes de guérilleros comme les « montoneros ». Comme exemple se trouve joint comme Annexe 5 un article signé de María Lilia Genta, apparu sur divers médias internet, avec un témoignage de l’auteur au sujet de l’engagement et des liens de Monseigneur Angelelli avec les organisations terroristes armées. L’article inclut une photo de Monseigneur Angelelli prêchant face à une bannière des « Montoneros ».
Dans le même temps, Monseigneur Angelelli entreprenait des actions contre ceux qui n’étaient pas en communion avec sa ligne pastorale. On connaît en particulier les durs affrontements dont il a été le protagoniste avec de larges secteurs de fidèles qui n’admettaient pas le tournant idéologique que Monseigneur Angelelli imposait à sa gestion. Ci-joint en Annexe 6, un Acte du Conseil Presbytéral de 1972 où il est rendu compte des mesures qui devaient être prises contre les membres du clergé qui n’adhéraient pas au tiers-mondisme. Nous avons aussi ajouté comme Annexe 7 des extraits du livre d’Horacio Verbitsky sur l’Histoire de l’Église Argentine, où il relate les affrontements de Monseigneur Angelelli avec les paroissiens qui ne partageaient pas son idéologie.
III. - Demande et Offre
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Par ce qui a été exposé nous sollicitons que le dicastère dont vous avez la charge, considère :
- Que l’hypothèse selon laquelle le renversement de l’automobile dans laquelle se trouvait Monseigneur Enrique Angelelli a été fortuit et accidentel, est la plus probable étant données les preuves qui ont été réunies.
- Que la conduite de Monseigner Angelelli à la tête de son diocèse a été attachée à des théories et des mouvements éloignés de la doctrine catholique.
De même nous nous offrons à apporter plus d’éléments au fur et à mesure qu’ils arriveront à notre connaissance, et à collaborer dans la recherche.
Des avocats, juristes et anciens juges catholiques
de la ville de Buenos Aires.
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