François: un populiste contre le populisme

Sur le portail <Katholisches>, une analyse perspicace du comportement de François qui est aussi, plus généralement, une réflexion intéressante sur le nouveau mot à la mode - et la bête noire des médias: le "populisme", i.e. l'anti-politiquement correct. (28/10/2018)

LE PAPE FRANÇOIS MET EN GARDE CONTRE LE POPULISME
Un populiste contre le populisme ?


Uwe LAY
katholisches.info
27 octobre 2018
Traduit de l'allemand par Isabelle

* * *

N’est-ce pas là une déclaration irritante et troublante du pape actuel ? (C’est en ces termes que titrait, le 24 octobre, l’hebdomadaire Junge Freiheit). Ainsi pourtant s’est exprimé le pape. Mais n’est-ce pas ce pape qui a choisi de faire du populisme son attitude préférée?

Glissant comme une anguille, il prend sciemment ses distances avec le «pape théologien» et parle, sur un ton familier, devant tous les micros : il comble les attentes des médias et se met en scène comme un grand réformateur, dont d’obscures forces réactionnaires entravent le travail de modernisation de l’Eglise. Et cela, en dépit du fait qu’il a déjà éliminé plusieurs critiques – qu’il suffise de rappeler le cardinal Müller.

Utiliser le langage des médias, avoir l’instinct de ce qui marche bien, se mettre soi-même en scène comme un humble et modeste pasteur, pour qui les personnes comptent plus que les dogmes catholiques … Si tout cela n’est pas du théâtre populiste, qu’est-ce donc ?

Et maintenant ce pape des médias met en garde contre le populisme? Ici, il faut apprendre à faire une distinction importante: la différence entre les médias et le peuple. Les médias sont remplis de l’esprit du «politiquement correct» et condamnent tout ce qui s’oppose à cette idéologie. Le peuple, auquel renvoie le concept négatif de populisme, est la masse de ceux qui se montrent résistants à l’idéologie du pouvoir.

Ce peuple de râleurs ne doit pas être écouté. Ce qu’il y a de pire, ce sont les partis et les associations dans lesquels cette résistance à l’idéologie du pouvoir se manifeste sous forme organisée. Celui qui prête ainsi l’oreille à la voix du peuple, est un populiste.

Il en va tout autrement des politiciens, des partis et des organisations, qui sont bel et bien prisonniers de cette idéologie. Celui qui les écoute, est un «homme bien». Le pape François sait qui sont les maîtres et les puissants de ce monde, dont il veut écouter la voix. Et comme leur politique ne vise ni au bien des gens, ni au bien du peuple, une réaction naît, sous la forme d’une opposition populiste, face au pape en qui elle voit l’allié des puissants.

Plus la religion chrétienne s’évapore, plus François semble vouloir représenter son Eglise comme un partenaire utile aux puissants de ce monde. Ce qui fait la véritable autorité du catholicisme, son noyau dur, à savoir le fait qu’il est l’unique vraie religion, passe dès lors au second plan – plus encore, est regardé comme un facteur «dysfonctionnel» qu’il faut envoyer aux archives, puisqu’il s’agit plutôt de légitimer l’Eglise comme une agence organisée du politiquement correct. Le pontificat de François n’est pas simplement une adaptation de l’Eglise à cette idéologie du pouvoir, il est, au sens strict, la volonté de vider l’Eglise de sa substance pour la transformer en une filiale bien profilée de l’idéologie du politiquement correct. N’est pas ainsi que pensaient déjà les despotes éclairés ? Et dès lors, ce pape ami des médias met en garde, avec force, contre le populisme critique à l’égard du pouvoir – ce populisme qu’il combat, en capteur virtuose de l’esprit du temps et qui a fait sien le programme souhaité par les puissants.

Sur le fond, il y va de l’établissement d’un nouvel ordre mondial, où doivent sombrer les peuples et leurs cultures nationales, car les plus grands obstacles aux yeux des globalistes sont l’amour de son propre peuple et la souveraineté des États. Et voici le pape, champion des « gens bien », qui assène un coup de massue fatal, aux vertus éprouvées : celui qui aime son peuple et veut le préserver, est une sorte de nouvel Hitler.

C’est dans ce combat aussi que veut s’insérer l’image que se donne ce pape, avec son humilité emphatique et anticléricale.

Post-Scriptum
----
Le populisme politiquement correct n’est toutefois pas une trouvaille du pape actuel. Si la tiare, la couronne des papes, est le symbole du vicariat du Christ sur terre, alors la dévaluation de l’Eglise par elle-même a commencé avec Paul VI. Kathpedia écrit à cet égard (entrée : « Tiare »):

« Paul VI fut, en 1963, le dernier pape à être couronné. L’année suivante, le 13 novembre 1964, impressionné par le Concile Vatican II, il déposa sa tiare, dont la forme avait pourtant été modernisée, sous les applaudissements des pères conciliaires. Ses successeurs ne se sont plus fait couronner ».

Et aujourd’hui, le pape François veut transformer l’Eglise en une filiale de l’idéologie du politiquement correct, qui, aux côtés des vrais puissants de ce monde, combat le parti des opposants, les populistes.

Tous droits réservés.
La reproduction, uniquement partielle, des articles de ce site doit mentionner le nom "Benoît et moi" et renvoyer à l'article d'origine par un lien.