La "bombe" de Kasper

Un soi-disant complot catholique conservateur contre François serait en cours. Décidément, les bergogliens font feu de tout bois. Seraient-ils nerveux? (27/1/2019)

Kaspers: "Conspiration" - "Une démission forcée du pape François ne serait pas valable"


Giuseppe Nardi
22 janvier 2019
katholisches.info
(Traduction en anglais: eponymousflower.blogspot.com

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(Rome) Le cardinal Kasper, le spiritus rector [l'inspirateur spirituel] du pontificat actuel, met en garde contre une démission forcée du pape François.


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L'ex-évêque de Rottenburg-Stuttgart et préfet émérite du Conseil pontifical pour la promotion de l'unité des chrétiens fait partie de ceux qui ont préparé le pontificat du pape régnant. Kasper les a rejoints peu après la démission du Pape Benoît XVI, en mettant publiquement en garde le chef de l'église récemment démissionnaire contre une intervention dans l'élection de son successeur durant la période de Sede Vacante de 2013 (1).

Aujourd'hui, on sait que Kasper était membre d'un cercle secret au sein de l'Eglise, ledit cercle de Saint-Gall, où se rassemblaient depuis les années 90 des ecclésiastiques progressistes de haut rang. Il faisait également partie du Team Bergoglio, un "organe exécutif" de quatre membres issus de ce cercle secret, chargé de préparer l'élection du cardinal Jorge Mario Bergoglio, que le cercle secret avait choisi comme candidat de la Fronde progressiste.

Depuis l'élection du pape François, le Cardinal Kasper, dont la théologie est hégélienne, est considéré comme "le théologien du pape". Dans les moments les plus controversés du pontificat actuel, on voit clairement la plume de Kasper: de l'admission des divorcés remariés aux sacrements à l'admission des protestants à la Sainte Communion. Dans les deux cas, on peut parler d'une véritable protestanisation de l'Église catholique.

Hier, dans une interview à un quotidien, Kasper a mis en garde contre une "démission forcée", c'est-à-dire une déposition de facto du pape François. L'interview a été publiée par le journal italien de gauche Il Fatto Quotidiano (FQ). L'occasion était une interview accordée à ARD [la principale chaîne allemande], dans laquelle il parlait des opposants au Pape François au sein de l'Eglise, qui veulent forcer le chef argentin de l'Eglise à démissionner. Le mot "complot" a ensuite fait le tour du monde. Le quotidien italien Libero parlait de la "bombe de Kasper". Les opposants au Pape veulent "lâcher François pour aboutir à un nouveau conclave".

Les interviews témoignent d'une certaine nervosité liée aux récents scandales d'abus et aux modes de vie douteux des évêques et des cardinaux qui se sont illustrés au cours des 12 derniers mois et qui, sous différents angles, ne montrent pas le Pape François sous son meilleur jour. On a l'impression que, dans plusieurs cas, bien qu'il ait eu connaissance d'inconduite ou d'abus, il est resté inactif ou a même protégé les auteurs potentiels de ces actes. Tous les cas connus dans ce contexte concernent des évêques ou des cardinaux proches du Pape François.

Cette nervosité s'est brusquement accrue depuis la fin du mois d'août, lorsque l'ex-nonce apostolique aux États-Unis, Mgr Carlo Maria Viganò, a publié un dossier sur le cas de l'ex-cardinal McCarrick et y a formulé de graves accusations contre le pape François. Et depuis octobre 2018, lorsqu'en réponse directe, une initiative de laïcs catholiques aux Etats-Unis a annoncé qu'ils voulaient passer tous les cardinaux au crible, en vue d'un futur conclave, afin de dénoncer les abuseurs ou les dissimulateurs. L'initiative vise à empêcher que les cardinaux, mais aussi les journalistes et le public mondial, ignorent tout de certains cardinaux, et surtout des positions qu'ils représentent, comme ce fut le cas avec Jorge Mario Bergoglio. L'initiative prévoit plus d'un million de dollars par an pour le travail de recherche d'experts et de professionnels.

Depuis l'émergence de cette initiative laïque, on a vu une forte réaction des médias libéraux religieux et laïcs, à partir du NYT (2). Celui-ci revendique une "conspiration" contre le pape François et suggère qu'il existe un "cercle secret de Saint-Gall" conservateur. Mais il n'y a aucune trace d'une chose de ce genre. L'intention derrière cette tentative est d'autant plus claire. Le dévoilement du cercle secret progressste de Saint-Gall est perçu comme un fardeau dans le milieu des collaborateurs du Pape François. Le plus piquant, c'est que celui qui a révélé l'existence d'une "mafia" secrète à Saint-Gall n'était autre qu'un membre du cercle secret lui-même, le progressiste cardinal belge Godfried Danneels.

Les discours de Kasper montrent qu'avec la tenue prochaine du sommet sur les abus sexuels, fin février, éclipsé par de nouveaux scandales d'abus, il y a une tension croissante dans l'environnement du Pape.

Le cardinal ne veut pas du mot "complot" dans l'interview à ARD, du moins pas ouvertement. Mais en l'espèce, il a répété son témoignage et a envoyé plusieurs signaux avec des mots soigneusement pesés.

L'interview à FQ


Q: Quand vous parlez d'un complot contre le pape François, à quoi faites-vous référence exactement ?

Cardinal Kasper: Je dois encore regarder la traduction de mon texte allemand. Je ne peux pas dire si la traduction est correcte. De toute façon, je parle de groupes qui critiquent publiquement le pape François.

Q: Qui veut la fin de ce pontificat aujourd'hui et pourquoi ?

CK: La réponse se trouve sur Internet, sur les sites catholiques, en italien, allemand, anglais...

Q: Que se passe-t-il à la Curie, pour que la tension soit si forte: des dossiers circulent-ils?

CK: Je suis cardinal émérite. Je n'ai pas accès à ces dossiers. Je refais de la théologie.

Q: Vous prétendez que le sujet des abus sexuel est devenu une façon de discréditer François plutôt qu'un mal ancien et très grave.

CK: Je ne dis pas que le scandale des abus sexuels n'est qu'un instrument contre le pape François. Au contraire, c'est un véritable scandale et un crime pour moi, et on doit tout faire pour l'éradiquer et le clarifier. Je dis juste que certains profitent de ce scandale pour nuire au Pape. D'autres l'utilisent pour leur programme contre le célibat. C'est ce que j'appelle une mauvaise utilisation des abus.

FQ: Vous avez toujours soutenu François et son action de réforme. Avez-vous déjà parlé de complot au Pape?

CK: Il est vrai que je suis du côté du Pape, mais il n'y a que très rarement des rencontres personnelles. Je n'utilise pas le terme complot. Je ne lui en ai jamais parlé.

Q: François pourrait-il démissionner?

CK: Selon les règles du droit canonique et les conditions qui y sont fixées, un pape peut démissionner. Il s'agit d'une décision totalement personnelle et libre, ce qui, en réalité, a été très rare jusqu'à présent. Une démission forcée serait invalide. Pour moi: Habemus Papam et j'en suis heureux. C'est pourquoi je n'avais aucune raison de penser et de discuter d'une éventualité aussi improbable.

Q: La démission de Joseph Ratzinger a eu lieu spontanément ?

CK: Je connais Benoît XVI depuis 55 ans. Je sais qu'il a pensé et prié longtemps avant d'annoncer sa démission du ministère pétrinien. Il a expliqué, et je prends cela au sérieux, qu'il l'a fait en toute liberté et pour les raisons qu'il a données dans sa déclaration aux Cardinaux (3). C'était une décision humble, généreuse et courageuse qui mérite tout le respect (4).

NDT


(1) Dans une interviewe à la Repubblica, en mars 2013, Kasper répondait à une question de Paolo Rodari, qui lui demandait ce qu'il dirait à Benoît XVI après le conclave:
«Beaucoup de choses. La première est une recommandation. Je lui suggèrerai de ne se laisser utiliser par personne. C'est un trop gros risque que le gouvernement de l'Eglise subisse son influence. Cela ne doit pas être. Il a fait un choix clair, ce qui suppose de se mettre en retrait. Il devra, par conséquent, être discret. Éviter d'entrer dans les questions relatives à la gouvernance des politiques de l'Église, dans les politiques ecclésiales» (cf. benoit-et-moi.fr/2013-I)

(2) Giuseppe Nardi met en lien un de ses précédents articles, datant du 27 janvier 2019, intitulé "NYT: complot international visant à renverser le pape François". Il y affirme rien de moins que l'existence d'un complot conservateur au sein de l'Eglise, ayant pour centre la Princesse Gloria von Thurm und Taxis, pour renverser François. L'article original du NYT est ici: www.nytimes.com.

(3) Par contre, honni soit quiconque évoquerait l'implication d'un complot progressiste pour pousser Benoît XVI à la démission!!

(4) C'est bien la seule chose qu'il ait apprécié du Pontificat de Benoît XVI!

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