La croix du cardinal Pell

Gêneur au Vatican, cible détestée des progressistes australiens, et notamment de la presse mainstream, haï du lobby gay, serait-il un bouc émissaire? (2/3/2019)


Je n'ai jusqu'ici pas parlé de la condamnation du cardinal Pell. La première raison est que si l'on veut reconstruire cette triste affaire, on est obligés de plonger dans le sordide, de mettre ses mains dans la boue la plus sale, et on n'a pas d'autre choix que de faire usage d'un vocabulaire de bas-fonds, qui n'est décidément pas le mien (je sais, beaucoup de femmes, notamment dans le milieu du journalisme n'hésistent plus désormais à employer des mots orduriers) et que je refuse de m'approprier.
Mais ayant suivi l'affaire de loin en loin depuis le départ du cardinal pour l'Australie, la lecture du verdict m'a donné l'impression qu'il y avait derrière tout cela quelque chose de louche. Déjà parce que le nom du cardinal Pell détonne dans la liste des prélats pédophiles de l'entourage de François. D'abord parce qu'il ne fait pas partie du "cercle magique", et aussi - et surtout - parce que les faits qu'on lui reproche ne se sont produits qu'une fois, il y a plus de trente ans, avec des accusateurs disons... peu fiables: on est bien loin des cas de multirécidivisme dont le plus médiatisé, mais pas le seul, est celui de l'ex-cardinal McCarrick
Je ne suis pas la seule à le penser, y compris parmi ceux qui, dans les Murs Scacrés, ne devaient pas être de ses amis.
Témoin ce tweet d'Austen Ivereigh, biographe enthousiaste de François, qui écrivait au début de la semaine:

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Aujourd'hui, je propose à mes lecteurs trois articles qui aident à se faire une idée sur la question (sans prétendre se substituer de façon définitive aux faits): ils sont signés respectivement de Marco Tosatti/SuperEx, d'un journaliste australien athée, et d'une universitaire australienne qui connaît bien à la fois le condamné et le "lieu du crime" (la cathédrale de Melbourne, pas moins!).

Prémisse:
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Actuellement, il est de bon ton (lire: "politiquement correct") d'affirmer au moins en public que toutes les "victiemes" disent la vérité - alors qu'avant, il n'en était pas ainsi. Il y a une dizaine d'années, certains n'hésitaient pas à dire que c'était, entre autre, un moyen pour certains de se faire de l'argent sur le dos de l'Eglise.
Certes, parmi les "victimes", il y en a de vraies, et celles-là méritent notre compassion. Mais quid des autres?
Une anecdote (il faudrait dire 'une mésaventure' du Pape) rapportée ces jours-ci par Maurizio Blondet - qui ne l'aime pas!! -, pose frontalement la question: elle met en scène une politicienne polonaise Joanna Scheuring-Wielgus, députée, militante pro-avortement et pro-gay, qui, prétendait dans les journaux traduire l'Eglise catholique devant le tribunal international de La Haye, et envisageait à cette fin de participer aux élections européennes.
Le 20 février dernier, elle était à l'audience générale et elle a présenté au Pape un rapport sur les abus pédophiles dans l'Église polonaise. Elle emmenait une délégation de deux "victimes" de la pédophilie cléricale, dont un certain Marek Lisinski, président d'une fondation, "N'ayez pas peur", qui rassemble de présumées "victimes".

«Marek a dit au Pape qu'il avait été victime d'abus de la part d'un prêtre, alors qu'à 13 ans il était enfant de chœur et servait la messe. Après avoir entendu cela, El Papa a embrassé sa main avec le fameux transport médiatique avec lequel il embrasse les pieds des "migrants" .., il a commencé à prier avec les "victimes" et a promis de lire le rapport. Et même d'en parler au synode sur les prêtres pédophiles sur le point de s'ouvrir.
Personne n'a prévenu le pontife que tous deux, athées militants et activistes pro-avortement notoires dans leur pays, lui ont joué un tour. L'Église polonaise n'a aucun souvenir que Lisinski ait été enfant de chœur à treize ans ou plus tard. Il est en revanche connu comme un ancien alcoolique et, justement, un activiste anticlérical. Interviewé par la télévision d'Etat polonaise, Lisinski a dit clairement ce qu'il attend de son accusation: il veut en tirer de l'argent. Il a mentionné les précédents des procès aux États-Unis et en Australie, qui ont fait beaucoup de bien aux «victimes», aux dépens des épiscopats».

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Voici pour commencer une lettre de "SuperEx", sur le blog de Marco Tosatti:

 

les canons sont en Australie, mais les balles, c'est au Vatican qu'on les a fabriquées


Marco Tosatti
1er mars 2019
www.marcotosatti.com

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Super Ex est de retour, et cette fois il nous parle de l'affaire Pell, de ses souvenirs vaticans sur le cardinal australien et de ses ennemis, clercs et laIcs. Ce sont des réflexions très intéressantes, et qui concordent avec les indices et les voix que l'écrivain avait saisis au Vatican, quand il y a des années Pell était la bête noire des barons de l'argent derrière les murs, et que le pontife l'avait envoyé se frapper les cornes contre des intérêts très solides, le laissant ensuite seul dans la bataille.


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Hypothèses en toute liberté sur l'affaire Pell, sans présomption de dire quoi que ce soit de spécial. Beaucoup ont déjà remarqué que quelque chose ne tourne pas rond, que l'accusation contre le cardinal prend l'eau de tous côtés. Il faudrait ajouter que dans presque tous ces procès, il y a beaucoup de doute: de nombreuses années plus tard, sans témoins, sans preuves mais avec beaucoup de préjugés....

Mais à part cela, j'aimerais aussi rappeler une voix que j'ai entendue à maintes reprises parmi du clergé romain qui compte, au moins depuis fin 2016: «les canons sont en Australie, mais les balles, c'est au Vatican qu'on les a fabriquées».

Celui qui m'a dit cette phrase sibylline, ou quelque chose d'analogue, à l'époque où Mgr Dario Edoardo Viganò [celui du Lettergate] était encore en selle, faisait allusion aux affrontements plutôt lourds du cercle bergogien contre le cardinal australien. Qui, certes, n'est pas membre du cercle magique, bien au contraire! On se souviendra de son rôle au moment du synode sur la famille pour empêcher Mgr Bruno Forte & cie d'essayer de stériliser le débat entre les pères, afin de les présenter tous comme des Kasperiens enflammés.

Pell est quelqu'un qui, quand il se met en colère, cogne, Bergoglio ou pas Bergoglio. S'il se convainc qu'une chose est juste, il la poursuit comme un bulldozer. Et on sait aussi que l'Argentin est plutôt agressif avec les faibles, mais se laisse intimider par ceux qui lui résistent à visage découvert.

Bref, Pell est un char d'assaut et il était plutôt craint. L'hypothèse est alors la suivante: était-il pris entre deux feux? Le feu "ami" clérical (c'est le cléricalisme dont Bergoglio doit s'occuper!) et celui ennemi, laïque et maçonnique, qui voyait en lui un conservateur, un traditionaliste à éliminer?

Beaucoup d'indices le font penser, le fait est, cependant, que la nouvelle de la nomination s'est produite à un moment très particulier.
Quand on m'a dit cette phrase que je viens de citer, le lobby gay du Vatican était en pleine forme et Pell pouvait être un homme isolé à sacrifier, mais la condamnation est venue après que le lobby ait commencé à entrer en crise, perdant de nombreuses plumes et se retrouvant au milieu de la tempête, grâce au cas McCarrick, aux événements au Chili, au dossier Viganò (Carlo Maria), au comportement indigne du cardinal Donald Wuerl, l'ultra bergoglien, aux rumeurs concernant le nouveau cas Zanchetta ?

Et alors? Alors l'opération «démolissons Pell» avec la contribution du clergé aurait pu s'avérer être un boomerang, car pour l'opinion publique, qui ne sait rien du contexte, Pell n'est aujourd'hui que le énième 'homme de Bergoglio' (en vérité, le seul parmi tous ceux mentionnés à ne pas l'être) à finir dans le scandale!

Bref, dans les salles sacrées, on devrait dire: «Quelle bonne nouvelle ç'aurait été si elle n'était pas sortie maintenant, mais il y a deux ans! Aujourd'hui, on n'en avait vraiment pas besoin!».

Mais si l'hypothèse est vraie, et le pauvre Pell ?

Il porte la croix! Comme Padre Pio l'a portée au début de cette longue nuit de l'Église, persécuté par ce "bon pape", très sinistre et très novateur, qui ressemble tant au "pape miséricordieux", tout aussi sinistre et encore plus novateur !

Il n'y a donc pas grand-chose à faire: pendant que les hommes d'Église luttent pour la détruire, d'autres hommes d'Église, de Padre Pio dans le passé, à Caffarra, Meisner, Burke, le Père Manelli etc. la reconstruisent avec martyr.

Si Pell est innocent, si Pell est cet homme de foi auquel je pense, Pell porte la croix du Christ, condamné comme lui par la synagogue d'aujourd'hui.


Voici ensuite l'opinion d'un influent journaliste australien, qui se présente lui-même comme pas catholique, ni même chrétien, renforçant de ce fait la crédibilité de ses propos, puisqu'il n'est pas suspect de témoigner par esprit partisan.

Je n'accepte pas la condamnation de George Pell


Andrew Bolt pour le Herald Sun (Australie)
Traduit en italien par <Campari & de Maistre>

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Le cardinal George Pell a été injustement condamné pour avoir abusé sexuellement de deux adolescents. C'est mon opinion, basée sur les preuves accablantes.
Et mon opinion est aussi basée sur le nombre de fois où Pell a été accusé de crimes et de péchés qu'il n'a clairement jamais commis.
Mais à la fin, une partie de la boue qu'on lui avait jetée est restée sur lui. A cela s'ajoute le fait que Pell, le catholique le plus en vue d'Australie, a été forcé de payer pour les péchés de son église et une campagne médiatique de dénigrement.
C'est un bouc émissaire, pas un abuseur d'enfants. A mon avis.
Précision: J'ai rencontré Pell peut-être cinq fois dans ma vie et je l'apprécie. Je ne suis ni catholique ni chrétien.

Mais voilà pourquoi je n'arrive pas à croire ce verdict, qui a clairement choqué les journalistes lorsqu'il a été annoncé pour la première fois (mais supprimé) l'année dernière, et que Pell fait appel parce qu'il est injuste.
On nous dit de croire qu'au milieu des années 90, Pell a trouvé deux garçons de chœur dans la sacristie de la cathédrale Saint-Patrick alors qu'ils buvaient le vin de messe immédiatement après une messe à laquelle Pell avait officié.
On nous dit de croire que Pell a forcé un garçon à avoir des relations sexuelles orales avec lui tout en tenant l'autre, puis les a molestés tous les deux.
Et c'est pourquoi je ne crois pas en cette histoire gothique - ou pas assez pour penser que cette condamnation est raisonnable.
L'un des garçons, aujourd'hui mort, a nié avoir été abusé (1).
L'autre, dont l'identité et le témoignage restent secrets, n'en a pas parlé pendant de nombreuses années.
L'abus se serait produit immédiatement après la messe, quand il est connu que Pell a l'habitude de parler aux fidèles qui quittent l'église.

Vraisemblablement, cela se passait dans la sacristie, normalement un endroit très fréquenté, où Pell savait que des gens pouvaient certainement entrer.
Les garçons s'étaient probablement enfuis de la procession après la messe pour faire irruption dans la sacristie, mais aucun des autres enfants de choeur qui ont témoigné n'a dit s'en être aperçus ou les avoir remarqués rejoindre le chœur après.
Pell était normalement suivi partout pendant et après la messe par le cérémoniaire, Mgr Charles Portelli, qui a témoigné avoir escorté l'archevêquedepuis son arrivée à la cathédrale jusqu'à son départ. Il a qualifié l'abus d'impossible.
Pas un seul témoin de ce qui était une cathédrale bondée au moment de l'abus présumé n'a remarqué quoi que ce soit pendant les 10 minutes estimées de cet abus présumé.

Il n'y a aucun d'antécédent ou exemples d'abus similaires de la part de Pell, contrairement aux vrais pédophiles de l'église tels que Gerard Ridsdale, qui a violé ou agressé au moins 65 enfants. Pell était âgée de 55 ans au moment des prétendues abus.
Il n'est pas étonnant qu'un premier jury n'ait pas condamné Pell. Je ne suis pas capable de vous dire dans quelle mesure il était sur le point de l'absoudre avant d'avoir réglé l'affaire parce qu'il était dans l'impasse.
De plus, l'homme que je connais semble non seulement incapable de tels abus, mais il est si intelligent et si prudent qu'il n'aurait jamais pu mettre en danger sa brillante carrière et sa réputation dans une agression aussi folle dans un lieu public.
Il y aura beaucoup de gens qui répondront avec colère qu'il faut toujours croire les victimes, ou du moins celles-là. Pourquoi porterait-on une fausse accusation?

Mais Pell a très souvent été accusé de délits graves par des gens qui manifestement se trompaient. Peut-être s'en sont-ils mal souvenus. Peut-être visaient-ils la mauvaise personne.
Ou peut-être cherchaient-ils quelqu'un pour payer les traumatismes du passé, et ils ont choisi l'homme que les médias ont diffamé depuis qu'il est devenu le défenseur le plus controversé et le plus conservateur de l'Église dans ce pays.

Parmi ces accusations fausses ou clairement inconsistantes:
Plusieurs accusations abandonnées au cours du procès de validation après avoir été jugées non fondées ou trop faibles pour être remises à un jury.
Par exemple, il a été accusé d'avoir abusé de quelqu'un lors d'une projection de "Rencontres du troisième type" à Ballarat en 1978 - six mois avant que le film n'arrive dans la ville.
D'autres accusations selon lesquelles Pell aurait harcelé des jeunes dans une piscine dans les années 1970 en les faisant sauter depuisses épaules. Aujourd'hui, les procureurs ont abandonné l'affaire - la séparant de celle pour laquelle Pell a maintenant été reconnu coupable - parce qu'ils n'ont aucun espoir de poursuivre.
Un témoin a signalé à la Commission royale sur les abus sexuels des mineurs, qu'il aurait frappé à la porte du presbytère de Pell à Ballarat il y a quarante ans pour le mettre en garde contre un prêtre pédophile. À l'époque, Pell vivait à des milles de ditance et presque certainement il travaillait dans son bureau de l'université à cette heure de la journée.
Une autre affirmation d'un témoin qui avait avisé Pell contre un prêtre abuseur à Ballart. Le passeport de Pell montre qu'il vivait et étudiait en Europe cette année-là.
Une plainte de David Ridsdale, plus tard lui-même abuseur, selon laquelle Pell avait tenté de le soudoyer pour l'empêcher de dire à la police qu'il avait été maltraité par son oncle, le tristement célèbre prêtre pédophile Gerald Ridsdale. L'ABC a soutenu cette affirmation, mais le consultant de la Commission royale a déclaré que les preuves ne le démontraient pas.
Pell a survécu à tant de fausses accusations. Maintenant, il est tombé sur l'une des plus improbables de toutes.
À mon avis, il s'agit de notre "affaire OJ Simpson", mais inversée. Un homme a été reconnu coupable non pas sur les faits, mais sur les préjugés

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NDT:
(1) Les accusations n'ont été portées que par une seule des deux victimes, la deuxième est morte d'une overdose en 2014. Avant sa mort, l'homme, qui n'a jamais rien signalé, explicitement interrogé par sa mère, a déclaré à deux reprises qu'il n'avait jamais été victime de violence sexuelle. Les charges retenues contre Pell, alors âgée de 55 ans et aujourd'hui de 77 ans, ont été soulevées pour la première fois en 2017 par la journaliste Louise Milligan dans son livre sur le cardinal.


Voici enfin le témoignage, reçu par Riccardo Cascioli, d'une universitaire australienne, Anna Sivas (*), qui connaît bien le cardinal Pell, et qui a souvent assisté à la messe à la cathédrale de Melbourne. Elle connaît donc la configuration des lieux. Pour elle, comme pour le journaliste australien que nous venons de citer, il est tout bonnement impossible que les faits aient eu lieu.

Le cardinal Pell est innocent, voici pourquoi


Anna Silvas
lanuovabq.it
1er mars 2019

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"Je ne crois pas que justice ait été faite dans ce procès devant un jury. Cela sent beaucoup le sacrifice rituel pour un sale agenda". "En 1996, Pell a refusé la communion à une foule gay qui perturbait une messe. L'agenda homosexualiste de l'Eglise et de la société le poursuit depuis lors". "Au sein de l'Église australienne aussi, il y a une large part d'hostilité à l'égard de Pell. Beaucoup d'entre eux sont sans doute des membres vieillissants du clergé de l'Esprit des années soixante-dix".
"Je connais très bien la cathédrale de Melbourne, j'y suis allée très souvent à la messe et il est impossible de commettre un abus dans les circonstances racontées au tribunal". "La crise de l'Église australienne est à l'origine de sa condamnation: pendant des années, l'intelligentsia nationale et une partie du clergé lui-même ont attaqué le cardinal pour ses positions conservatrices et le milieu gay lui a déclaré la guerre il y a vingt ans, justement depuis 1996, année où il a commis le crime dont il est accusé".


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Cher Riccardo,

A ton invitation, je t'écris une lettre, à toi et à tes lecteurs, sur l'affaire de la condamnation du Cardinal Pell et sur l'Église en Australie.

Pour commencer : Je ne crois pas que justice ait été faite dans ce procès devant un jury. Pour moi, cela sent beaucoup le sacrifice rituel pour un sale agenda
J'ai souvent assisté à la messe dans ce transept droit sous l'orgue de la cathédrale de Melbourne (la plus belle cathédrale d'Australie, avec la plus noble flèche gothique du monde). J'ai souvent été à quelques mètres de cette porte qui mène à un court passage dans la zone des sacristies, et j'ai souvent vu les servants d'autel, le chœur et les prêtres entrer et sortir de là. Je ne vois pas comment il pourrait y avoir une place pour la perpétration des vices pour lesquels Pell a maintenant été condamné dans un procès devant jury, encore moins dans les circonstances de la Grand-Messe du dimanche.

J'ai eu le privilège d'écouter longuement, plus d'une fois, Mgr Charles Portelli, qui fut le maître de cérémonie de Pell pendant les cinq années où Pell était archevêque de Melbourne. Portelli est un homme de grande intelligence, probité et culture. Il a dirigé l'archevêque dans tout ce qui concernait la liturgie dominicale et toutes ses circonstances préparatoires et ultérieures. Tous les actes de Pell ont été observés et accompagnés par Portelli.

George Pell aussi est un homme de grande probité, intelligence et culture, fait exceptionnel, dirais-je, parmi les évêques australiens. Cela le met déjà hors-jeu, dans le Tall poppy syndrome ["le syndrome du grand pavot" décrit des aspects d'une culture dans laquelle des personnes de statut élevé sont ressenties, agressées, abattues, ligotées ou critiquées parce qu'elles ont été classées supérieures à leurs pairs, pratiquement une caractéristique culturelle dans la société australienne - cf. wikipedia]. Je n'ai aucun doute que le Cardinal Pell, comme moi, est un pécheur, et dans son cheminement intérieur de chasteté devant le Seigneur, il a eu ses luttes, car la vertu non éprouvée n'est pas la vertu. Mais l'arène pour cela était interne, dans l'intimité de son âme. Il est impensable qu'après trente ans ou plus de vie intellectuelle, morale, sacerdotale et épiscopale engagée et éprouvée, que juste après avoir été nommé Archevêque Métropolitain, il se laisse aller à la première occasion d'une messe dominicale à l'acte de pédophilie si grossier et sordide pour lequel il est légalement condamné. Non, il faut une certaine dégradation morale préparatoire pour en arriver là.

Examinons à présent un peu de ce que je peux voir du contexte plus large de l'Église et de la société australiennes.
Tout d'abord, je mentionne une nouvelle de 1996 dont je me souviens très bien. Très tôt, une foule "gay" organisa une manifestation publique "arc-en-ciel" lors d'une messe dominicale. Quand ils se sont présentés à la Sainte Communion, Pell leur a refusée. L'agenda homosexualiste dans l'Église et la société n'a cessé de le harceler depuis lors. L'une des attaques les plus vicieuses contre lui ces derniers temps a été celle de David Marr. C'est un "intellectuel public" de gauche, australien, un homosexuel qui a depuis longtemps fait son outing, défenseur de la cause "gay", et anti-catholique virulent. L'indignation morale passionnée d'un tel personnage qui agite constamment le doigt contre l'Église catholique nous dit qu'il se passe quelque chose de bien plus profond que les va-et-vient des débats juridique et politique.

Depuis des décennies, la politique australienne (y compris l'ancien Parti libéral de centre-droit), les médias mainstream et les élites culturelles dérivent constamment vers la gauche dans un monde totalitaire et conformiste de politiquement. Une partie de ce changement implique une hostilité de moins en moins déguisée envers la tradition occidentale et ses fondements judéo-chrétiens en général, et envers l'Église catholique en particulier.

Hélas, au sein même de l'Église australienne, il y a une grande part d'hostilité envers Pell. Beaucoup d'entre eux sont sans doute des membres vieillissants du clergé de l'Esprit des années soixante-dix. Car Pell a toujours été un prêtre catholique résolument orthodoxe, et sa position envers le Concile Vatican II dans l'esprit de l'herméneutique de la continuité du Pape Benoît XVI. Il n'a jamais souscrit à la rébellion contre Humanae Vitae. Ainsi vous trouvez le paradoxe étrange que les catholiques 'progressistes' qui sont en faveur d'un changement dans l'éthique sexuelle de l'Église, qui sont laxistes sur le divorce et le remariage, l'avortement, l'homosexualité, et qui sont les commanditaires prévisibles des derniers enthousiasmes politiques à la mode, exploitent eux-mêmes l'incidence des abus sexuels dans l'Église pour promouvoir perversement leur cause. Ils ont l'esprit de David Marr en eux.

Hélas, comme me l'a dit récemment un évêque à la retraite, nous avons donné beaucoup de munitions à ceux qui nous attaqueraient de l'extérieur, ou nous subvertiraient de l'intérieur.
Il y a eu un nombre inquiétant de prêtres dans l'archidiocèse de Melbourne impliqués dans des scandales sexuels au cours des trois ou quatre dernières décennies, comme l'ont montré les enquêtes publiques des dernières années. Sans aucun doute, l'Église, que ce soit en Australie ou dans le monde entier, est semper purificanda. Nous attendons depuis longtemps un châtiment sévère, et je pense que les choses vont empirer pour nous. Considérez juste l'état de notre leadership en ce moment.

Au milieu de l'exposition de la faiblesse morale et spirituelle de l'Église en Australie, nous avons aussi une autre conséquence tragique: l'accusation d'innocents, prêtres et autres. Il est difficile d'être pris entre les victimes de la prédation sexuelle cléricale qui crient vengeance contre une culture de dissimulation et les victimes cléricales de fausses accusations de prédation. J'ai entendu dire que de nos jours, tout prêtre qui est accusé est susceptible d'être traité comme une "patate chaude" par son évêque: il est tout simplement abandonné. Ils ont l'air lâches, ces évêques. Ou, comme ils disent eux-mêmes, "prudent".

Je ne sais pas si l'appel contre la condamnation de Pell sera entendu ou non. Considérons le pire des scénarios, c'est-à-dire qu'il ne le sera pas. Dans ce cas, ma lecture de la situation de Pell serait plus ou moins ce qui suit. Jésus-Christ son Seigneur l'aime trop pour le laisser au sommet de l'avancement ecclésiastique. Pell rejoint les rangs des victimes innocentes, depuis Abel jusqu'à notre Seigneur. Peut-être est-il appelé à porter un fardeau de souffrance par procuration pour ses frères prêtres et croyants qui ne sont pas si innocents, et pour une Église qui a grand besoin de repentir.

Peut-être d'une autre manière, le Cardinal Pell est-il en train de gagner le plus grand "avancement" ecclésiastique de tous, quelque chose qui se rapproche de la condition originelle des Apôtres dans les premières années de l'Église: « Mais nous, les Apôtres, il me semble que Dieu nous a exposés en dernier comme en vue d’une mise à mort, car nous sommes donnés en spectacle au monde, aux anges et aux hommes. Nous, nous sommes fous à cause du Christ, et vous, vous êtes raisonnables dans le Christ; nous sommes faibles, et vous êtes forts; vous êtes à l’honneur, et nous, dans le mépris». (1 Co 4:9-10).

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(*) Anna Silvas est Adjunt senior Research Fellow à l'Université de Nouvelle Angleterre et professeur de Patristique et d'histoire médiévale à l'Institut Jean-Paul II pour le mariage et la famille de Melbourne.

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