Lanceurs d'alerte (suite...)

Aldo Maria Valli a lu le livre dans lequel son confrère Marco Tosatti raconte les circonstances de sa rencontre avec Mgr Viganò et les raisons qui l'ont décidé à publier son fameux "Mémo" du 25 août 2018 - toujours sans réponse du Pape à ce jour (16/3/2019)

>>> La recension du livre de Valli par Tosatti: Lanceur d'alerte (8/11/2018)

 

Comme ceux qui me lisent le savent, Aldo Maria Valli et Marco Tosatti sont les deux journalites italiens auxquels Mgr Viganò a confié son fameux Mémo, et qui ont pris le risque de le publier - choix qui a fait d'eux la cible de critiques aussi déloyales que prévisibles.
Chacun d'eux en a tiré un livre, 'Il caso Viganò' pour le premier, 'Viganò e il Papa. Un testimone racconta' pour le second.
Même si on ne les a pas lus, on peut trouver ici un utile éclairage sur "l'affaire Viganò".

Viganò et le pape. Ce grand silence qui blesse l'Église


Aldo Maria Valli
www.aldomariavalli.it/
14 mars 2019
Ma traduction

* * *

Pour moi, lire 'Viganò e il Papa. Un testimone racconta' a été une expérience étrange. Parce que l'auteur du livre, Marco Tosatti, raconte une histoire qui est aussi la mienne et je me suis donc miré dans ces pages. Tosatti, comme moi, a lui aussi été sollicité un jour par Mgr Carlo Maria Viganò. À Tosatti, comme à moi, Viganò a aussi fait lire son mémoire sur l'affaire McCarrick. Tosatti, comme moi, a lui aussi décidé de publier le document et de contribuer à sa diffusion. Et comme Tosatti, j'ai moi aussi été attaqué pour ma décision et accusé de faire partie d'un complot obscur conçu dans les milieux les plus réactionnaires. La seule chose qui me différencie de Tosatti, c'est peut-être qu'on m'a épargné les accusations d'avoir été le véritable auteur du mémoire.

Mais laissons cela de côté. La question clé reste celle que Viganò a dénoncée dans son rapport et que Tosatti, sur le site Stilum curiae, comme moi sur le site Duc in altum, avons soumis à l'attention des lecteurs: le pape Bergoglio, depuis 2013, immédiatement après son élection, savait tout sur les fautes du cardinal Théodore McCarrick. Pourtant, non seulement il a décidé de ne rien faire, mais il a au contraire utilisé McCarrick comme son conseiller privilégié en matière de politique internationale et de nomination des évêques et des cardinaux dans l'Église américaine. En termes simples, le pontife régnant a couvert pendant cinq ans le cardinal, coupable d'abus sexuels sur des dizaines de séminaristes et de jeunes prêtres. Et, comme nous le savons, le Pape n'a pas encore répondu à cette accusation très grave.

Tels sont les faits, auxquels il faut adjoindre la raison pour laquelle un fidèle serviteur du Saint-Siège a décidé de les dénoncer.

Laissons Viganò l'expliquer lui-même, avec les mots que rapporte Tosatti:

«La principale raison pour laquelle je révèle cette information aujourd'hui, c'est la situation si tragique de l'Église, à laquelle seule la pleine vérité peut remédier, de la même manière qu'elle a été gravement blessée par les abus et les interceptions. Je le fais pour protéger l'Église: seule la vérité peut la rendre libre.
La deuxième raison est de décharger ma conscience devant Dieu de mes responsabilités d'évêque de l'Église universelle. Je suis un vieil homme et je veux me présenter à Dieu avec une conscience pure. Les secrets dans l'Église, même ceux du Pape, ne sont pas tabous, ce sont des instruments pour vous protéger, vous et vos enfants, contre vos ennemis. Les secrets ne doivent pas être utilisés pour des conspirations. Le peuple de Dieu a le droit de connaître toute la vérité, même sur ses pasteurs. Ils ont le droit d'être guidés par de bons pasteurs. Pour pouvoir leur faire confiance et les aimer, ils doivent les connaître ouvertement dans la transparence et la vérité, tels qu'ils sont réellement. Un prêtre doit être une lumière dans un chandelier toujours et partout et pour tous».


À ce propos, Super Ex, un collaborateur 'sous camouflage' et très bien informé de Stilum curiae, pose quelques questions cruciales:

«Viganò, sachant tout, pouvait-il tolérer que l'on continue à imputer les abominations advenues aux Etats-Unis à un vague cléricalisme, à l'Eglise en général, à des sujets non identifiables? Non. C'est pourquoi, par amour de la justice et de l'Église, il a parlé: les coupables, les abuseurs comme McCarrick, ont des noms et des prénoms, tout comme ceux qui ont enterré ces affaires (de Bertone à Bergoglio). Dire ces noms peut coûter des insultes, des calomnies, des maux de ventre, mais il a fallu aussi un évêque, un seul, qui ose laver avec son courage et son sacrifice l'abominable dégoût dont les fidèles sont témoins. Ici, Viganò a choisi de le faire. La vraie Église le remercie et le remerciera encore plus demain, quand elle aura complètement surmonté cette terrible et longue tragédie, qui a plus de quarante ans, mais qui a atteint son point culminant aujourd'hui, dans ce climat grotesque où, tandis que le monde demande des comptes au sujet des abus des prêtres et cardinaux homosexuels sur des séminaristes et les mineurs, un Jésuite américain du nom de James Martin, protégé par les hautes sphères, tente même de clarifier doctrinalement le comportement obscène de ses protecteurs américains et non américains».


Naturellement, la campagne contre Viganò a commencé immédiatement, et Tosatti en parle aussi dans son livre. La technique a fait ses preuves. Puisqu'on ne peut pas et ne sait pas répondre aux faits, on a recours à la boue. C'est pourquoi le livre de Tosatti (comme mon "Il caso Viganò") est aussi un texte de théorie et de technique de l'information et de la désinformation.

Tosatti prouve que Viganò n'est pas un pauvre 'curial' rongé d'envie et de ressentiment pour ne pas avoir fait carrière. Au contraire, c'est lui, Viganò, qui a renoncé au poste de Préfet de la Congrégation pour les affaires économiques, qui lui a été offert en 2011 par Benoît XVI. Il a dit non parce qu'il voulait achever le travail de nettoyage qu'il avait commencé à la tête du gouvernorat et qu'il craignait que, s'il partait, son équipe fût liquidée. Comme cela s'est produit lorsque Viganò a été envoyé aux États-Unis.

Il y a beaucoup d'autres informations qui enrichissent le livre de Tosatti. Reste la tristesse pour l'absence de réponse du Pape, «une blessure à sa crédibilité humaine et à celle d'un chef spirituel, et finalement aussi à sa mission».

Il n'y a pas que Tosatti qui le dit. Des journaux comme le New York Times, le Frankfurter Allgemeine, Der Spiegel, le Wall Street Journal, le Catholic Herald et d'autres ont écrit à ce sujet.

Aux fidèles, qui attendaient une réponse, le pape a fait savoir: «Je ne dirai pas un mot». Et quand, de retour du voyage dans les pays baltes, le moment est venu pour les journaliste de poser les questions fatales, la réponse fut: «Ils m'ont dit que le dîner était prêt et le vol est bref». Stop.

C'est la stratégie du silence, bien connue. Après, ceux qui voudraient revenir sur l'affaire pourront, pour des informations, s'adresser à l'auteur de 'Sodoma', Frédéric Martel, un militant français des droits des homosexuels (très bien introduit au Vatican), qui dans son livre confirme que le pape Bergoglio a été réellement informé par Mgr Viganò du passé de McCarrick, mais qu'il n'a pas considéré le fait comme important, et l'a même utilisé comme conseiller et envoyé spécial.

Voilà les faits. Que Tosatti retrace ponctuellement. Rien d'étrange, pourrait-on dire, puisque Tosatti est journaliste. Pourtant, aujourd'hui, dans notre monde à l'envers, qu'un journaliste donne les informations, ne s'autocensure pas et ne se laisse pas intimider, c'est quelque chose d'exceptionnel.

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