Le Pape et le Père James Martin
Comment concilier les propos du Pape devant le forum des Familles à Rome, et l'invitation faite au P. Martin de s'exprimer lors de la rencontre mondiale des Familles cet été à Dublin? Très bon commentaire de Stefano Fontana après les déclarations "orthodoxes" du Pape sur l'avortement et la famille (19/6/2018)
Ce serait comme résoudre la quadrature du cercle. Sauf si l'on admet, comme le fait le Pape lui-même dans Amoris Laetitia, qu'il y a plusieurs façons d'interpréter la doctrine.
>>> Le Pape a-t-il vraiment parlé en Pape?
"Pas d'avortement, il n'y a qu'une seule famille" dit le Pape. Oui mais...
Stefano Fontana
www.lanuovabq.it
18 juin 2018
Ma traduction
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Si le Père Martin parle d'intégration, d'accueil, d'accompagnement et de discernement, la doctrine ne sera pas formellement niée mais mise de côté avec un "oui, mais". Mais mettre de côté la doctrine et faire comme si elle n'existait pas, c'est un moyen de la changer (sans le dire).
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Le pape François, parlant lors du Forum italien des familles, a répété que la famille est une seule et se compose d'un homme et d'une femme, démentant qu'il existe d'autres types de famille, y compris celle dite homosexuelle. La déclaration du Pape a été mise en relation avec la participation annoncée en tant qu'orateur du Père James Martin, jésuite, qui soutient les familles arc-en-ciel, au prochain Forum mondial de la famille à Dublin, comme si François l'avait désavoué.
Si cette interprétation était correcte, elle devrait conduire à une révision du programme de la IXème Journée mondiale de la famille prévue pour le mois d'août dans la capitale irlandaise et à la suppression de la conférence du Père Martin [cf. L'idéologie LGBT à l'assaut de l'Eglise]. Mais je ne pense pas que ce sera le cas, je pense plutôt (tout disposé à recevoir un démenti, bien sûr) que la conférence Martin sera confirmée. Dans l'Église d'aujourd'hui, la discontinuité entre doctrine et pastorale et le pluralisme doctrinal sont malheureusement largement acquis. Ce qui exige aussi une nouvelle considération de ces déclarations du Pape.
Les évêques irlandais, lors du récent référendum sur l'avortement, ont accepté une loi qui permet l'avortement d'une manière légale, sûre et rare. La "rareté" a été considérée comme suffisante pour accepter une loi qui implique le meurtre d'un être innocent et pour confirmer la théorie du moindre mal espressément condamnée par la morale catholique. Personne, à Rome, ne les a rappelés à l'ordre. Aujourd'hui, le pape François dit au Forum italien de la famille que l'avortement est comme l'holocauste nazi fait avec des gants blancs. Très bien, mais comment cette vérité se combine-t-elle avec celle des évêques irlandais? Comment les déclarations du Pape sur la famille se combinent-elles avec la conférence du Père Martin à Dublin ?
S'agit-il d'incidents? De malentendus? De fuite en avant? Je crois qu'il y a quelque chose de plus profond. Aujourd'hui, le Magistère lui-même enseigne que la doctrine peut et doit être interprétée. Je me limiterai ici à citer l'Exhortation Amoris Latitia:
« En rappelant que "le temps est supérieur à l’espace", je voudrais réaffirmer que tous les débats doctrinaux, moraux ou pastoraux ne doivent pas être tranchés par des interventions magistérielles. Bien entendu, dans l’Église une unité de doctrine et de praxis est nécessaire, mais cela n’empêche pas que subsistent différentes interprétations de certains aspects de la doctrine ou certaines conclusions qui en dérivent. Il en sera ainsi jusqu’à ce que l’Esprit nous conduise à vérité entière (cf. Jn 16, 13), c’est-à-dire, lorsqu’il nous introduira parfaitement dans le mystère du Christ et que nous pourrons tout voir à travers son regard. En outre, dans chaque pays ou région, peuvent être cherchées des solutions plus inculturées, attentives aux traditions et aux défis locaux. Car "les cultures sont très diverses entre elles et chaque principe général […] a besoin d’être inculturé, s’il veut être observé et appliqué"».
A l'origine de cette approche, il y a l'idée que la foi des apôtres était aussi interprétation, et non pas connaissance, parce que, comme quelqu'un l'a dit [rien de moins que l'actuel général des jésuites!], il n'y avait pas de magnétophone à l'époque de Jésus. L'interprétation est ici comprise dans le sens que le philosophe allemand Gadamer et l'existentialisme en général lui ont donné. D'un texte, qu'il s'agisse de la Bible ou de la République de Platon, aujourd'hui, nous pouvons dire que nous le connaissons mieux que son auteur, grâce précisément à l'histoire des interprétations qui ont développé son sens originel, mais sans jamais pouvoir atteindre la "leçon", c'est-à-dire son sens premier et fondateur. Entendue de cette façon, l'interprétation est une source de vérités toujours nouvelles en fonction du moment historique d'où naissent les idées préconçues toujours nouvelles. S'agit-il d'historicisme? Je dirais que oui. Pour les besoins de notre discours, il suffit de reconnaître que cette vision des choses conduit nécessairement à des interprétations différentes, avec la possibilité que le Pape dise une chose et que le Père Martin à Dublin en dise une autre. Il faut noter que cela s'applique aussi au niveau diocésain, où il est possible que l'évêque dise une chose et qu'une autre soit enseignée au séminaire. Et il ne s'agit pas d'évènements fortuits.
Et puis, il y a la grande question de la relation entre la théorie et la pratique. Dans ce cas, en paroles, il suffira de soutenir qu'à Dublin, le Père Martin ne s'occupera pas de doctrine morale naturelle et catholique mais de pastorale, de sorte qu'on puisse dire que les choses qu'il dira sont en opposition avec ce que le Pape a dit au Forum des familles italiennes dont nous sommes partis. C'est depuis Vatican II que nous vivons ce malentendu, mais aujourd'hui plus que jamais. Si le Père Martin parle d'intégration, d'accueil, d'accompagnement et de discernement, la doctrine ne sera pas formellement niée mais mise de côté avec un "oui, mais". Mais mettre de côté la doctrine et faire comme si elle n'existait pas, c'est un moyen de la changer (sans le dire).
Et pourquoi cela ne devrait-il pas être permis, s'il existe «différentes interprétations de certains aspects de la doctrine ou certaines conclusions qui en dérivent»?
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