Le Pape ment
Il a enfin répondu à Mgr Vigano, dans une interview à une chaîne mexicaine, et il y affirme qu'il n'était pas au courant pour McCarrick. Mais la publication de la correpondance de ce dernier, par celui qui fut secrétaire de l'ex-cardinal, prouve qu'il ment délibérément (29/5/2019)
Interrogé par Marco Tosatti, Mgr Vigano (dont on est soulagés d'avoir enfin des nouvelles après des semaines de silence!!) répond simplement «Si le pape dit cela, il ment».
Il ment, mais il est aussi entouré de menteurs (parmi lesquels le cardinal Ouellet n'est pas le moindre!).
On trouve également la confirmation que Benoît XVI avait bel et bien engagé des sanctions contre McCarrick, mais qu'il n'a pas été obéi. Ce n'est très probablement pas la seule occasion.
Bergoglio: «Je n'ai jamais été au courant pour McCarrick». Mais le secrétaire de l'ex-cardinal divulgue une correspondance qui prouve que le Vatican savait depuis 2008
Aldo Maria Valli
29 mai 2019
Ma traduction
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Dans une interview accordée à la chaîne de télévision mexicaine Televisa, Bergoglio se défend contre les accusations de l'ancien nonce aux Etats-Unis, Carlo Maria Viganò, affirmant qu'il n'était pas au courant du cas McCarrick. «Je ne savais rien, sinon je n'aurais pas gardé le silence», dit le Pape. Mais ces déclarations arrivent juste au moment où l'ex-secrétaire personnel de Theodore McCarrick, Mgr Anthony Figueiredo, confirmant la version de Viganò, fait connaître une correspondance dont il ressort qu'en réalité, le Vatican savait tout depuis 2008.
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Dans l'interview, qui sera diffusée dimanche prochain au Mexique, mais qui a été anticipée par les médias du Vatican, on demande à Bergoglio s'il était ou non au courant de l'affaire McCarrick (comme on le sait, Viganò a dit avoir averti le Pape dès 2013) et François répond avec décision: «J'ai dit plusieurs fois que je ne savais pas, je ne savais rien. Et quand il [Viganò, ndlr] dit qu'il m'a parlé ce jour-là, qu'il est venu... Et je ne me souviens plus s'il m'en a parlé. Si c'est vrai ou non. Je n'en ai aucune idée! Mais tu (sic!) sais que je ne savais rien de McCarrick, sinon je n'aurais pas gardé le silence, non?».
- Mais pourquoi avez-vous décidé de vous taire face aux accusations de Mgr Vigan?
Réponse de Bergoglio: «Ceux qui ont fait le droit romain disent que le silence est une façon de parler... J'ai pensé faire confiance à l'honnêteté des journalistes et je vous ai dit: regardez, ici, vous avez tout, étudiez et tirez les conclusions. Et vous l'avez fait, parce que le travail, c'est vous qui l'avez fait, et dans ce cas, ça a été fantastique. J'ai fait très attention à ne pas dire des choses qui n'étaient pas là, mais trois ou quatre mois plus tard, un juge à Milan les a dites quand ils l'ont condamné» (!!!).
En réalité, aucun juge n'a «condamné» Viganò, puisqu'il lui a seulement ordonné de payer une somme à son frère, ce que Viganò avait d'ailleurs déjà fait auparavant, comme cela a été expliqué dans une déclaration des avocats du monsignore.
Bergoglio dit donc qu'il ne savait rien, alors que Viganò dans son mémoire rappelle que dans sa rencontre du 23 juin 2013 avec le Pape, non seulement il a été question de McCarrick, mais c'est le Pape lui-même qui a demandé au nonce des informations sur le cardinal américain. La question était: «McCarrick, comment est-il?» Bergoglio voulait évidemment savoir ce que Viganò savait du cardinal, mais s'il ignorait vraiment tout, pourquoi, comme le dit Viganò, n'a-t-il pas eu la moindre réaction quand le nonce lui a parlé clairement dees mauvaises façons de McCarrick envers les séminaristes et les prêtres ? Et pourquoi le pape n'a-t-il pas demandé à la Congrégation pour les évêques des informations sur McCarrick, comme le suggérait Viganò?
Un témoignage sur toutes ces circonstances arrive à présent de la correspondance que Mgr Figueiredo, ex-secrétaire de McCarrick, a décidé de faire connaître aujourd'hui même.
Interrogé par nous, Mgr Carlo Maria Viganò répond aux déclarations de Bergoglio lors de l'interview à la télévision mexicaine en ces termes: «Les faits qui sont apparus ces derniers mois ont toujours apporté la preuve de ce que j'ai dit et parlent donc d'eux-mêmes, et ils ont à présent été confirmés par les documents publiés par Mgr Figueiredo. Le pape savait pour McCarrick et il sait et couvre aussi d'autres cas similaires».
Venons-en alors à la correspondance publiée par Mgr Anthony J. Figueiredo, laquelle confirme que McCarrick, en raison d'accusations d'abus sexuels, a été soumis à des restrictions par le Vatican en 2008 sous le pontificat de Benoît XVI. Il est également confirmé que le cardinal Donald Wuerl, qui a succédé à McCarrick comme archevêque de Washington, était au courant des restrictions et que McCarrick, malgré ces restrictions, a travaillé pour le compte du Vatican, y compris en voyageant fréquemment, pour maintenir des relations avec la Chine et d'autres pays.
Les détails des restrictions imposées par le Vatican ne sont pas connus, mais la correspondance révèle que McCarrick promit de ne pas voyager sans l'autorisation expresse du Vatican et de démissionner de tous ses rôles au Vatican et à la Conférence des évêques catholiques des États-Unis, tout en contestant la demande de ne plus se rendre à Rome.
Dans une lettre, en particulier, McCarrick suggère que le Vatican voulait garder les restrictions confidentielles pour «éviter la publicité».
Selon la correspondance publiée, McCarrick, malgré les restrictions, reprit peu à peu les voyages et joua des rôles diplomatiques importants dès le pontificat de Benoît XVI, puis, dans une plus large mesure, avec l'avènement de François. Certains des entretiens de McCarrick avec les autorités chinoises ont presque certainement contribué à la conclusion de l'accord de l'an dernier, très controversé (et sévèrement critiqué par le cardinal Zen), entre le Saint-Siège et Pékin sur la nomination des évêques.
McCarrick opérait au grand jour. D'après la correspondance, il semble en effet qu'il écrivit régulièrement au Pape François entre 2013 et 2017 pour l'informer de ses voyages et de ses activités.
Dans sa correspondance, McCarrick dit: «Je n'ai jamais eu de rapports sexuels avec quiconque», mais il admet «un regrettable manque de jugement» en partageant son lit avec de jeunes séminaristes de vingt à trente ans. «Quand les problèmes d'abus sexuels ont commencé à apparaître, j'ai réalisé que mon comportement était imprudent et stupide (ndt: cest tout?) et [les rencontres] ont pris fin», écrit-il dans une lettre adressée en 2008 à un haut responsable du Vatican.
L'examen de la correspondance, y compris les mails et les lettres de McCarrick, montre que les hauts fonctionnaires du Saint-Siège, y compris le secrétaire d'État du Vatican à l'époque de Benoît XVI, le préfet de la Congrégation pour les évêques et le Nonce aux États-Unis, étaient conscients des restrictions informelles, mais cela ne l'empêcha pas de poursuivre ses activités.
McCarrick écrit qu'en 2008, il parla des restrictions avec le cardinal Wuerl, lequel, explique-t-il, fut «d'une grande aide et de soutien fraternel». Il est à noter que Wuerl a d'abord nié avoir eu connaissance des accusations portées contre McCarrick, puis en 2018, lorsque tout a été dévoilé, il s'est justifié en invoquant un très improbable «trou de mémoire».
Mgr Anthony Figueiredo, qui a reudu publics les lettres et les mails, est un prêtre de Newark (ordonné par McCarrick lui-même en 1994) qui a servi l'ancien cardinal comme secrétaire personnel de septembre 1994 à juin 1995, puis comme intermédiaire et assistant pendant les nombreuses visites de McCarrick à Rome sur une période d'au moins 19 ans.
Dans le rapport de Figueiredo (dix pages), il y a une lettre du 25 août 2008 au défunt archevêque Pietro Sambi, alors nonce aux Etats-Unis, dans laquelle McCarrick se dit «prêt à accepter la volonté du Saint-Père envers moi» et se montre disposé à annuler ses engagements et à céder à la demande du Vatican de se transférer dans un monastère.
Toutefois, McCarrick note que tout cela, autrement dit sa «mise à l'écart» de Rome, aurait fait grand bruit, tandis que «la publicité qui en aurait résulté est précisément ce que le Cardinal Re espère éviter».
Le cardinal Giovanni Battista Re était à l'époque à la tête de la Congrégation pour les évêques et d'après un échange de mails, il semble que Re ait envoyé, par l'intermédiaire de Sambi, une lettre à McCarrick précisant les restrictions. Il semble également qu'une copie de la lettre se trouve dans les archives de la Congrégation pour les évêques à Rome et aussi dans celles de la nonciature à Washington.
Une semaine plus tard, McCarrick écrivit une lettre au cardinal Tarcisio Bertone, alors secrétaire d'État, dans laquelle il déclarait que les accusations portées contre lui venaient d'«ennemis» qu'il se serait fait au fil des ans pour être un homme de «centre», donc peu apprécié tant pour des progressistes que des conservateurs.
C'est justement à cette occasion que McCarrick admet avoir partagé son lit avec les séminaristes, «jamais en secret ou les portes fermés», et sans jamais avoir de «relations sexuelles avec quiconque, homme, femme ou enfant».
Dans un mail adressé à Figueiredo en octobre 2008, McCarrick écrit que le cardinal Re lui avait interdit d'apparaître en public sans sa permission et lui avait ordonné de démissionner de tous ses postes à Rome et à la Conférence épiscopale des États-Unis. Cependant, McCarrick conteste l'interdiction de se rendre à Rome en faisant valoir qu'en tant que cardinal, il est aussi prêtre de Rome et qu'il veut donc être libre de saluer le Pape et de recevoir sa bénédiction, avec l'espoir de «rester actif, silencieusement et sans fanfare» dans l'oeuvre pour la paix en Terre Sainte, dans le dialogue islamo-chrétien et pour l'aide aux pauvres.
Les mails suivants montrent que McCarrick ignorera progressivement les restrictions et se rendra à Rome deux fois en 2009 et une fois en 2010. En 2012, il se rendra ensuite à Doha, en Irlande, à Beyrouth, en Jordanie, en Égypte, en Thaïlande, au Myanmar, au Cambodge, à Hong Kong, en Terre Sainte et au Bélarus.
La correspondance montre qu'après l'élection de François, le nombre de voyages a encore augmenté, avec des engagements diplomatiques en Chine, en Asie centrale, à Chypre, dans les Balkans, au Moyen-Orient, au Liban, au Maroc, en Irak, en Iran, au Kurdistan et aux Philippines.
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L'article se termine par la traduction en italien de ll'introduction du rapport de Mgr Figueiredo. Traduction en français à venir.
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