Le Pape vert est faillible
Et les catholiques ne sont pas tenus de suivre "l'agenda écolo-gauchiste" de François. C'est ce qu'affirme le cardinal Müller dans une interview à un journal australien (9/8/2018)
Le cardinal Müller à propos d’un « pontificat problématique »
« LES CHRÉTIENS NE SONT PAS TENUS DE SUIVRE L’AGENDA ÉCOLO-GAUCHISTE DU PAPE »
Giuseppe Nardi
6 août 2018
www.katholisches.info
Traduit de l'allemand par Isabelle
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(Canberra) Le journal The Australian publie, dans son édition du week-end (The Week-end Australian) des 28 et 29 juillet une critique sans fard à l’adresse du ministère exercé par le pape François. L’article est signé par Tess Livingstone qui s’est entretenue avec le cardinal Gerhard Müller. Les sous-titres de l’article, comme « Un pape vert est faillible » et « Le pape n’est pas infaillible en matière d’environnement, selon un cardinal en vue » donnent le ton.
Dans la formulation qu’en donne Livingstone, l’essentiel des déclarations du cardinal Müller se ramène à cette phrase : « Les chrétiens ne sont pas tenus de suivre l’agenda écolo-gauchiste du pape ».
Ce qui est visé par là concrètement, c’est l’agenda du changement climatique imposé à l’Eglise par le pape François, alors que ses prédécesseurs avaient pris soin de ne pas se laisser lier à une cause aux motivations politiques et idéologiques ambigües. Mais pour le cardinal Müller, il ne s’agit pas seulement du changement climatique.
Il n’existe, commente la journaliste d’après les déclarations du cardinal, aucune obligation pour les chrétiens de s’opposer aux énergies fossiles ni de se battre pour le respect de traités internationaux sur le climat comme l’accord de Paris, conclu en décembre 2015, qui repose sur le présupposé d’une origine anthropique du changement climatique.
On se souviendra que le pape François a soutenu expressément cet accord. Il a, en outre, fait organiser au Vatican, au printemps 2015, en collaboration avec l’ONU, une conférence sur le climat, dont étaient purement et simplement exclus les savants qui auraient mis en doute l’hypothèse de la responsabilité humaine dans le changement climatique. Le pape a encore publié une encyclique écologique et fait projeter, sur la façade de la Basilique Saint-Pierre, au soir de la fête de l’Immaculée Conception de la Sainte Vierge, des images suggestives. Il a envoyé un message à la conférence de Paris sur le climat et tenté d’empêcher l’élection de Donald Trump, mettant en garde contre son éventuelle victoire en se référant précisément à l’agenda climatique.
Ce qu’écrit Livingstone pourrait tout aussi bien s’exprimer en ces termes : le pape François assume le rôle d’une sorte de « super chef » religieux qui, au nom des religions, fait pression, en tant qu’autorité morale, pour imposer et garder une direction politique définie. Et par là, le chef de l’Eglise catholique n’exerce pas – et c’est une critique qu’on lui adresse – sa fonction propre qui est religieuse, et sûrement pas dans le sens de la vérité. Il remplit plutôt le rôle d’un fonctionnaire ecclésiastique global, comme se le représentait l’Eglise d’Etat à l’époque de Joseph II, monarque éclairé.
« Nous ne sommes pas un parti écolo »
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Le cardinal Müller, qui séjournait en Australie pour une rencontre sacerdotale, l’a dit plus clairement à Livingstone : « Nous ne sommes pas un parti écolo ».
C’est pourtant une tout autre impression qu’ont de plus en plus de catholiques, lorsqu’ils découvrent, étonnés et désemparés, les gestes et les déclarations du pape François.
Le cardinal Müller met plutôt en garde contre une telle orientation car, dit-il, ce sont les mêmes forces qui limitent la liberté religieuse et veulent contraindre les hôpitaux à pratiquer l’avortement. Ces forces « mènent au totalitarisme » ; c’est pourquoi les chefs de l’Eglise, comme les citoyens, doivent s’y opposer.
La séparation de l’Eglise et de l’Etat (Dieu et l’empereur) revêt une importance vitale ; et la politique environnementale n’a rien à faire ni avec la foi ni avec la morale. En d’autres termes : le pape François ne doit pas s’en occuper. Ce n’est pas là un thème pour l’Eglise mais plutôt, selon le cardinal Müller, un thème pour les partis politiques et leurs électeurs.
Il y a peu, le cardinal Francesco Coccopalmerio, très proche allié du pape François, réclamait que la sauvegarde de l’environnement soit intégrée dans le code de droit canonique. Il a fait cette déclaration à une réunion sur la « transition énergétique », organisée à Rome par un mouvement catholique écologiste.
Le cardinal Müller conteste aussi bien la revendication que l’opinion qui la motive. Les chefs de l’Eglise devraient se concentrer sur la religion. Au lieu d’une telle ingérence dans les thèmes politiques actuels, on aurait besoin d’une nouvelle évangélisation des jeunes, surtout en Allemagne. Pour cela, il faut que la liturgie se concentre sur le Christ et ne se réduise pas en un « entretien religieux ».
« Schisme » : le mot tabou – « Les pères ne démissionnent pas »
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Tess Livingstone lance encore un autre thème brûlant dans la discussion : « Il y a un mot que les chefs de l’Eglise évitent de prononcer : le ‘schisme’ ».
Le cardinal Müller a fait une exception à cette règle en affirmant le besoin de « clarté », d’une clarté qui doit se fonder sur « la parole de Dieu », donnée par le Christ. Cette « clarté » doit venir du pape et des évêques : on l’attend d’eux, pour surmonter le « schisme » qui, de facto, existe déjà et que l’on décrit communément par la division de l’Eglise entre une aile « progressiste » et une aile « conservatrice ».
Le cardinal Müller a parlé aussi de Benoît XVI, dont il édite les œuvres complètes. Et le cardinal a soulevé à ce propos une nouvelle question. Il a qualifié la renonciation d’un pape de « problème », au même titre que l’obligation faite aux évêques de présenter leur démission à l’âge de 75 ans, introduite seulement sous le pape Paul VI.
« Ce sont des pères, et les pères ne démissionnent pas », déclare le cardinal.
Il a mentionné ensuite un autre problème. Beaucoup des cardinaux qui devront élire le successeur du pape François ne se connaissent pas. François a modifié les habitudes qui avaient cours jusqu’ici en ce qui concerne les nominations cardinalices, en nommant beaucoup d’évêques inconnus, provenant de diocèses inconnus. Le problème, dit le cardinal, c’est que le pape François a organisé cinq consistoires pour créer des cardinaux ; mais, depuis quatre ans, il n’a convoqué aucune assemblée plénière du collège cardinalice. Une telle déficience contredit tout de même la profession de « style moderne », collégial et « synodal » que François disait vouloir promouvoir.
Enfin, le cardinal Müller a porté encore un coup : le pape François devrait cesser d’écouter de « soi-disant amis, qui ne se sont pas toujours avérés tels ».
Giuseppe Nardi
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