"Lettre du Pape François au peuple de Dieu" (II)

Ce que le Pape dit et ce qu'il ne dit pas. Le commentaire d'Aldo Maria Valli (22/8/2018)

>>> Le texte de la lettre: w2.vatican.va
>>> "Lettre du Pape François au peuple de Dieu" (I)

Ce que dit le Pape François. Et ce qu'il ne dit pas


www.aldomariavalli.it/
22 août 2018
Ma traduction

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Elle n'a pas plu à tout le monde, la Lettre au Peuple de Dieu écrite par François à la suite de l'explosion de la crise après le rapport du Grand Jury de Pennsylvanie sur un millier de cas d'abus contre trois cents victimes sur une période de soixante-dix ans, et un ample camouflage (/couverture) de la hiérarchie.
LifeSiteNews remarque que la lettre reçoit des critiques de la part des fidèles parce qu'elle ne précise pas les mesures concrètes à prendre et ignore la question fondamentale de l'homosexualité qui sévit au sein du clergé.
Le pape pointe du doigt le «cléricalisme», compris comme «une manière anormale» de considérer et de vivre l'autorité de l'Église, mais l'explication apparaît à la fois vague et trompeuse. Le problème n'est pas abordé sérieusement à moins que la question de l'homosexualité et le rôle des évêques ne soient reconnus. Toutefois, les mots «évêque» et «homosexualité» n'apparaissent même pas une seule fois dans la lettre.
Comme l'ont noté, par exemple, le cardinal Raymond Burke [cf. Abus sexuels: le cardinal Burke parle] et l'évêque de Madison Robert Morlino (*), une crise aussi dramatique que celle des abus ne peut être affrontée sans reconnaître le problème de l'homosexualité et de la permissivité qui s'est glissé dans l'Église. En même temps, il faut souligner que, quelle que soit l'importance des mesures des évêques, il appartient au Pape de démontrer que l'Église a su retracer les causes du phénomène, afin de pouvoir réguler correctement les situations.

Les statistiques contenues dans le rapport du Grand Jury de Pennsylvanie montrent que les trois quarts des prêtres inculpés étaient homosexuels et que la majorité d'entre eux ont choisi des adolescents comme victimes. Il n'est donc pas correct de parler de pédophilie ou, du moins, seulement de pédophilie. D'autre part, le rapport du John Jay College en 2004 indiquait déjà que 81 % des victimes étaient des hommes, surtout des adolescents âgés de quatorze à dix-sept ans.
Marie Collins, victime d'abus et ancienne membre de la Commission pontificale pour la protection de l'enfance (dont elle a démissionné pour souligner son sentiment de frustration et l'insuffisance de l'organisme) a également exprimé sa perplexité au sujet de la lettre du pape, et un autre commentaire significatif a été celui de l'écrivain Rod Dreher, auteur du livre "The Benedict Option".
Né méthodiste, converti au catholicisme en 1993 puis, en 2006, devenu orthodoxe grâce à ses recherches sur le réseau secret et puissant des prêtres homosexuels, Dreher note : «Si je n'avais pas suivi cette histoire de près pendant des années, je serais réconforté par la lettre du pape», mais malheureusement je sais qu'«il est très tard», pour que l'on puisse encore penser que «les mots, seuls, sont crédibles».
Le pape François, écrit Dreher, a déversé «un torrent de bonnes paroles», mais malheureusement les actes ne correspondent pas.
Prenons le cas de Donald Wuerl, archevêque de Washington, ami de l'ex-cardinal Mc Carrick (suspendu après avoir été reconnu coupable de graves abus contre les séminaristes) et désormais dans l'œil du cyclone, à tel point qu'il y a de nombreux appels à sa démission.
La démission de Wuerl pour raison d'âge (né en 1940, successeur de Mc Carrick à Washington en 2006) est sur la table du pape François depuis deux ans déjà (tous les évêques catholiques, comme nous le savons, démissionnent formellement lorsqu'ils atteignent l'âge de soixante-quinze ans), mais dans le cas de l'archevêque de Washington, le Pontife ne l'a pas acceptée. Cela amène Dreher à commenter : «Tant que Donald Wuerl est à la tête de l'archidiocèse de Washington, les paroles du pape [contre les abus] resteront vides».
Mais prenons aussi le cas du cardinal Oscar Rodriguez Maradiaga, qui fait partie du cercle le plus rapproché des conseillers du pape, comme coordinateur du Conseil des neuf cardinaux chargés de la «grande réforme» que François devait mener à terme. Eh bien, écrit Dreher, Maradiaga est au centre d'un «énorme scandale pour homosexualité» qui implique le séminaire de son diocèse (l'auxiliaire de Maradiaga a démissionné après avoir été accusé d'avoir eu différentes relations homosexuelles), mais la position du cardinal hondurien (qui a déjà soixante-quinze ans et est donc à la retraite) semble de plus en plus forte dans la curie romaine, à tel point que les rumeurs de couloirs dans les palais sacrés disent qu'il sera confirmé pour au moins cinq autres années (et entre-temps, au cours des vingt dernières années, la population catholique du Honduras a diminué de moitié, avec des masses de croyants qui sont passés au pentecôtisme ou qui ont abandonné). La seule chose qui maintient Maradiaga au pouvoir est la volonté de François, de sorte que la conclusion de Dreher est la même qu'avant: «Tant que Maradiaga restera au pouvoir, les paroles du pape seront vides».
En somme, conclut Dreher, il faut prêter attention non seulement à ce que dit le pape, mais aussi à ce qu'il ne dit pas.
La réaction à la lettre du pape de l'une des mille victimes qui ont dit au grand juré de Pennsylvanie qu'elles avaient été harcelées pendant des années a été très dure. Le document de François, dit Jim Faluszczak, quarante-neuf ans, ancien prêtre qui vient en aide aux victimes d'abus, «n'offre pas de solutions sur la manière dont l'Église devrait combattre le phénomène». Et «si le pape ne peut pas trouver de solutions, mieux vaut qu'il se retire, afin de permettre aux catholiques de mettre à sa place un autre pape capable d'agir».
Pendant ce temps, alors que dans le Catholic Herald britannique la lettre du pape est jugée «inadéquate» et «remplie de clichés», certains proposent de faire table rase de la Conférence épiscopale des États-Unis.
C'est le cas de Jason Scott Jones, qui écrit sur LifeSiteNews: «Il est temps de dissoudre la Conférence des évêques catholiques des États-Unis. Au lieu de perdre du temps dans des déclarations politiques stupides sur des questions telles que l'immigration, le réchauffement climatique et les syndicats, les évêques doivent se concentrer sur trois choses: rendre les sacrements facilement accessibles (en particulier la confession); reconstruire l'éducation catholique dévastée; et s'assurer que nos enfants ne sont pas victimes d'abus sexuels».
Les évêques, écrit Jones, sont responsables de la sphère spirituelle et les laïcs sont responsables de la christianisation de la sphère temporelle, mais cette différence fondamentale entre la hiérarchie et les laïcs a été complètement oubliée. Les évêques, lorsqu'ils traitent de la vie des laïcs, devraient prendre des positions fortes sur des questions non négociables comme l'avortement, les unions homosexuelles et la protection des enfants; au lieu de cela, comme ils se concentrent sur la promotion de causes "libérales", ils ne se préoccupent pas du salut des âmes. Pendant ce temps, l'éducation catholique s'est désintégrée, les sacrements sont maltraités (combien de catholiques américains reçoivent l'Eucharistie même s'ils se confessent rarement ou jamais), et nos enfants sont en danger juste au moment où ils sont parmi ceux avec qui ils devraient être le plus en sécurité. «Les évêques ne sont ni des administrateurs ni des militants. Ce sont des pasteurs. Ils existent dans un seul but: aider les chrétiens à atteindre le paradis.
Des cardinaux et des évêques comme Wuerl, poursuit l'auteur, ont même essayé d'utiliser la Conférence épiscopale des États-Unis pour empêcher leurs collègues de parler de sujets politiquement sensibles, mais ce n'est pas une surprise puisque 40 % des fonds sont versés aux évêques par le gouvernement fédéral américain.
Le fait que la situation est maintenant largement hors de contrôle est confirmé par les initiatives législatives qui ont ciblé le sacrement de la confession dans diverses parties du monde.
Sandro Magister écrit [ndt: c'était aussi le sujet de cette chronique d'Andrea Gagliarducci qu j'ai traduite la semaine dernière: Pas de printemps pour l'Église]: «En Australie, dans le territoire de la capitale Canberra, le secret de la confession est considéré comme un délit depuis juin dans le cas où le prêtre viendrait à connaissance d’un abus sexuel sur mineur pendant qu’il administre le sacrement sans le dénoncer aux autorités publiques... Les évêques d'Australie ont réagi en défendant l'inviolabilité du sceau de la confession, dont la transformation en crime met en danger la liberté religieuse elle-même. Mais le Premier ministre de la Nouvelle-Galles du Sud, l'un des six États qui composent la fédération australienne, a déjà demandé que la loi soit discutée et approuvée au niveau fédéral, pour qu'elle s'applique à l'ensemble du pays».
Et l'Australie n'est pas un cas à part. «En Inde, fin juillet, la Commission nationale pour les femmes a recommandé au gouvernement de New Delhi de déclarer le sacrement de la confession hors la loi dans tout le pays afin d’éviter les "chantages" que les prêtres pourraient exercer à l’encontre des femmes».
«En 2011 déjà, dans une Irlande secouée par l’explosion des abus sexuels perpétrés par des prêtres catholiques, le premier ministre de l’époque Enda Kenny soutenait que "les prêtres devraient avoir l’obligation légale de dénoncer les cas d’abus appris en confession"».
Et comment oublier le Chili, où «les magistrats qui enquêtent sur les abus sexuels perpétrés par des évêques et des prêtres et qui ont déjà appelé à témoigner, entre autres, l’archevêque de Santiago, le cardinal Ricardo Ezzati Andrello, sont en train de se demander s’il ne faudrait pas interroger également le Pape François en personne, sur base des délits – tels que la destruction d’archives compromettantes – qu’il dénonce dans la lettre aux évêques chiliens du mois de mai dernier»
Bref, l'Église, qui dans le domaine moral a baissé sa garde au nom du dialogue avec le monde, est maintenant accusée par ce même monde.
Et complétons le tableau, au moins pour l'instant, avec les commentaires de deux cardinaux.
Le premier est Joseph Tobin, archevêque de Newark aux Etats-Unis, qui, après que six prêtres restés anonymes, aient dénoncé dans CNA (Catholic News Agency) qu'à lorigine des abus, il y a la «sous-culture gay», s'est adressé aux prêtres de son diocèse: «Personne ne m'a jamais parlé d'une telle sous-culture». Désormais, il sera interdit aux prêtres de parler avec les journalistes et les éventuelles requêtes devront être référée au responsable du bureau des communications sociales du diocèse».
Que dire ? Félicitations pour votre prévoyance !
Le second est le nouveau cardinal mexicain Sergio Obeso Rivera, qui, selon Crux , a dit que les victimes des abus devraient avoir honte de parler parce qu'elles ont aussi des squelettes dans le placard.
Que dire ? Les mots manquent.

(*) Annexe


Dans la Bussola du 21/8, Marco Tosatti titre son article:
UN ÉVÊQUE SORT DU BOIS: "IL Y A UNE SOUS-CULTURE HOMOSEXUELLE"
Comme je l'avais déjà traduit, et pas encore mis en ligne, c'est le moment de le proposer aux lecteurs:
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Robert Morlino, évêque de Madison, parle clairement. Dans une lettre publiée dans le journal diocésain, il appelle les choses par leur nom, il parle d'une «sous-culture homosexuelle» dans l'Église, et affirme que tout cela - les scandales qui ont déchiré l'Église américaine, mais pas seulement: pensons au Chili, pensons au séminaire de Tegucicalpa au Honduras, en attendant que d'autres pots-aus-roses soient découverts, peut-être même en Italie - est dû au fait que nous avons cessé d'appeler le péché par son nom, par une bonté mal comprise. C'est une lettre courageuse, et elle apparaît comme une réponse directe à ceux qui - comme le jésuite James Martin, et ceux qui le soutiennent, les cardinaux Blaise Cupich et Kevin Farrell, pour n'en nommer que deux - semblent engagés dans une bataille pour que l'Église reconnaisse comme normaux des inclinations et comportements que le Magistère et le Catéchisme appelle «objectivement désordonnés».

«Pour ma part - écrit l'évêque - je suis fatigué de tout cela. Fatigué des personnes qui sont blessées, gravement blessés, et fatigué de l'obscurcissement de la vérité. Fatigué du péché. Et en tant que personne qui a essayé, malgré de nombreuses imperfections, de consacrer sa vie au Christ et à l'Église, je suis fatigué des violations régulières des devoirs sacrés de la part de ceux à qui a été confiée par le Seigneur l'immense responsabilité du soin de son peuple».

Morlino décrit les nausées qui lui viennent à la lecture d'histoires d'abus; et de la couverture médiatique. Le péché a toujours existé, même dans l'Église, mais «ce qui est nouveau, c'est que certains semblent accepter le péché dans l'Église, et l'effort apparent de couvrir ses propres péchés et ceux des autres».

Et puis il va au cœur du problème: «Pendant trop longtemps, nous avons minimisé la réalité du péché - nous avons refusé d'appeler péché le péché - et nous avons excusé le péché au nom d'une notion mal comprise de miséricorde. Dans nos efforts d'ouverture au monde, nous sommes devenus trop désireux d'abandonner le Chemin, la Vérité et la Vie. Pour éviter d'offenser, nous offrons, à nous-mêmes et aux autres, gentillesses et consolations humaines.

L'évêque de Madison demande: «Pourquoi faisons-nous cela? Cela vient-il d'un désir sincère de montrer une conception erronée de conduite pastorale? Avons-nous peur de ne pas plaire aux gens dans ce monde? Avons-nous couvert la vérité par peur? Ou avons-nous peur d'être appelés hypocrites parce que dans notre vie nous n'aspirons pas inlassablement à la sainteté?»

Mais quelles qu'en soient les raisons, il est temps de dire assez. «Assez avec le péché. Il doit être éradiqué et considéré comme inacceptable. Aimer les pécheurs? Oui. Accepter le repentir sincère? Oui. Mais ne pas dire que le péché est ok. Et ne pas prétendre que des conséquences graves dans le devoir et la confiance n'ont pas de conséquences graves et durables».

Il ne doit y avoir ni place ni refuge pour le péché, ni dans la vie ni dans l'Église. Morlino rappelle que dans ce cas spécifique, on parle de déviations sexuelles de la part de prêtres. «Nous parlons de propositions homosexuelles et d'abus contre les séminaristes et les jeunes prêtres par de puissants prêtres, évêques et cardinaux».

Et il poursuit : «Il y a eu un grand effort accompli pour tenir séparés les actes tombant dans la catégorie désormais culturellement acceptable de l'homosexualité et les actes publiquement déplorés de pédophilie. Jusqu'à récemment, les problèmes de l'Église ont été dépeints uniquement comme des problèmes de pédophilie, et ce, malgré les preuves évidentes du contraire. Mais l'Église n'a jamais considéré comme acceptables ni les uns ni les autres; «ni l'abus des enfants, ni l'usage de la sexualité en dehors du mariage, ni le péché de sodomie».

Morlino dit que les estimations sur les prêtres homosexuels actifs l'abasourdissent. «Il est temps d'admettre qu'il y a une sous-culture homosexuelle qui provoque des dévastations dans la vigne du Seigneur. L'enseignement de l'Église est clair: l'inclination homosexuelle en soi n'est pas un péché, mais est intrinsèquement désordonnée, de sorte que tout homme qui en est affecté n'est pas apte à être prêtre. Et la décision d'agir en suivant cette inclination est un péché si grave qu'il crie vengeance vers le ciel, surtout lorsqu'il s'agit de jeunes et des plus vulnérables. Un tel mal est à haïr avec une haine totale... mais si nous devons haïr le péché, nous ne devons jamais haïr le pécheur, qui est appelé à la conversion et à la pénitence».
Morlino conclut sur une note d'espoir. «La miséricorde que nous devons avoir pour les pires pécheurs n'exclut pas qu'ils soient rendus responsables de leurs actes avec une punition proportionnée. Le châtiment est une œuvre importante d'amour et de miséricorde... Je suis avec ceux qui exigent que la justice soit appliquée aux coupables».

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