L'Évangile n'est pas révolutionnaire
Don Nicola Bux répond au Pape (7/1/2019)
Le 2 janvier, lors de la premère audience générale de 2019, dans sa catéchèse, le Pape a répété à plusieurs reprises que "l'Évangile est révolutionnaire".
Sur le site Zenit en langue française on lit en effet:
«Bienheureux les pauvres, les doux, les miséricordieux, les personnes humbles de cœur… Voilà la révolution de l’Évangile», a déclaré le pape François avec insistance: «Voilà la révolution de l’Évangile. Là où il y a l’Évangile, il y a une révolution. L’Évangile ne laisse pas tranquille, il nous pousse: il est révolutionnaire».
Suit la traduction complète de la catéchèse.
Ce n'est pas la première fois que François s'exprime ainsi.
Le 17 juin dernier, par exemple, devant les participants du Congrès ecclésial du diocèse de Rome «dans une des homélies les plus radicales qu'il ait jamais prononcées», il avait déjà formulé le voeu «que les chrétiens "révolutionnaires" propagent l'Évangile par leur "témoignage"», allant même jusqu'à affirmer "Aujourd'hui, un chrétien, s'il n'est pas révolutionnaire, n'est pas chrétien!" (cf. lemonde.fr).
Cette remarque n'a évidemment pas laissé indifférent, et nous avons déjà traduit la réaction de Stefano Fontana sur La Bussola cf. Un langage nouveau pour une nouvelle Église).
Cette fois, c'est don Nicola Bux qui répond au Pape, dans une interview publiée par "Il quotidiano di Foggia", (Foggia est une ville des Pouilles, région dont l'éminent théologien est lui-même originaire).
Le direct du célèbre théologien Don Nicola Bux: "L'Évangile? Il n'est pas révolutionnaire."
Interview par Bruno Volpe
Il quotidiano di Foggia
4 janvier 2019
Ma traduction
* * *
«Le Pape ne peut pas propager ses idées personnelles en ce qui concerne la vérité catholique éternelle. L'Évangile? Il n'est pas révolutionnaire» : c'est le direct du célèbre théologien originaire de Bari, don Nicola Bux, conseiller apprécié du Pape Ratzinger, dans cette interview au Quotidiano.
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Don Nicola, l'Evangile, comme l'a dit le Pape, est-il révolutionnaire?
«C'est une thèse qui était en vigueur dans les années 70, après la publication de plusieurs livres, et qui se ressent des idées de soixante-huit et du marxisme. Elle a émergé pour rendre la figure de Jésus plus attrayante, mais elle n'a pas de fondement théologique».
Pourquoi?
«L'Évangile lui-même nous dit que Jésus n'est pas venu abolir la Loi, mais l'accomplir, et cela seul suffirait. Une révolution qui se respecte n'épargne ni le passé ni même l'existant. Jésus, au contraire, est un récapitulateur selon la belle expression de saint Paul, en lui, il récapitule les choses. Il est vrai que dans l'Apocalypse, il est écrit qu'il fait toutes choses nouvelles, mais ce verset doit être lu comme 'il conduit à leur accomplissement'».
Mieux vaut être un athée qu'un chrétien qui hait? [allusion à d'autres propos polémiques du Pape lors de cette même audience, déjà repris par Stefano Fontana] (1)
«Je crois que le problème est quand le Pape s'éloigne du texte écrit qu'on lui prépare et lève les yeux vers l'auditoire. J'ai le sentiment que certaines déclarations, en plus d'une certaine autosatisfaction, découlent de l'irritation qu'il a envers l'Église. Le Pape François préfère une vision d'Église comme peuple indistinct à celle entendue dans le vrai sens du terme. Il ne se rend pas compte, cependant, qu'il glisse dans une vision contradictoire et péroniste, une schizophrénie qui s'oppose à l'idée même de miséricorde si diffusée et suivie».
Pourquoi?
«Si je dis que celui qui hait, donc est effectivement en état de péché, fait bien d'être hors de l'Église et qu'en même temps j'affirme qu'il faut laisser entrer le divorcé remarié civilement, tout aussi coupable en lui donnant la communion, ce qui est impossible, je tombe dans une contradiction. Les deux sont en fait dans le péché. Alors pourquoi être sévère avec ceux qui haïssent et miséricordieux avec les divorcés remariés? Revenons au thème du péronisme. Il arrive paradoxalement qu'on veut laisser entrer ceux qui sont dehors, mais après, ceux qui sont dedans sortent. Certaines affirmations, si elles tombent sur des franges faibles ou inconscientes, sont dangereuses et ont des effets délétères. Nous risquons de vider encore plus les églises»
Et alors?
«C'est une question de fond. Le Pape peut-il propager ses idées personnelles contre celles de la vérité catholique éternelle? Non. Cen'est pas un docteur privé et il n'est pas concevable de modifier à volonté ou de donner des versions qui entrent en conflit avec la doctrine catholique et le dépôt de la foi, qui n'est pas un musée (2), et ici aussi, il y aurait à redire».
Expliquez-vous.
«Si les musées étaient inutiles, personne ne les visiterait, vous ne croyez pas? Les pasteurs de l'Église doivent toujours manifester leur fidélité à la saine et éternelle doctrine et à la vérité, sans les polluer, mais en les conservant avec soin».
NDT
(1) Marco Tosatti commente lui aussi la fameuse catéchèse.
Après avoir reproduit l'interviewe de don Bux, il cite une lettre d'un lecteur qui lui confie qu'il aurait toute une série de commentaires à formuler à son propos, mais qu'il ne le fait pas (par charité!), et qui poursuit:
«Je me limite à une seule [observation], qui illustre, je crois, mieux qu'on ne pourrait le faire, le "changement de paradigme" dans l'Église.
Avant le pape François, on demandait aux non-croyants - insupportable expression sirupeuse, pour ne pas parler d'athées ou d'agnostiques - de vivre au moins "veluti si Deus daretur", comme si Dieu existait;
Le Pape François, au contraire, demande, s'il n'ordonne pas, aux croyants qui pèchent (mais pas de sodomie, adultère, avortement, divorce, etc., ceux-là ne peuvent être jugés, et méritent toute miséricorde) de ne pas aller à l'église.»
(2) "Musée": autre mot du vocabulaire bergoglien, faisant allusion à la doctrine et aux "catholiques rigides"
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