Noces en avion.Quelques réflexions
Le geste du Pape pose de nombreux problèmes, dont celui du message qu'il a voulu envoyer par un geste qui s'avère soigneusement mis en scène (tant pis pour les naïfs!!); et celui d'un Pontife qui peut s'affranchir des règles au gré de ses humeurs (20/1/2018)
>>> Cours accéléré de préparation au mariage
Plusieurs réactions, pour le moins réservées, venant de prêtres blogueurs (et donc à ce titre plus dignes d'attention que les humeurs de simples laïcs) de la sphère anglosaxonne, nous confirment que le geste du pape n'est pas aussi inoffensif que certains voudraient nous le faire croire: Father Z, Father Hunwicke, Father Ray Blake.
Le Père Scalese n'a pas réagi, mais je suis allée rechercher dans mes archives ce qu'il écrivait en 2016 à propos de la modification du rite du lavement des pieds du Jeudi Saint introduite par François.
Il me semble que ses réflexions d'alors auraient à peine besoin d'être transposées pour s'appliquer au mariage en vol célébré avant-hier.
Qu'on en juge:
(...)
quel est le problème? N'est-ce pas un très beau geste que celui décidé par le pape Bergoglio? Le pape ne peut-il pas choisir librement l'endroit où célébrer la messe du Jeudi Saint (/décider librement de céléber un mariage en s'affranchissant des règles du code de droit canon, et même de ses propres indications pastorales?)
Je voudrais commencer par répondre à la dernière question, parce que je crois que de la réponse correcte dépend tout le reste. Il est vrai que le pape peut décider ce qu'il veut: il est le législateur suprême. Mais il peut décider, justement, en légiférant. S'il y a une loi qui ne lui plaît pas, il peut la changer; mais s'il ne change pas une loi existante faite par lui ou un de ses prédécesseurs, il ne semble pas opportun qu'il ne l'applique pas. Je ne suis pas un spécialiste du droit canon, mais je ne pense pas que le Pape puisse appliquer le principe “Princeps legibus solutus” (Le prince est delié des lois): ce ne serait pas très juste pour ceux qui sont tenus de respecter ces lois. Ceci, comme un principe général.
(...)
Certains diront que je fais d'une broutille une montagne; certains m'accuseront de pinaillage, ou même de rubricisme ou de légalisme; certains convoqueront également les Pharisiens qui accusaient Jésus de ne pas respecter la loi quand il guérissait le jour du sabbat; certains diront que je veux apprendre son métier au Pape. Que chacun dise ce que bon lui semble.
Mais personne ne peut m'empêcher de penser que certaines décisions, apparemment inoffensives, pourraient avoir des conséquences dévastatrices:
a) Tout d'abord, en n'observant pas les règles existantes, y compris celles qui peuvent sembler mineures, on risque de remettre en cause certaines valeurs fondamentales, que le Concile a remises en lumière et dont il a voulu qu'elles deviennent patrimoine commun de l'Eglise;
b) En second lieu, cela pourrait accréditer l'idée que les règles sont là, oui, mais que ce n'est pas si important de les respecter: si le pape considère qu'il est possible de les négliger, cela signifie qu'elles ne sont pas si importantes que cela; et s'il le fait, lui, pourquoi ne pourrais-je pas faire la même chose?;
c) En outre, on pourrait donner l'impression qu'il n'y a pas de norme objective et stable, valable pour tous et pour toujours, mais que tout dépend uniquement de la discrétion du responsable du moment;
d) Enfin, il y a le risque que le relativisme, si contrecarré en paroles dans la société, ne devienne de fait la loi suprême même au sein de l'Église.
Ces réflexions (qui sont mon interprétation personnelle, et ne prétendent en aucun cas anticiper ou se substituer à ce que le P. Scalese pourrait publier par la suite sur la question) sont utilement complétées par cet article de Riccarso Cascioli, qui confirme, entre autre, ce que l'on soupçonnait déjà: toute l'affaire est une mise en scène!
Noces en avion. Entre tromperie et banalisation
Riccardo Cascioli
20 janvier 2018
www.lanuovabq.it
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Lors de la conférence de presse sur le vol qui le ramènera à Rome, le Pape François aura certainement l'occasion de mieux expliquer le sens qu'il entend donner au mariage célébré au Chili, dans l'avion, entre un steward et une hôtesse, déjà mariés civilement depuis huit ans.
D'autant plus qu'il devra aussi justifier le fait que le mariage express dont les images ont fait le tour du monde, a été en réalité amplement préparé. Hier soir, en effet, a été publié un long article du quotidien chilien El Mercurio, en date du 19 décembre, dans lequel, présentant l'équipe chargée du service lors des vols du Pape au Chili, il est justement question de l'histoire de Carlos Ciuffardi et Paula Podest, qui à cette occasion expriment l'espoir de pouvoir être mariés par le Pape dans l'avion lors d'un des voyages (ICI). Exactement ce qui s'est passé. Il est donc possible d'imaginer que tous deux ont d'une manière ou d'une autre fait une demande officielle en ce sens, que le Saint-Siège a donné le feu vert, et donc que ce qui a été présenté comme une idée totalement spontanée du Pape se révèle au contraire bien préparé. Il s'agit d'un scénario déconcertant et incompréhensible, qui risque de ridiculiser non seulement l'actuelle Cour Vaticane, mais aussi la papauté elle-même. Quel que soit le metteur en scène de l'opération, on doit d'autant plus considérer qu'avec ce coup de théâtre, on a voulu faire passer un message.
Du reste, c'est la marque de ce pontificat d'insister sur le fait que les gestes valent plus que les mots. Nous devons donc nous demander - au-delà des intentions de ceux qui ont construit l'événement - quel type d'impact et quel message lance le geste posé par le Pape et repris par les médias du monde entier.
Malheureusement, la première impression est que le sacrement du mariage n'est pas quelque chose à prendre trop au sérieux, où le sentiment prévaut définitivement par rapport à la raison, où les hommes sont beaucoup plus protagonistes que Dieu. Franchement pas très différent des mariages express qui, dans l'imaginaire collectif se célèbrent à Las Vegas. Et en lien avec cela, il y a la perception que les normes ecclésiastiques pour la célébration des mariages sont un ornement inutile, un obstacle à la possibilité pour tous de se marier selon un rite religieux. Il n'y avait, en effet, aucun état de nécessité qui justifiât la dispense de mariage à l'église, au cours d'une messe, après une préparation adéquate, après la publication des bans et après avoir présenté une série de documents qui, aussi ennuyeux soient-ils, devraient être destinés à protéger la liberté des futurs époux.
Si donc le Pape montre au monde que toutes ces choses sont superflues, sur quelle base un curé peut-il prétendre que les couples qui demandent le mariage passent par toutes ces étapes? Il faut s'attendre à des situations de plus en plus difficiles pour les prêtres qui devront faire face à la prétention de se marier à l'église (ou en un autre endroit original) sans perdre trop de temps avec les formalités. Tout comme il y a aujourd'hui des gens qui, tout en restant dans un état de péché, exigent l'absolution confessionnelle parce que "même le Pape le dit" ou, plus simplement, vont communier sans même passer par le confessionnal. Non pas que le Pape l'ait dit, mais c'est la perception commune, c'est le message qui est passé, surtout après l'exhortation apostolique Amoris Laetitia.
Et à propos d'Amoris Laetitia, nous devrions désormais considérer comme bonnes pour la corbeille toutes les parties où l'on insiste sur la nécessité d'une bonne préparation au mariage. C'est François lui-même qui avait posé avec force le problème de nombreux mariages invalides, à cause de l'impréparation avec laquelle le fatidique "oui" est affronté, au point de publier un Motu Proprio (Mitis et Misericors Iesus) pour faciliter les décrets de nullité des mariages. Et dans le même temps, dans Amoris Laetitia, il réclamait davantage de responsabilité, pour faire en sorte que les jeunes qui souhaitent se marier puissent se préparer convenablement au mariage. Les cours de préparation, déjà existants, devaient faire l'objet de beaucoup de soin pour être à la hauteur des nécessité. Non pas que ces indications aient eu un succès particulier dans les différents diocèses, il semble que tous s'intéressent uniqueement à la communion pour les divorcés remariés. Mais aujourd'hui, cette nécessité objective d'arriver conscients au mariage semble être définitivement annulée par le geste "spontané" sur l'avion: ce n'est à l'évidence plus un élément fondamental. «Tu es sûr?», «Oui», et basta.
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