Quand la CDF se prend pour Robin des bois
C'est du "déjà vu" (et pas en bien). Au tour d'Ettore Gotti d'exprimer son opinion sur l'instruction 'Oeconomicae et Pecuniariae Quaestiones' (24/5/2018).
>>> Le document de la CDF: fr.zenit.org
>>> Voir aussi: La perplexité du Père Hunwicke..
Sans parler de ses compétences professionnelles en matière d'économie, Gotti-Tedeschi a, en tant que catholique, ex-"banquier du Vatican", et proche de Benoît XVI au moins trois titres pour cela.
Libre à d'autres de penser autrement, évidemment. Mais dans le respect des opinions d'autrui, sans oublier qu'il s'agit d'une question qui n'implique pas la foi. Et que de toute façon l'Eglise, qui devrait avoir bien d'autres chats à fouetter en ce moment, n'a pas de compétence particulière dans le domaine de la finance.
L'article traduit ci-dessous renvoie à un article de Sandro Magister de novembre 2011 (cf. <chiesa> ), qui commentait et reproduisait in extenso un éditorial critique du même Gotti Tedeschi (alors président de l'IOR) sur l'Osservatore Romano du 4 novembre 2011, alors que venait de paraître un document de "Justitia et pax" (présidé à l'époque par le cardinal Turkson) relatif à la crise financière mondiale. C'était six mois avant sa disgrâce - le 24 mai 2012 - dans des circonstances dramatiques et à ce jour jamais complétement élucidées.
Un document uniquement idéologique de la CDF sur la finance
Ettore Gotti Tedeschi
www.lanuovabq.it
22 mai 2018
Ma traduction
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Oeconomicae et Pecuniariae Quaestiones de la Congrégation de la Doctrine de la Foi, est un document qui traite des inégalités économiques, de l'incapacité des marchés à se réguler eux-mêmes, et propose une taxe sur les transactions. Une idée irréaliste, proposée et déjà contestée en 2011, qui confond les causes et les effets.
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Oeconomicae et Pecuniariae Quaestiones de la Congrégation de la Doctrine de la Foi, est un document qui, pour résumer, traite en substance des inégalités économiques croissantes, de l'incapacité avérée des marchés à se réguler eux-mêmes et propose une taxe sur les transactions pour aider à résoudre ces problèmes. Déjà vu et déjà contesté. Je laisse de côté les commentaires sur le fait que l'Église, qui devrait plutôt essayer de proposer des critères moraux en matière de vie et de bioéthique, devrait être prudente quand elle exprime des concepts idéologiques et essaye d'influencer les États dans d'autres domaines. Je voudrais essayer d'aider le président, le cardinal Turkson, avec la réflexion qui suit.
Cette rhétorique de la taxation des transactions financières, qui serait largement répercutée sur le consommateur final, a déjà été abordée plus ou moins de la même manière dans un passé récent, dans le document de Justitia et pax de 2011. Pour mieux comprendre, le lecteur est invité à lire l'article (se référant à ce document) de Sandro Magister daté du 10 novembre 2011. Magister a intitulé son article: TROP DE CONFUSION. BERTONE VERROUILLE LA CURIE. «Le document de "Justitia et pax" relatif à la crise financière mondiale sous le feu des critiques. Le secrétaire d'état le désavoue. "L'Osservatore Romano" [sous la plume d'Ettore Gotti Tedeschi] le massacre. Désormais tout nouveau texte du Vatican devra obtenir l'autorisation du cardinal avant d'être publié ». Et il poursuivait en expliquant que le 4 novembre 2011, le Vatican avait essayé de remédier à un énième moment de confusion (mais évidemment pas le dernier....) dans la Curie.
Sur le banc des accusés se trouvait justement le document sur la crise financière mondiale publié par le Conseil Pontifical Justitia et pax, présidé par l'actuel Président de la Congrégation, le Cardinal Turkson. Un document qui en avait déconcerté beaucoup, à l'extérieur et à l'intérieur du Vatican, écrit Magister. Ce document semble faire écho à un article "contestataire" paru le 2 novembre 2011 dans le Financial Times, sous la plume du Primat anglican Rowan Williams, en faveur de cette taxation sur les transactions financières, appelée "Robin Hood Tax". Ceux qui réagissaient de manière critique aux propositions du document de Justitia et pax expliquaient qu'il était en «contradiction flagrante avec l'Encyclique de Benoît XVI Caritas in Veritate, où le Saint-Père n'invoque nullement une autorité publique, de compétence universelle, sur la politique et l'économie, c'est-à-dire une sorte de Léviathan, ne pouvant prévoir comment il aurait pu être intronisé et par qui. Le Pape Benoît XVI parle en revanche de gouvernance (régulation)».
Le document de Justitia et pax (comme aujourd'hui celui de la Congrégation de la Doctrine de la Foi) semblait en effet analyser de manière plutôt superficielle des faits complexes, donnant des suggestions de consistance douteuse, de nature financière plutôt que morale (comme il aurait dû le faire), donnant des leçons de finance plutôt que d'éthique. Ce document de Justitia et pax semblait confondre causes et effets, tirant des conséquences discutables sur le thème de l'inégalité et de la pauvreté et proposant de nouveaux instruments (en premier lieu la taxation des transactions financières), sans faire preuve de compétence spécifique, malgré la bonne intention déclarée de viser le bien commun.
Depuis 2011, cette proposition a été rejetée et mise de côté, mais aujourd'hui elle est reprise et restructurée, forte des considérations de soutien contenues dans Evangelii Gaudium. Cette Exhortation, qui est en grande partie très appréciable, désignant l'inégalité (la mauvaise répartition des ressources) comme le pire des maux (plutôt que le péché), pourrait faire tomber dans l'erreur d'essayer de s'occuper des effets d'ordre moral, sans chercher d'abord les causes morales qui les ont produits. Le document de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi de 2018, insistant pour proposer de réduire la pauvreté en taxant la finance, montre une fois de plus la confusion sur les causes de la pauvreté actuelle, que ce soit dans les pays pauvres ou dans les pays ex-riches. En outre, beaucoup de responsabilités de ces nouveaux modèles de pauvreté sont précisément dues aux doctrines diffusées par ces messieurs, représentants de la pensée néo-maltusiano-environnementaliste (comme Jeffrey Sachs, Paul Ehrlich, Ban-ki moon, etc...), qui ont ces derniers temps fréquenté la PAS (Académie Pontificale des Sciences).
Les trois grands problèmes qui nous affligent et qui semblent préoccuper en priorité le Pape François sont: Pauvreté, immigration et environnement. Trois problèmes causés par les doctrines malthusiano-environnementalistes. Comment peut-on penser les résoudre, même partiellement, en taxant les transactions financières? Comment peut-on penser résoudre ces problèmes qui nous affligent si leurs causes n'ont pas été comprises? Or, les considérations de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, jointes à l'encouragement de la PAS aux prophètes néo-malthiano-environnementalistes déjà cités, sèment la confusion sur un thème qui suscite des réactions émotionnelles, celui de la lutte contre la pauvreté et l'inégalité, dont la solution n'a rien à voir avec ces propositions. Celui qui fait un diagnostic erroné d'un problème ne peut évidement pas proposer des pronostics réalistes et réalisables.
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