Quand le Pape... fait le Pape, tout simplement
Il y avait de très bonnes choses dans les traditionnels voeux au Corps Diplomatique. Le commentaire intéressant de Giuseppe Rusconi (9/1/2018)
>>> Texte ici: w2.vatican.va...
A la lecture du discours lu par François (qui prend comme fil conducteur le 70e anniversaire de l'adoption de la Déclaration universelle des droits de l'homme) , je suis personnellement un peu plus réservée que Giuseppe Rusconi.
Mais ne boudons pas notre (relatif) plaisir... sinon on va encore m'accuser de ne relever que le mauvais!
François au corps diplomatique: il y a beaucoup de choses, et avec mesure
Giuseppe Rusconi
www.rossoporpora.org
8 janvier 2018
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Ce matin, traditionnel discours au corps diplomatique dans la 'Sala Regia'. Nombreux sujets traités, avec des accents particuliers et sans équivoque sur les plus délicats pour un catholicisme qui veut encore être tel.
Le Pape François s'est adressé ce matin, dans la Sala Regia des Palais Sacrés (enrichie par la fresque de Vasari sur la bataille de Lépante), aux représentants diplomatiques des 183 Etats qui entretiennent des relations bilatérales avec le Saint-Siège. Un événement traditionnel, au centre duquel se trouve le discours papal. C'est un texte sur lequel - selon la logique - la Secrétairerie d'État se penche particulièrement: il est donc généralement dépourvu de l'excentricité politique à laquelle, par exemple, certaines réponses a braccio de Jorge Mario Bergoglio nous ont habitués.
Cette année, cependant, il est légitime de penser que l'intervention de la Secrétairerie d'État a eu une importance encore plus grande que la tradition de ces dernières années. Et, pour ce que dit le texte (il faudra voir si les paroles seront suivies d'actes... ce qui n'est certes pas garanti), la Secrétairerie d'Etat semble avoir entrepris un certain virage dans le sens de la modération sur des questions controversées comme l'accueil des migrants, ou même insisté sur la réaffirmation solennelle de certaines valeurs liées à la vie et à la famille.
La Secrétairerie d'Etat a le pouls de la situation dans le monde et aussi dans sa partie catholique: elle agit donc également selon le critère de la Realpolitik. D'autre part, il est bien connu que ce Pape semble souvent balancer, et beaucoup de ses évaluations publiques sur ces sujets, donnant surtout l'impression que des propos avec lesquels on peut être d'accord sont relativisées immédiatement après ou même contredits par des faits qui disent le contraire.
Ce matin, contentons-nous d'un discours dans l'ensemble très équilibré et avec des accents presque toujours bien venus.
Mes extraits
... sans commentaires. Et je n'ai gardé que le "bon".
- Il faut constater qu’au cours des années passées, surtout suite aux bouleversements sociaux de ‘1968’, l’interprétation de certains droits s’est progressivement modifiée, de façon à inclure une multiplicité de ‘‘nouveaux droits’’, souvent en contradiction entre eux.
- Après soixante-dix ans, il est regrettable de relever comment de nombreux droits fondamentaux sont aujourd’hui encore violés. Le premier d’entre tous ces droits est celui à la vie, à la liberté et à l’inviolabilité de chaque personne humaine. Ce ne sont pas seulement la guerre ou la violence qui les compromettent. En notre temps, il y a des formes plus subtiles : je pense d’abord aux enfants innocents, rejetés avant même de naître ; non voulus parfois uniquement parce qu’ils sont malades ou malformés, ou à cause de l’égoïsme des adultes. Je pense aux personnes âgées, elles aussi bien des fois rejetées, surtout si elles sont malades, car considérées comme un poids.
- Je voudrais précisément dédier à la famille une pensée spéciale. Le droit de former une famille, en tant qu’« élément naturel et fondamental de la société [qui] a le droit à la protection de la société et de l’État » (Déclaration universelle des droits de l’homme), est en effet reconnu par la Déclaration de 1948 elle-même. Malheureusement, on sait comment, surtout en Occident, la famille est considérée comme une institution dépassée. À la stabilité d’un projet définitif, on préfère de nos jours des liens fugaces. Mais une maison construite sur le sable des relations fragiles et instables ne tient pas. Il faut plutôt une roche, sur laquelle ancrer des bases solides. Et la roche est précisément cette communion d’amour, fidèle et indissoluble, qui unit l’homme et la femme, une communion qui a une beauté austère et simple, un caractère sacré et inviolable et une fonction naturelle dans l’ordre social (cf. Paul VI, Discours à l’occasion de la visite à la Basilique de l’Annonciation, Nazareth, 5 janvier 1964). Je juge, par conséquent, urgent qu’on entreprenne de réelles politiques de soutien aux familles, dont par ailleurs dépendent l’avenir et le développement des États. Sans cette politique, en effet, on ne peut pas construire des sociétés en mesure d’affronter les défis de l’avenir. Le désintérêt pour les familles entraîne, en outre, une autre conséquence dramatique – et particulièrement actuelle dans certaines régions – qui est la baisse de la natalité. On vit un véritable hiver démographique ! C’est le signe de sociétés qui ont du mal à affronter les défis du présent et qui deviennent donc toujours plus craintives face à l’avenir, en finissant par se replier sur elles-mêmes.
- Dans le Message pour la Journée Mondiale de la Paix de cette année j’ai suggéré quatre ‘‘jalons’’ pour l’action : accueillir, protéger, promouvoir et intégrer. Je voudrais m’arrêter en particulier sur ce dernier, sur lequel s’affrontent différentes positions à la lumière d’autant d’évaluations, d’expériences, de préoccupations et de convictions. L’intégration est un “processus bidirectionnel”, avec des droits et des devoirs réciproques. Celui qui accueille est en effet appelé à promouvoir le développement humain intégral, alors qu’on demande à celui qui est accueilli de se conformer immanquablement aux normes du pays qui l’accueille, ainsi qu’au respect de ses principes identitaires.
- Le Saint Siège n’a pas l’intention d’interférer dans les décisions qui reviennent aux Etats, lesquels, à la lumière de leurs situations politiques, sociales et économiques respectives, et aussi des capacités propres et des possibilités d’hospitalité et d’intégration, ont la première responsabilité de l’accueil.
- Parmi les droits humains que je voudrais rappeler aujourd’hui, il y a aussi le droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion, qui inclut le droit à la liberté de changer de religion (cf. Déclaration universelle des droits de l’homme, art. 18). On sait malheureusement combien le droit à la liberté de religion est souvent violé et la religion devient souvent ou l’occasion pour justifier idéologiquement de nouvelles formes d’extrémisme ou bien un prétexte à l’exclusion sociale, voire à des formes de persécutions des croyants.
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