Un prêtre critique excommunié (I)
AM Valli publie une très longue interviewe de don Minutella, un prêtre italien sanctionné par la miséricorde bergoglienne pour ses critiques du Pape (4/1/2019)
Don Minutella est ce prêtre palermitain qui en 2017 s'est vu sanctionné par son évêque de rien de moins que DEUX excommunications pour avoir osé critiqué Amoris Laetitia. Nous en avons parlé ici, en traduisant un article de Marco Tosatti: benoit-et-moi.fr/2017.
Ces jours-ci, Aldo Maria Valli lui donne la parole (alors qu'il est boycotté par les médias) en publiant sur son blog une longue interview de lui qu'il a faite à la demande de lecteurs.
En la lisant, beaucoup penseront peut-être qu'il est légèrement (c'est une litote!) excessif dans ses critiques envers le Pape, qui lui font carrément franchir le pas d'une variante du sédévacantisme (il considère en fait que le Trône de Pierre n'est pas vacant, mais est encore occupé... par Benoît XVI), et peut-être serait-on tenté, comme moi, de formuler quelques réserves... ou plus, selon sa sensibilité. Aldo Maria Valli y a pensé, du moins pour toutes celles qui me sont venues à l'esprit. Il ne manque pas non plus de souligner que ce prêtre (qui est indubitablement animé d'une foi sincère, et même profonde) dit des choses justes, dignes d'être prises en considération.
Le ton du journaliste est respectueux des opinions du prêtre, sans agressivité ni flagornerie:il pourrait servir d'exemple à nombre de nos journalistes qui confondent systématiquement information et propagande, faits et opinions personnelles.
Comme l'interview est très longue, je vais la scinder en deux parties.
A chacun de se faire son opinion...
Don Minutella: "voilà pourquoi je combats l'Eglise liquide"
Aldo Maria Valli
www.aldomariavalli.it
2 janvier 2019
Ma traduction
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C'est le 13 novembre 2018 que l'archidiocèse de Palerme a notifié à don Alessandro Maria Minutella un décret d'excommunication daté du 15 août 2018: «L'archevêque, Mgr Corrado Lorefice, déclare les excommunications latae sententiae que le même prêtre a encourues pour le délit d'hérésie et celui de schisme».
Cette mesure fait suite à la suspension a divinis de 2017.
Bien que pour l'Église, il soit maintenant un ex-curé de paroisse et un ex-prêtre, don Minutella ne renonce pas à faire entendre sa voix. Il définit l'Église actuelle comme "néo-arienne, néomoderniste et néo-luthérienne" et, ayant renvoyé l'accusation d'hérésie à l'expéditeur, y ajoute celle d'apostasie, mettant sévèrement en accusation le Pape François, qu'il considère comme un pontife illégitime.
Comme on le comprend, nous sommes en présence d'un cas limite, plein d'implications qui le rendent extrêmement controversé. De plus, don Minutella, de son propre aveu, s'exprime d'une manière plutôt choquante. Toutefois, je crois que certains de ses arguments, au-delà de la façon dont ils sont exprimés, contiennent des éléments dignes d'être pris en considération. C'est pourquoi, à la demande de nombreux lecteurs, j'ai décidé de poser quelques questions à don Minutella.
En ce qui concerne la possibilité de lui donner la parole, j'avoue que j'ai longtemps été dans le doute. Son cas est de ceux qui peuvent facilement scandaliser de nombreux fidèles en introduisant des motifs de controverse et de division dans une Eglise aujourd'hui déjà très divisée en son sein. Mais finalement, j'ai pensé qu'il était indispensable de mettre en lumière certaines questions, aussi difficiles soient-elles, parce qu'elles contribuent à faire prendre conscience de la situation dans laquelle nous nous trouvons.
Inutile de dire que le fait d'interviewer don Minutella ne signifie pas automatiquement que je partage ses positions. Cela signifie simplement voir dans l'histoire du prêtre de Palerme un cas qui mérite l'attention pour les questions de fond qu'il place au centre de l'attention.
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Don Minutella, comment vivez-vous cette phase de votre vie ? Et avec quels sentiments, en particulier, envers le Pape et l'Église?
Je dirais qu'en réalité, l'agenda de mon apostolat n'a pas été beaucoup affecté par ces dernières condamnations flagrantes (deux excommunications), en effet, je suis très occupé par la préparation de la rencontre de la résistance catholique le 26 janvier prochain, la troisième, après celles de Vérone et Milan. Nous serons de nouveau à Vérone, et les croyants catholiques viendront, fatigués de l'imposture en cours et désireux de se rassembler autour d'un "centre" de la foi catholique, qui abrite le "dépôt de la foi" contre la contamination en place. Je suis aussi très occupé avec ma catéchèse sur la page Facebook "Radio Domina Nostra" et sur une plateforme web appelée "TV Domina". Je peux aussi trouver le temps d'écrire des livres et d'entretenir un réseau de relations spirituelles avec des gens de toute l'Italie et d'ailleurs. Bref, je suis toujours très occupé. Et du reste, les excommunications que m'a imposées l'église bergoglienne hérétique et apostate me laissent vraiment indifférent. J'ai pu montrer avec des arguments convaincants que, depuis que Bergoglio a pris le pouvoir, l'hérésie néo-arienne, néomoderniste et néo-luthérienne s'est donné rendez-vous à Rome, au centre et au cœur de la catholicité, avec un véritable "coup d'État" qui rend cette église de Bergoglio totalement non fiable.
J'imagine qu'il y a beaucoup de souffrance en vous....
Je vous dirai que je suis très serein, en paix, même si je porte dans mon cœur beaucoup de souffrance pour la manière dont les choses se passent dans l'Église. Je dirais que je ressens fort ce que saint Paul appelait "thlipsis", c'est-à-dire le tourment ("tribolazione"), non pas l'amer tourment du monde, mais celui qui vient de Dieu, qui jaillit du mystère de la croix et qui, finalement, rend fécond tout apostolat. Depuis le Séminaire, j'ai toujours eu la certitude, tant par l'étude passionnée de la théologie que par la lumière intérieure, par la prière, que l'Église, corps mystique du Christ, n'est pas avant tout une réalité humaine, une sorte de compagnie, une multinationale, mais une réalité de grâce, où demeure l'Esprit du Seigneur ressuscité. Et quand, il y a environ deux ans, j'ai entamé, d'une manière tout à fait inattendue, une présence dans les réseaux de défense de la saine doctrine catholique, eh bien, je n'aurais jamais imaginé qu'en voulant évidemment aller au ciel, je deviendrais une référence pour beaucoup, même si les médias m'ignorent ou me diabolisent. Je n'imaginais pas que "Radio Domina" puisse, si rapidement et sans moyens concrets, diffuser d'une manière aussi populaire, ma voix, certes toujours assez haute ( !), pour défendre la foi catholique. Au fond, les deux excommunications bergogliennes sont la réponse d'un establishment qui s'est d'abord trouvé pris au dépourvu et même effrayé par un prêtre de périphérie, sans moyens et sans instruments, qui s'est jeté dans l'arène médiatique, certain d'être bientôt persécuté, mais pour cela même heureux de le faire, afin de défendre la foi simple du peuple de Dieu. J'ai donc commencé, entièrement ignoré du "succès" numérique, et pourtant, comme je le disais précédemment, je savais que je connaîtrais la persécution et la condamnation. Enfin, je savais que, dès le début, le Seigneur serait près de moi et que je vivrais non seulement la présence de la Sainte Vierge, mais aussi cette joie mystérieuse et indéchiffrable qui vient du fait d'être persécuté pour l'annonce de la vérité de l'Evangile.
Je crois que, par-dessus tout, une grande dévotion filiale domine en moi, une sorte de relation vraie avec la Sainte Vierge, que je sens toujours à mes côtés et qui me soutient dans les moments d'épreuve.
Comment un homme de foi perçoit-il l'excommunication?
L'excommunication, comme l'enseigne Thomas d'Aquin est un acte de jugement que l'Église utilise pour imiter le jugement de Dieu. Je me demande: Dieu voudrait-il que je sois exclu de la communauté croyante, sans confrontation, sans dialogue, sans aucune mention, de la part du miséricordieux Bergoglio, d'une possibilité de repentir? Tout le monde peut savoir ce que je dis, parce que c'est du domaine public. Où sont les revendications hérétiques persistantes? Enfin, encore saint Thomas déclare que l'excommunication est injuste “causa excommunicationis est indebita, vel quia infertur sententia iuris ordine praetermisso” ("pour absence de juste cause ou pour non-respect des normes juridiques dans l'acte de l'imposer"). D'ailleurs, et c'est le passage le plus important, selon Thomas, "excommunicatus non potest excommunicare". Et Bergoglio, à cause d'une élection invalide, a subi l'excommunication latae sententiae selon la Constitution Universi Dominici Gregis. Donc, si Bergoglio est excommunié, je ne le suis pas, Dieu merci.
Vous avez été excommunié - corrigez-moi si je me trompe - pour hérésie et schisme. Pouvez-vous nous expliquer de façon simple pourquoi vous avez encouru cette peine et comment vous la jugez?
Pour dire la vérité, pas pour snober, mais comme je l'ai dit au début, je n'ai pas prêté une attention particulière au contenu des deux excommunications qui, précisément, seraient motivées par le schisme et l'hérésie. Je les attendais depuis un certain temps, mais je savais, dans une maturation douloureuse et progressive dans la prière personnelle, que ces deux excommunications, comme la suspension a divinis et le renvoi de la paroisse, sont invalides, car elles sont motivées par un gouvernement, celui de Bergoglio, déjà hérétique, schismatique et, même, excommunié latae sententiae à cause des manœuvres qui ont conduit d'abord à la démission de Benoît XVI puis à l'imposition de Bergoglio dans le Conclave piloté de 2013, comme l'a déclaré le cardinal Danneels, certainement pas qualifiable d'anti-bergoglien, au contraire
Dans l'un de ses livres, à propos de la communion ecclésiale, Benoît XVI a pu parler d'une excommunication extérieure qui, malgré tout, n'implique pas et ne peut pas impliquer le sanctuaire intime de la conscience. Voilà, je m'appuie sur cette vérité. Je sens dans mon cœur que non seulement la raison de mes condamnations est invalide et qu'au contraire, surtout après la publication d'Amoris laetitia, c'est Bergoglio lui-même qui est hérétique et schismatique, parce qu'il rompt avec le bagage de la Tradition ininterrompue, mais que pour cela-même, ces condamnations sont même un mérite aux yeux de Dieu. Le climat de peur et de terreur que Bergoglio a introduit dans l'Église n'a pas réussi à éteindre complètement la prophétie, car l'Église n'est pas une entreprise à gérer en collaboration avec des alliances transversales, mais l'épouse du Christ, un mystère de grâce et de communion. Ainsi, il y a eu les dubia des cardinaux, puis - d'autre part - la dénonciation du courageux et admirable Mgr Viganò de la vilaine et sale affaire du cardinal pédophile américain McCarrick, puis ici et là quelques voix (parfois trop timides), enfin ce don Minutella qui, au contraire, contesté pour ses excès, est comme une "mouche" qui oblige vraiment le miséricordieux gouvernement bergoglien à ôter le masque.
Selon vous, quelle est la question théologique de fond?
La question théologique centrale est que le soi-disant processus de changement, apparemment inoffensif et même fascinant, que Bergoglio a déclaré à plusieurs reprises mettre en œuvre, cache en réalité un projet plus ambitieux, qui est de "vendre" l'Église à la pensée du monde. J'ai été frappé par le fait qu'il y a quelques jours, Eugenio Scalfari a fait l'éloge de Bergoglio comme le pape qui, plus que tout autre, a ouvert l'Église à la modernité. C'est une question, comme on peut le voir, centrale et, peut-être, décisive pour la survie du catholicisme romain. Le Père Antonio Spadaro - l'un des porte-parole de Bergoglio - insiste sur ce point, et avec lui tout l'entourage vatican: le pape mettrait en œuvre des processus de changement, les initiant simplement et les laissant entrer en débat dans l'Église, jusqu'à ce que l'accréditation pastorale soit possible. Or, l'Église n'est pas un parlement, et le pape n'est pas là pour apporter sa propre pensée. De plus, l'Église est déjà sur le banc des accusés depuis un certain temps et le tribunal moderniste a déjà prononcé sa condamnation depuis un certain temps. Bergoglio a renversé toutes les prédictions. Les ouvertures et les processus de changement apparaissent au synèdre de l'intelligentsia moderniste comme un processus d'absolution inattendu ou, peut-être, piloté. En un mot, l'Église a finalement cessé d'être dogmatique et moraliste, et s'est ouverte au changement. Maintenant, elle peut sembler amicale, sympathique, mais le prix est trop élevé, et n'a pas été assez calculé. Les églises, en effet, se vident de plus en plus. Le pourcentage d'assistance à la messe dominicale dans certains pays, comme la France, est tombé presque au niveau d'alerte (autour de 5%) et l'Italie se maintient à un très faible 15%, à tel point que le Saint-Siège a annoncé la possibilité sensationnelle d'une vente des lieux de culte. L'Angélus et les moments de célébration à Saint-Pierre sont de moins en moins fréquentés, et même le Jubilé de la Miséricorde, annoncé avec tant d'insistance, fut un échec retentissant. Ici s'accomplit la prophétie de saint Pie X qui disait à propos du projet enthousiaste de modernisation de l'Église: «Quand vous l'aurez fait, mon ami, ceux qui étaient à l'intérieur partiront, mais ceux qui sont dehors n'entreront pas». Tandis que, de manière significative, les églises où la messe traditionnelle est célébrée sont de plus en plus pleines, en particulier de jeunes. Le professeur Fontana a pu démontrer que ce projet, qui a aussi et peut-être surtout des raisons politiques, met effectivement en œuvre le plan de réforme de Karl Rahner. Et, encore peut-être, au fond, Bergoglio voulait-il que l'Église catholique, qui était jusqu'à présent un rempart imprenable et un rocher de foi, devienne - pour reprendre les mots du célèbre sociologue Zygmunt Bauman - liquide, comme la société moderne. Les images des célèbres cathédrales italiennes transformées en tavernes, avec des évêques comme serveurs, donnent l'impression d'une opération qui, comme je le dirai plus loin, a fort probablement quelque chose d'apocalyptique.
Vous parlez de la nullité de la démission de Benoît XVI et de l'élection de François....
Le progrès ne prévoit pas de rupture, mais une continuité harmonieuse. Et à tout cela, il faut ajouter ce qui, à mon avis, reste la question centrale de l'affaire. Autrement dit la nullité de la démission de Ratzinger et l'élection pilotée de Bergoglio. Ce processus d'ouverture de l'Église à la modernité n'est plus seulement une question de nature théologique, comme c'était le cas il y a quelques années encore, lorsque, par exemple, le cardinal Martini espérait des processus de réforme. C'est devenu une vilaine affaire, comme en témoignent l'existence irréfutable de la dite mafia de Saint-Gall et les déclarations "sismiques" du cardinal Danneels, habilement dissimulées par l'establishment bergoglien, dont le cardinal belge s'est vanté d'être l'un des principaux représentants.
Il est vrai que, sur ce point, surtout après le rassemblement de Vérone due 9 juin dernier (boycotté par les médias, malgré la présence de plus de deux mille personnes), j'ai concentré mon attention, avec des tonalités, disons, en dehors des lignes, et il est vrai aussi que je suis contesté par de nombreux milieux liés à la Tradition, pour mes manières excessives, mais dans les Evangiles il y a place tant pour Jean Apôtre (silencieux et contemplatif), que pour le Baptiste (qui crie et est prophète). Souvent, on me cite saint Pio de Pietrelcina comme modèle d'obéissance mais, outre le fait qu'il s'agit d'une caricature (puisqu'il a eu l'occasion de s'opposer à certaines orientations modernistes, introduites par le gouvernement de Jean XXIII, surtout en ce qui concerne la réforme de la messe antique), quoi qu'il en soit, dans l'Église il existe aussi saint Athanase qui, pour combattre l'hérésie aryenne, puissante et alignée sur le pouvoir impérial de l'époque, a subi quatre excommunications et se mit seul contre tous, sans jamais cesser de crier. Il est plutôt embarrassant que l'Église bergoglienne m'excommunie deux fois et que ces mêmes représentants de Bergoglio qui me désignent comme un nouveau Luther soient ensuite en extase quand, de manière totalement injustifiée, Bergoglio loue le Réformateur allemand comme un homme de foi et un témoin de l'Esprit! Qu'il soit assimilé à Luther, le démolisseur du catholicisme romain, est selon moi un signe de la grande confusion que l'ère bergoglienne a introduite dans l'Église.
à suivre
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