Une Eglise bien mal en point... à qui la faute?
Une réflexion désabusée de notre "curé madrilène" après la sortie peu glorieuse de Mariano Rajoy, et l'arrivée d'un premier ministre socialiste en Espagne (mais la France n'a rien à envier à l'Espagne). (5/6/2018)
Ce matin, sous le titre SANCHEZ SANS BIBLE, LE CHRISTIANISME ÉVAPORÉ, Andrea Cammilleri poursuivait, sur la Bussola:
Le nouveau premier ministre espagnol Pedro Sánchez a prêté serment sans poser sa main droite sur les évangiles et sans s'agenouiller devant le Crucifix. Un choix cohérent avec la situation actuelle de ce qui était le bastion du catholicisme : l'Espagne. Selon les dernières données, les athées sont 30%. Et pour ceux qui se disent chrétiens, les choses ne vont pas mieux.....
Le Père González Guadalix, notre curé madrilène, plus sobre et grave qu’à l’accoutumée, ne dit pas autre chose sur son blog. Et malheureusement pour nous, la situation en France n’est pas plus reluisante. A moins d’un rebond… (comme celui, encore fragile, qui semble se dessiner en Italie ?)
Pour en finir avec l’Église…pas besoins d’aides extérieures.
(Carlota)
Le Père Jorge González Guadalix, prêtre du diocèse de Madrid, qui a quitté la capitale espagnole depuis bientôt un an, pour devenir prêtre rural de la Sierra, à quelque 80 km de son ancienne paroisse, répond aux inquiétudes de certains de ses amis concernant l’Église en Espagne à la suite du récent changement de gouvernement dans le pays; le beau, jeune et donc très média-compatible (c’est désormais une marque de fabrique élective) Pedro Sánchez du Parti Socialiste Ouvrier Espagnol (en perte de vitesse mais considéré encore comme de gauche), est devenu le nouveau président du gouvernement grâce aux votes des députés d’extrême gauche et des députés sécessionnistes, en remplacement de Mariano Rajoy d’un Parti Populaire soi disant de droite mais usé et en roue libre depuis un bon moment. Certes l’on peut s’interroger voire s’inquiéter (et l’on sait qu’il y a eu des précédents terribles au siècle dernier, à partir de mêmes schémas) mais le P. J. González Guadalix répond à sa manière et s’il n’est pas vraiment optimiste, il met les catholiques en face de leurs responsabilités.
Pour en finir avec l’Église nous n’avons pas besoin d’aide. Nous suffisons largement.
Père Jorge González Guadalix
www.infocatolica.com
1er juin 2018
Traduction de Carlota
* * *
Des amis m’ont appelé ce matin préoccupés par la dérive de la politique espagnole alors que nous sommes en train de vivre un changement au niveau de la présidence du gouvernement qui suppose un changement de direction évidente vers la gauche (sachant que ce qui est de droite et de gauche paraît déjà dépassé par d’autres questions).
Ils me disent que des choses peuvent nous arriver. Le problème c’est que je ne sais pas si elles seront bonnes ou mauvaises.
Nous n'avons aucun problème avec l’avortement, l’euthanasie, l’idéologie gender. L’économie, apparemment, est la seule chose qui va moyennement bien, elle ne parvient pas à faire en sorte que ses fruits arrivent aux plus faibles. Je ne vais pas en dire plus. Nous savons tous ce qu’il en est.
Et qu'arrivera-t-il à l’Église? Pas grand-chose, je suppose,. Cela fait pas mal de temps que les offenses aux catholiques se font librement et que la disparition du religieux dans la vie publique est un fait. Le nouveau gouvernement pourrait décider peut-être d’enlever la petite croix dans la déclaration de l’IRPF (ndt: Impôts sur la Rente des Personnes Physiques – les imposables mettent s’ils le veulent une croix dans la case Église catholique pour que l’État lui donne de l’argent), supprimer l’enseignement sous contrat. Au minimum il nous ferait une faveur. Une faveur ? Oui, une faveur.
Commençons par la petite croix de la déclaration d’impôts. Madrid est le diocèse qui dépend le moins d’elle. Nous nous auto-finançons à presque 90%. D’autres diocèses en souffriraient plus, tout particulièrement les diocèses catalans (ndt: les plus décatholisés d’Espagne). Compte tenu de ce qu’il en est là-bas, oui, une faveur (de supprimer la croix dans la case).
Si nous passons à l’enseignement catholique, une bonne partie de cet enseignement est sous contrat. On se demande bien pourquoi nous voulons ce type d’enseignement. Les statistiques parlent d’un enseignement catholique, majoritairement sous contrat, qui touche un total de plus d’un million deux cent mille élèves. Et nous savons aussi que la moitié des jeunes espagnols ne sont pas croyants.
Il ne s’agit pas seulement de l’enseignement. Il y a les chiffres de la campagne «Por tantos»: plus de quatre millions de personnes ont reçu un soutien dans des centres de l’Église catholique. Caritas [ndt: Secours Catholique en France] affirme que plus de trois millions et demi de personnes sont passés par ses services.
À ce que je vois : Un million deux cent mille élèves, trois millions et demi de personnes pris en charge par le Secours catholique. 60% des enfants baptisés. Autant d’autres qui font leur première communion avec pas moins de deux ans de catéchisme.
Le fruit de nos soins, de notre bonne volonté, de notre travail et de nos activités, c’est une Espagne où plus de la moitié des jeunes ne sont pas croyants et où à peine 70% de la population espagnole se considère catholique, et c’est en baisse, alors qu’il y a quarante ans ce pourcentage dépassait les 90%.
Et nous sommes encore préoccupés par ce qu’ils [la nouvelle majorité] pourraient nous faire. S’ils étaient malins, ils nous laisseraient comme nous sommes. Nous nous sommes habitués à la tiédeur, à manger chaque jour, à une pastorale sans illusion, à faire sans nous compliquer la vie, à rechercher la commodité et à fuir le moindre affrontement (...)
Si les agnostiques et les laïcistes étaient malins, ils laisseraient les choses en l’état : la petite croix pour que ne manquent ni la soupe populaire ni les subventions aux collèges catholiques, ils ont un bon niveau, sont peu coûteux pour l’État et sont d’accord idéologiquement avec tout; nous laissant avec nos processions folkloriques qui attirent les touristes; profitant du Secours catholique qui couvre les ignominies de ces gouvernements qui parlent des pauvres mais les oublient; et d’une petite tape sur l’épaule, nous remerciant du dialogue et de la tolérance (...)
Et nous avons encore peur de ce qu’on peut nous faire? Soyons tranquilles. Pour en finir avec l’Église, nous n’avons besoin de personne. Nous nous suffisons largement.
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