Le pélerinage final de Benoît XVI vers la Maison
Une belle réponse à ceux qui se "préoccupent" de sa santé (26/2/2018)
Voir aussi:
¤ La lettre de Benoît XVI
¤ Fake new
Messe des cendres et adieu de Benoît XVI, 13/2/2013
Le pélerinage final de Benoît XVI vers la maison
James Day
www.crisismagazine.com
21 février 2018
Ma traduction
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De temps en temps, nous assistons à une frénésie de commentaires sur le Pape émérite Benoît XVI, comme si le peuple ordinaire se souvenait soudain que l'homme qui démissionna de la chaire de Pierre est en réalité toujours vivant. Plus récemment, les réactions à une lettre qu'il a envoyée à Massimo Franco du Corriere della Serra, dans laquelle la phrase du nonagénaire, «avec le lent déclin des forces physiques, je suis intérieurement en pèlerinage vers la Maison», ont montré grande inquiétude et consternation, sans que l'on essaye vraiment d'en comprendre le vrai sens.
Un tel langage n'a rien de nouveau venant de Benoît XVI, désormais cinq ans après que l'annonce qu'il quittait le ministère actif de l'office pétrinien eûtt stupéfié tout le monde. Il n'y a rien de semblable à l'abdication du Siège de Rome. Et parce que Benoît a tenu sa promesse de se retirer dans une vie de prière et de silence, ses rares paroles publiques attirent beaucoup d'attention.
A l'occasion de son 85e anniversaire en 2012 - le dernier anniversaire qu'il devait célébrer en tant qu'évêque de Rome - Benoît XVI a déclaré: «Je me trouve dans la dernière partie du parcours de ma vie et je ne sais pas ce qui m’attend» . À l'époque, on n'y prêta pas attention, mais le ton ne diffère de «Je suis en pèlerinage vers ma Maison». Benoît était depuis longtemps en pèlerinage vers sa Maison. Il a depuis longtemps concentré son attention sur quelque chose que le monde séculier a du mal à comprendre - la vie après la mort, et ce que le catholicisme appelle les «quatre choses dernières»: la Mort, le Jugement, l'Enfer, le Ciel. La simple présence persistante de Benoît comme un moine de facto utilisant une rhétorique telle que «pèlerinage ver la Maison» et «le dernier chapitre de ma vie» représente en effet un choc pour nos oreilles.
Chaque jour nous rapproche de la fin, aussi irritant que cela puisse être pour les transhumanistes et autres prolongeurs de vie radicaux. Les intérêts de Benoît XVI sont ailleurs, en fait ils sont dans l'autre monde. Il est à présent un vieil homme, à l'aise avec la mort imminente. Et ses paroles ressemblent aux dernières lettres de Michel-Ange, se référérant constamment à lui-même comme à un vieil homme, faible et souvent confus. L'ultime obsession artistique du Divino, la construction de la nouvelle [basilique] Saint-Pierre, devait devenir le lieu où Benoît XVI célébra sa dernière messe publique 449 ans plus tard, transporté sur une estrade mobile tandis qu'il bénissait les fidèles le Mercredi des Cendres 2013. La formule du Mercredi des Cendres lors de l'imposition des cendres fait écho au rappel par l'Eglise que toute mort est certaine: «Souviens-toi que tu es poussière, et tu retourneras à la poussière».
C'est l'art et la beauté de Michel-Ange et autres, que Benoît XVI ne se lasse jamais de célébrer. Ce sont ces remarques souvent passées inaperçues dans le discours fugitif de Benoît - la renonciation, et la situation de l'Église qu'il laissait accaparent presque toujours l'attention - qui peuvent constituer un point de rencontre à la fois pour les croyants et les non-croyants, pour les pratiquants et les non-pratiquants.
Comment les admirateurs des grandes œuvres de la culture occidentale, qui ne vont pas à l'église, peuvent-ils discuter en experts de la grandeur, disons, de "L'Incrédulité de saint Thomas" du Caravage, sans parler avec un certain respect des thèmes et des symboles de l'image?
Benoît en a parlé à maintes reprises comme Pape, que ce soit à Rome ou à travers le monde. Dans rien de moins que la Sagrada Familia de Barcelone, peut-être le summum dans la convergence du séculier et du sacré, lors de la messe d'inauguration de l'église en 2010, Benoît XVI a dit: «[Antoni Gaudí] réalisa ce qui est aujourd’hui une des tâches les plus importantes: dépasser la scission entre conscience humaine et conscience chrétienne, entre existence dans ce monde temporel et ouverture à la vie éternelle, entre la beauté des choses et Dieu qui est la Beauté».
La croyance catholique selon laquelle Dieu devient homme en Jésus-Christ est l'expression ultime de la beauté pour le croyant et pour Benoît XVI. La via pulchritudinis, la «voie de la beauté» dont parle souvent Benoît XVI, réalisée à travers la prière, le travail, l'art et les relations humaines, n'est pas seulement conçue pour conduire au divin, mais est en fait l'expression du chemin de Jésus-Christ, le chemin même de la beauté.
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En route pour l'Espagne, Benoît a été interrogé sur la foi et l'art. «Un art qui perdrait la racine de la transcendance ne serait pas orienté vers Dieu», a-t-il expliqué. «Ce serait une moitié d'art». Benoît XVI ne s'intéressait certainement pas plus à une moitié d'art qu'à une moitié de vérité ou à une moitié de raison. Le grand penseur logique qui a célébré la relation entre foi et raison dans son discours emblématique de Ratisbonne connaissait aussi le résultat logique de l'art et de la beauté: là où l'âme s'élève, le transcendant attend, pour transformer le point de convergence en nouvel environnement de conversion.
Il est probable que nous ne connaîtrons plus jamais un autre Benoît XVI, certainement pas quelqu'un qui a rendu les clés de l'influence pour une vie d'obscurité. Et pourtant, même dans son isolement, il nous rappelle que notre existence terrestre est à la fois courte et seulement une partie du voyage. Il y a encore du temps pour le renouveau, pour une nouvelle compréhension de notre place dans le monde. «Je suis à la onzième heure», a dit un jour Michel-Ange, «et pas une pensée ne surgit en moi qui n'ait la mort gravée en elle; mais que Dieu m'accorde de le faire attendre pendant quelques années encore»
«Il a commencé à mourir vers l'âge de 40 ans et l'a fait pendant 50 ans», remarque l'historien d'art Howard Hibbard à propos de Michel-Ange. On pourrait dire la même chose de Benoît XVI. Toute sa vie, il a été en pèlerinage vers sa Maison.
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