« Le choc final entre Dieu et Satan sera sur la famille ». Pourquoi le Pape polonais est devenu encombrant, et pourquoi la « restructuration » de l’Institut qui porte son nom revient en fait à liquider sa figure et son héritage, dans une Eglise uniquement soucieuse de suivre le monde. Commentaire du site Campari & de Maistre .


Jean-Paul II est devenu gênant pour les catholiques

Giuliano Guzzo
8 août 2019
Campari & de Maistre
Ma traduction

Résumé des épisodes précédents : depuis des semaines, à l’Institut théologique pontifical Jean-Paul II pour les sciences du mariage et de la famille, une campagne de changements – pour le moins – singuliers est en cours, avec l’élimination des cours fondamentaux dans lesquels étaient transmis les enseignements chers au Pontife polonais, mais surtout le licenciement de professeurs réputés, en premier lieu Mgr Livio Melina et le Père José Noriega, et d’autres. Tout cela sous la direction du Grand Chancelier de l’Institut, Mgr Vincenzo Paglia, qui nie évidemment qu’il s’agit de purges, préférant parler de travail de « restructuration ».

Or, la nouvelle serait restée confinée à la chronique ecclésiastique sans trois « détails » explosifs:

  • l’Institut en question a été fondé par Jean-Paul II;
  • les enseignants évincés sont de fidèles adeptes de sa ligne théologique;
  • et l’un d’eux – Mgr Livio Melina – a été reçu par Benoît XVI, qui, selon les agences [de presse] a voulu le rencontrer pour l’écouter et lui montrer sa « solidarité » personnelle.

Les trois aspects que nous venons de mentionner montrent clairement que l’objet de la « restructuration » n’est pas tant un Institut pontifical qu’un pontife, Karol Wojtyla, dont la pensée sur le mariage et la famille semble être devenue encombrante, anachronique, à « restructurer », justement.

Que ce qui est en jeu soit bien plus qu’une simple « restructuration », c’est un fait qui est attesté par la lettre-appel des étudiants contre les changements du Grand Chancelier Paglia, un appel qui a dépassé les 920 adhésions, mais surtout par la décision de Benoît XVI de rencontrer Mgr Melina; à condition bien sûr qu’on n’aille pas jusqu’à prétendre qu’il est habituel qu’un pontife émérite nonagénaire rencontre et se solidarise avec un monsignor pour la perte de sa chaire.
Nous devons donc maintenant nous demander: pourquoi? Pourquoi le Pape Wojtyla devient-il dérangeant au sein même du monde catholique?

Il y a beaucoup d’explications possibles, mais l’une d’elles les résume toutes: tout au long de ses décennies de pontificat, Jean-Paul II a re-proposé avec force et courage l’inactualité de la morale catholique. Sans jamais faire de compromis. Qu’il parlât d’avortement, d’euthanasie, de contraception ou d’autre chose, le pape polonais – tout en entretenant une relation féconde avec les jeunes (pensons aux Journées Mondiales de la Jeunesse) – n’a jamais fait passer une nécessité pastorale avant le devoir de diffuser pleinement la proposition de vie catholique. Et ce n’est pas tout. Avec ses encycliques, surtout Veritatis splendor, Jean-Paul II a ouvertement défié la modernité, rappelant que la vérité anticipe la liberté. Plus : elle la fonde.

Tout cela sans jamais oublier les fidèles blessés par le péché (émouvante, parmi tant d’autres, la pensée pour les femmes qui sont mortes de l’avortement dans l’encyclique Evangelium vitae), mais néanmoins – comme on vient de le dire – sans jamais baisser la garde face aux provocations d’une « culture dominante » (c’est ainsi qu’elle est appelée dans Veritatis splendor) non pas à accepter, mais à défier.
Eh bien, tout cela semble aujourd’hui gênant, terriblement gênant pour un monde catholique qui – à commencer par sa hiérarchie – semble depuis des années effrayé, et désormais convaincu que sans « restructuration » morale, l’Église a très peu à dire et à donner. Une révolution pour laquelle ses artisans sont aujourd’hui prêts à tout. Même à envoyer un saint pape au rebut.

Un tel bouleversement est à l’évidence très grave. Non seulement pour l’Institut Jean-Paul II et pour la mémoire de Karol Wojtyla, mais surtout pour l’Église. La preuve en est que, lors de la fondation de l’Institut en question, le cardinal Carlo Caffarra – qui fut pendant des décennies le théologien moral de référence pour Wojtyla – écrivit à Sœur Lucie dos Santos dont il reçut une réponse qu’il n’attendait pas (le cardinal, dans sa lettre, avait seulement demandé à la voyante de Fatima de prier) et qui contient une prophétie troublante: « Le choc final entre Dieu et Satan est sur la famille et la vie ». A présent, cette lettre est dans les archives de l’Institut Jean-Paul II. Et relue aujourd’hui, elle résonne comme un avertissement qu’apparemment on préfère ignorer.
Allons-nous « restructurer » aussi Sœur Lucie et Notre Dame de Fatima?

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