Un homme de l’ombre… et dont l’influence se fait encore sentir aujourd’hui, à travers (hasard du calendrier?) son « pupille » Giuseppe Conte. Animateur de premier plan de la « mafia de Saint-Gall », adversaire acharné du cardinal Ratzinger puis de Benoît XVI, soutien convaincu de François, et très proche des milieux politiques de gauche, il est probablement l’inspirateur de deux livres d’Olivier Legendre, mémoires (à peine) apocryphes d’un cardinal de curie qui lui ressemble comme deux gouttes d’eau.

Il y a décidément beaucoup trop de coïncidences autour de son nom (coïncidences qui perdurent aujourd’hui avec la crise politique qui agite l’Italie et remet la gauche en selle en écartant Salvini), pour qu’elles soient seulement dûes au hasard. Et, cerise sur le gâteau – s’il est permis de s’exprimer ainsi -, il est protagoniste de l’extraordinaire roman à clés de Malachi Martin « Windswept House » sous le nom de Silvio Aureatini, lui aussi préfet de la Congrégation pour les Eglises Orientales: jeune fonctionnaire de la Curie, il aurait participé à une cérémonie sacrilège à la Chapelle Pauline le 29 juin 1963, une semaine après l’élection de Paul VI. Evidemment, certains vont sourire, crier au complotisme, etc., mais de nombreux passages du livre de Malachi Martin se sont révélés par la suite tellement prophétiques qu’on ne peut pas liquider ses affirmations comme de simples élucubrations

A noter, l’ex-secrétaire de Silvestrini, Edoardo Menichelli, évêque d’Ancône, qui reçut l’ordination épiscopale en 1994 par Silvestrini lui-même a été fait cardinal par François au consistoire de février 2015.

Nico Spuntoni, signature de la NBQ et Marco Tosatti sur son blog consacrent tous deux un article à la mort de Silvestrini, pour expliquer QUI était vraiment cet inconnu du grand public. Les deux articles contiennent évidemment des noms (encore plus) inconnus aux lecteurs français, mais ceux-ci peuvent faire leurs propres recherches s’ils sont intéressés, et de toute façon, cette méconnaissance ne nuit pas du tout à la compréhension car le contexte ne laisse aucun doute sur leurs sympathies.

Attention, ce qui suit est assez long (je vous aurai prévenu). Mais surtout, tellement riche de connexions et d’implications que cela mériterait certainement une analyse plus détaillée et plus construite.

En attendant, avant de lire ma traduction des deux articles d’aujourd’hui, j’invite les lecteurs à lire, ou relire cet article que j’avais publié en 2015, à propos des révélations de Danneels sur la mafia de Saint-Gall (voir Annexe). Il contenait un rappel du dossier « Confession d’un cardinal » autour du premier livre d’Olivier Legendre, disparu depuis lors.


Mort de Silvestrini, « metteur en scène » du Groupe de Saint-Gall

Nico Spuntoni
La NBQ
30 août 2019
Ma traduction

Le Cardinal Achille Silvestrini est mort hier matin à l’âge de 95 ans. Grand ami de Prodi, il était considéré comme une sorte de père spirituel du centre-gauche italien. Il semble qu’il ait fait pression pour l’excommunication de Lefebvre, contre l’avis de Ratzinger. Avec les autres membres du « groupe de Saint-Gall », il a tenté, en 2005, d’empêcher l’élection de Benoît XVI et en 2013, il a accueilli avec faveur celle de Bergoglio.

Il est parti le jour même où son « filleul », Giuseppe Conte, était sur le point de recevoir la tâche de former un nouveau gouvernement, gouverné par une majorité – probablement – plus appréciée par ce monde du « catholicisme démocrate » dont il fut pendant des décennies le plus influent représentant ecclésial. Le cardinal Achille Silvestrini est retourné au Seigneur à l’âge vénérable de 95 ans. Il est décédé hier matin au Vatican, dans son appartement du Palazzina della Zecca.

Le Préfet émérite de la Congrégation pour les Églises orientales fut sans aucun doute l’une des figures les plus importantes de l’histoire de la Curie romaine dans la seconde moitié du XXe siècle et au-delà. Qu’il suffise de dire que le cardinal originaire de Romagne est entré à la Secrétairerie d’État en 1953, s’occupant des relations avec les pays de l’Asie du Sud-Est. Pendant six ans, il a été sous-secrétaire du Conseil des affaires publiques de l’Église (dont il est devenu plus tard le secrétaire) et, à ce titre, a dirigé la délégation du Vatican à la Conférence de Genève sur le Traité de non-prolifération nucléaire. C’est lui qui a obtenu l’inclusion de la mention de la liberté religieuse dans l’Acte final de la Conférence d’Helsinki de 1975.

Au Palais Apostolique, il a collaboré avec Domenico Tardini et Amleto Cicognani (son compatriote), mais son ascension à la Curie s’est faite au fil des années aux côtés d’Agostino Casaroli, père de la dite Ostpolitik du Vatican, dont Silvestrini était un des principaux interprètes.

Sous le pontificat de saint Jean Paul II, qui n’avait la même vision que lui de la politique à adopter en Europe de l’Est, le prélat de Brisighella devint évêque et le très puissant secrétaire pour les relations avec les Etats. Ce poste lui a permis de diriger la délégation du Saint-Siège dans les négociations pour la révision du Pacte du Latran, conclues avec l’accord de Villa Madama en 1984. La contribution apportée à la signature du nouveau concordat fut un prélude à son élévation au cardinalat, au consistoire du 28 juin 1988. Mais après le pourpre, Jean-Paul II le nomma préfet du Tribunal suprême de la Signature apostolique, puis à la tête de la Congrégation pour les Églises orientales.

Prendre congé des sommets de la diplomatie vaticane n’a pas porté atteinte à son influence à la Curie et ne lui a pas fait perdre sa relation privilégiée avec les principaux représentants de la politique nationale. Silvestrini a longtemps été, et a continué d’être jusqu’à une époque récente, le point de référence du catholicisme dit démocratique local, qui, à la Villa Nazareth, l’école de formation pour jeunes méritants d’origine humble, dont il fut l’animateur principal jusqu’à la toute fin, avait trouvé un peu son temple. Cet aspect a fait du cardinal une sorte de père spirituel pour le centre-gauche italien, surtout pour celui de l’expérience de l’Olivier [L’Olivier (L’Ulivo, en italien) est une coalition politique de centre gauche, fondée en 1995 par Romano Prodi et dissoute en 2007, principalement au profit du Parti démocrate (PD), wikipedia ]: grand ami de Romano Prodi, il semble qu’il ait encouragé – selon diverses sources – sa candidature en 1996, lui garantissant les « couvertures » nécessaires dans les Palais Sacrés.

C’est d’ailleurs lui qui a célébré le mariage religieux entre le maire de Rome de l’époque et futur challenger de Berlusconi aux élections de 2001, l’ancien radical Francesco Rutelli et la journaliste Barbara Palombelli, déjà mariée civilement des années auparavant. Mais, d’autre part, les relations de l’ex « ministre des Affaires étrangères » du Vatican avec le monde de gauche avait des racines encore plus lointaines, puisque dès 1988 il recevait à la Villa Nazareth Alessandro Natta, secrétaire du Parti communiste italien, et quelques années plus tard il dînait avec l’ambassadeur d’URSS en Italie, Anatoly L. Adamishin, et Massimo D’Alema, numéro deux du PDS nouveau né.

Cela ne l’a pas empêché, cependant, de cultiver des relations d’estime et d’amitié avec des personnalités politiques apparemment éloignées de ses convictions personnelles : avec Andreotti, par exemple, à qui il a exprimé toute sa solidarité après la condamnation de Pérouse et avec Cossiga, qui a mentionné la passion politique du cardinal dans une autobiographie sur ce sujet (« Je dirais que le plus italien des cardinaux est Achille Silvestrini. Celui avec qui je diverge peut-être du point de vue politique, mais qui montre plus de sensibilité en la matière »).

Mais si, d’une part, cette particularité de son caractère de diplomate « partisan », lui a valu l’admiration de personnalités laïques et d’une bonne partie des « catholiques adultes », elle lui a aliéné les sympathies de beaucoup d’autres dans le monde catholique: selon une reconstruction, c’est précisément le prélat de Brisighella qui en 1988 poussa à l’excommunication de Marcel Lefebvre, contre l’avis du préfet de Congrégation pour la doctrine de la foi Joseph Ratzinger, qui aurait préféré un rapprochement avec le fondateur de la FSSPX. Une circonstance qui, si elle était vraie, confirmerait les différences de sensibilité ecclésiale existant entre l’ancien Préfet de la Congrégation pour les Eglises orientales et le théologien bavarois, également émergées – selon des rumeurs filtrées au fil des ans – lors du Conclave de 2005.

Au moment de la mort de Wojtyla, Silvestrini n’était plus cardinal électeur puisqu’il avait atteint la limite d’âge, mais il jouait le rôle de faiseur de rois – comme nous l’avons lu dans plus d’une reconstruction des événements – essayant de bloquer la voie à l’élection du candidat qui semblait le plus qualifié dès le départ. Selon le vaticaniste Marco Politi, la Villa Nazareth elle-même est devenue « le point de référence des réformateurs » à l’époque du pré-conclave. Ces rencontres n’étaient cependant pas nouvelles, comme l’a confirmé le cardinal Godfried Danneels en 2015, révélant l’existence de rencontres périodiques qui ont eu lieu en Suisse entre la fin des années 90 et le début des années 2000 pour discuter de l’avenir de l’Église après la mort de Jean-Paul II. Il s’agit de ce qu’on a appelé le « groupe de Saint-Gall », sur lequel on a beaucoup écrit, et qui, parmi ses principaux membres, avec Danneels, Kasper, Martini et Murphy-O’Connor, a également vu la présence du très actif Silvestrini.

Une reconstitution précise de ce jeu complexe joué pour la succession papale de 2005 se trouve dans le livre « Oltre la crisi della Chiesa, il Pontificato di Benedetto XVI » de Roberto Regoli et a également été confirmée par Mgr Georg Gänswein lors de la présentation de l’ouvrage. Le Conclave, en tout cas, a eu une issue différente des souhaits de l’ancien ministre des Affaires étrangères du Vatican qui a probablement vécu sans enthousiasme le pontificat de Benoît XVI, se retrouvant parfois au centre d’arrière-plans – jamais confirmés – qui le créditait comme inspirateur de « frondes ».

Les réunions du groupe de Saint-Gall se sont poursuivies même après l’élection de Ratzinger; et Kasper, en le révélant tout en niant l’intention de conspiration, a confirmé à Frédéric Martel que « Achille Silvestrini y venait à chaque fois et en était une des figures centrales ».

Après la démission de Benoît XVI en 2013, le cardinal romagnol accueillit avec faveur l’élection de Bergoglio, le candidat – probablement – déjà identifié en 2005 par lui et les autres cardinaux du groupe de Saint-Gall comme promoteur possible d’un programme de réformes pour l’Eglise. La même année, François se rendit à la Villa Nazareth pour rendre hommage au prélat âgé à l’occasion de son 90ème anniversaire et revint trois ans plus tard pour le 70ème anniversaire de la fondation de la résidence universitaire.

Avec la mort du Cardinal Silvestrini, une figure marquante de l’histoire récente de l’Eglise catholique a certainement disparu, dont l’influence capable d’aller au-delà du Tibre est attestée dans ces mêmes heures par les projecteurs nationaux braqués sur Giuseppe Conte, son élève à l’école de la Fondation Tardini et probable nouvelle étoile montante de ce « Catho-dem » dont pendant longtemps l’ancien préfet de La Congrégation pour les églises Orientales fut le phare et le protecteur.


Marco Tosatti donne la parole à Super-Ex

Silvestrini est bien décrit dans l’article de La Bussola quotidiana de Nico Spuntoni: « Mort de Silvestrini, metteur en scène du groupe de Saint-Gall« .

Je voudrais juste ajouter qu’un monsignore de la curie a parlé de lui avec un grand luxe de détails – un certain Marinelli, auteur en 1999 d’un livre dénonçant les maux de l’église intitulé Via col vento in Vaticano (Autant en emporte le vent au Vatican), signé sous le nom de I Millenari.

Ce livre a connu un succès de vente extraordinaire, semblable aux textes de Nuzzi, bien que beaucoup plus sérieux et mu par d’autres intentions: dénoncer les trahisons des hommes de l’Église, non pour l’attaquer, mais pour l’aider à se purifier.

Le monsignore, en effet, après avoir décrit les subterfuges, les jeux de pouvoir, les loges maçonniques vraiment influentes du Vatican et visant même à la conquête du pouvoir, écrivait « Dieu abaisse l’Eglise pour ensuite l’élever. Il coupe les branches inutiles pour la revigorer. Il met à terre son orgueil puis l’élève à la grandeur de l’humilité… ».

Eh bien dans ce livre, Silvestrini lui-même avait une place d’honneur en tant que chef du « clan romagnole », également composé de Pio Laghi, Luigi Bettazzi, Edoardo Menichelli [ex-secrétaire de Silvestrini, nommé cardinal par François au consistoire de février 2015], Claudio Celli… un clan, soutenait l’auteur, presque « maçonnique », tous visant à la conquête de positions de pouvoir.

L’élection d’Albino Luciani, totalement hostile à certains comportements et peut-être, en tant qu’Italien, conscient des intrigues de certains hommes de la curie, fut un mauvais coup pour le « sinistre » (jeu de mot, sinistro pouvant aussi signifier « l’homme de gauche ») Silvestrini. Silvestrini vit la fin de son ascension et craignit de ne pouvoir devenir cardinal.

Mais – écrivit Mgr Marinelli – « le soupir de soulagement quand il constata qu’après seulement 33 jours le pontife avait été retrouvé mort dans son lit fut profond et long. Dieu soit loué! L’excellent Romagnole pouvait reprendre sereinement l’espoir de l’ascension »

Ascension non seulement ecclésiale, mais aussi politique. Silvestrini a été président de la Fondation de la « Sainte Famille de Nazareth », dont il suffit de dire qu’elle organisa en 1996 un symposium auquel participèrent le Président de la République Oscar Luigi Scalfaro (le catholique élu aussi grâce à Marco Pannella), le ministre de l’Éducation, le communiste Luigi Berlinguer, les maires de Rome Francesco Rutelli et de Venise Massimo Cacciari. Parmi les intervenants: Romano Prodi et Stefano Zamagni, les catho-communistes bolognais!

En 2013, avec l’élection de Bergoglio, soutenue par Silvestrini lui-même, la reconnaissance pour le vieux cardinal, si influent dans la vie ecclésiastique et politique du pays ne manque pas.

Le site web de la fondation nous apprend qu’à « l’occasion du 90e anniversaire de la naissance du cardinal Silvestrini [en octobre 2013], une conférence est organisé à Villa Nazareth pour réfléchir sur les valeurs dont don Achille a été témoin et qui sont maintenant l’essence du chemin de la communauté (…) [parmi les intervenants, don Luigi Ciotti, une vieille connaissance.]. Le programme, développé en partenariat avec l’Université des Étrangers de Sienne, pour l’enseignement de la langue italienne aux étrangers, avec une attention particulière à un cours spécialisé pour les professeurs d’italien à des fins religieuses, est présenté à la Villa Nazareth. – Le 15 décembre [2013], la Communauté de Villa Nazareth, réunie pour la messe de Noël reçoit la visite du Pape François, accueillie avec affection et enthousiasme par des étudiants, associés, amis et familles. En 2014, « la communauté accueille le cardinal Pietro Parolin, secrétaire d’État et ancien assistant spirituel des étudiants de la Villa Nazareth ».

En 2015, autre conférence importante avec le cardinal Pietro Parolin et Romano Prodi, et en 2016, le 18 juin, nouvelle visite de Bergoglio!

Je termine par un passage tiré d’un article du Huffington Post. Avant de définir Silvestrini comme « un opposant vigoureux et public à Ratzinger », Marie Antoinette Calabrò nous donne une autre information utile: « Aujourd’hui, le chef (de Villa Nazareth, ndr.) est Mgr Claudio Celli, également romagnol, comme Silvestrini, une carrière couronnée – après avoir été chef de l’APSA, Administration du Patrimoine du Siège Apostolique – par le nouvel accord conclu par François avec la Chine, qui a conduit ces derniers jours à la nomination en accord entre le Vatican et le gouvernement chinois des deux premiers évêques. Selon les rumeurs, dans les semaines de la crise d’août du gouvernement jaune-vert (la coalition 5 étoiles-Ligue), Celli s’est beaucoup dépensé en faveur de Giuseppe Conte, le pupille du cardinal Silvestrini ».


Annexe

Benoît-et-moi 2015, « Le cardinal de l’ombre » (*)

Parmi les membres de la « mafia de Saint Gall » figure le nom du cardinal Silvestrini: on se souvient peut-être qu’il a été au cœur d’un suspense (au moins sur mon site…), autour d’un livre paru en 2007 sous la plume d’un certain Olivier Legendre, intitulé « Confessions d’un cardinal » (cf. benoit-et-moi.fr/2007). Ce livre a eu une suite en 2011, « L’espérance du cardinal ».
Il s’agit de deux « livres-interviews », un peu comme le « Rapport sur la foi » de Vittorio Messori avec le cardinal Ratzinger, sauf qu’ici, le cardinal est fictif, ou couvert par l’anonymat.

Au moment de la sortie du premier tome, j’avais soupçonné qu’il s’agissait d’un artifice littéraire (pour le moins douteux!) destiné à faire passer les idées de gens qui complotaient contre Benoît XVI. Je m’étais probablement trompée, au moins en partie… Le cardinal de fiction empruntait bel et bien de nombreux traits (voire plus) à un être de chair et se sang! 
En janvier 2009, grâce au site ESM (voir ici l’article en trois volets: eucharistiemisericor.free.fr), j’étais tombée sur un long texte de l’Abbé Claude Barthe (paru initialement dans l’Homme Nouveau) qui levait un coin de voile sur l’identité du cardinal d’Olivier Legendre: relu aujourd’hui, et pas seulement pour cette raison, il s’avère prophétique.
L’abbé Barthe écrivait en effet (entre autre, mais tout le texte est passionnant):

Peu après l’élection de Benoît XVI, paraissait un livre-manifeste d’un cardinal anonyme n’ayant pas participé au conclave. Il est révélateur de l’état d’esprit de l’aile la plus libérale de la Curie.
Lors de la parution, l’an passé, chez Jean-Claude Lattès, du livre d’Olivier Le Gendre, Confession d’un cardinal , les observateurs avertis ont compris qu’il s’agissait d’une opération importante, commanditée par des personnages de haut rang qui prétendent déjà préparer un après-Benoît XVI, auquel ils voudraient imprimer une direction toute différente de celle de l’actuel pontificat.
Cet ouvrage très ingénieusement conçu, sous la forme d’entretiens avec un cardinal anonyme, à Rome et en d’autres lieux, témoigne d’une connaissance précise des milieux (et même des lieux) ecclésiastiques romains, et développe des propos savamment mesurés mais redoutablement libéraux. Tout laisse penser que cette opération a été imaginée et diligentée par le cardinal Achille Silvestrini, chef de file de l’aile libérale du collège cardinalice… 
Le cardinal qui se « confesse » emprunte à Silvestrini un certain nombre de traits particulièrement reconnaissables : il est comme lui un ancien cardinal de Curie (Achille Silvestrini, qui a aujourd’hui 85 ans, a été Préfet de la très importante Congrégation pour les Église orientales). Malgré la fatigue de l’âge le cardinal anonyme, de même que Silvestrini, semble n’avoir jamais mieux joui de ses moyens intellectuels. En raison de cet âge, le cardinal qui se confesse n’a pas participé au dernier conclave (Achille Silvestrini, qui avait 81 ans lors de l’ouverture du conclave, n’en a pas passé les portes).


En janvier 2012, de passage en Suisse, lors d’un débat public (cf. paroissiens-progressiste.over-blog.com), Olivier Legendre s’expliquait sur ses livres et les circonstances dans lesquelles ils avaient été écrits, et il plaidait pour « un nouveau modèle d’Eglise ». Obsédé par l’idée de pauvreté (tiens donc!), il prétendait qu' »il faudra faire ce qu’il faut pour qu’elle soit cette Église pauvre et solidaire qu’elle aurait du toujours rester ».
Par ailleurs, à côté d’un plaidoyer pour le mariage des prêtres, il affirmait:
« Je connais beaucoup de prêtres et d’évêques qui donnent la communion à des gens remariés, alors que c’est parfaitement interdit par les autorités vaticanes. C’est ce type de réglementations qui m’insupportent. Le salut de l’Eglise catholique ne se trouve pas dans la hiérarchie »

Depuis, il y a eu la démission de Benoît XVI, et l’élection du 13 mars 2013.
Un an plus tard Olivier Legendre disparaissait « des suite d’une longue maladie », selon la formule consacrée, mais l’élection de Jorge Mario Bergoglio avait été pour lui un dernier sujet de grande satisfaction.
Interrogé, juste avant sa mort, par Christine Pedotti, pour Témoignage Chrétien, il avait confié que le soir du 13 mars 2013, des amis lui avaient dit: « Mais c’est ton cardinal qui a été élu »!! Et, rapporte Christine Pedotti, il reconnaissait « avec jubilation et gourmandise que Jorge Mario Bergoglio a bien des parentés avec «son» cardinal – plus qu’il n’aurait osé l’espérer ».(cf. www.baptises.fr)

Tout cela a été développé à différents endroits de ce site. 

Aujourd’hui, si l’Eglise « pauvre et solidaire » que le cardinal de Legendre appelait de ses vœux a confié à grand frais la gestion de ses comptes à des agences d’audit multinationales, l’opinion publique est majoritairement persuadée qu’elle est enfin de retour. Et la biographie de Danneels confirme le rôle du cardinal Silvestrini dans cet avènement préparé bien avant le conclave qui a vu élire le successeur de Benoît XVI. Avec un programme qui ressemble comme deux gouttes d’eau à celui du cardinal anonyme d’Olivier Legendre.


(*) Voir aussi: « Complot contre Benoît XVI? » (Benoit-et-moi 2015)


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