La Civiltà cattolica vient de publier la conversation (*) que le Pape a eue « en roue libre » avec ses confrères jésuites lors de son voyage en Afrique. On y retrouve ses obsessions habituelles, non au cléricalisme, non au prosélytisme, non aux rigides, bref non aux catholiques. Ce sont les mots d’un père fouettard, pas d’un père « miséricordieux », et encore moins d’un père aimant. Et le désarroi d’AM Valli devient aussi celui de plus en plus de catholiques.

(*) Traduite en français ici: www.vaticannews.va

Photo Vatican Media

Jusqu’à quand?

Aldo Maria Valli
26 septembre 2019
Ma traduction

(…) Tout comme les voies du Seigneur, les possibilités d’être déconcertés par le Pape François sont infinies.

Aujourd’hui, le Père Antonio Spadaro publie sur la Civiltà Cattolica la conversation que François a eue les 5 et 8 septembre derniers avec les Jésuites du Mozambique et de Madagascar à l’occasion de son voyage apostolique en Afrique. Le compte-rendu s’intitule « La Souveraineté du Peuple de Dieu » et on peut lire les réponses que le Pape a données à ses frères pendant la rencontre.

Mais pourquoi parler de désarroi? Parce qu’à un moment donné, en réponse à la question du Père Bendito Ngozo, qui l’interrogeait sur le problème des sectes protestantes et du prosélytisme, le Pape a dit:

Aujourd’hui, j’ai ressenti une certaine amertume à la fin de la réunion avec les jeunes. Une dame m’a abordé avec un jeune homme et une jeune fille. On m’a indiqué qu’ils faisaient partie d’un mouvement quelque peu fondamentaliste. Elle m’a dit dans un espagnol parfait : « Votre Sainteté, je viens d’Afrique du Sud. Ce garçon était hindou et il s’est converti au catholicisme. Cette fille était anglicane et s’est convertie au catholicisme ». Mais elle me l’a dit triomphalement, comme si elle avait fait une chasse au trésor. Je me suis senti mal à l’aise et je lui ai dit : « Madame, évangélisation oui, prosélytisme non ».

J’ai lu et relu, mais c’est ce qui est écrit. Est-ce que vous comprenez ? Au lieu d’embrasser les deux convertis, de faire la fête avec eux et de les bénir, le pape leur a pratiquement crié dessus et a réprimandé la dame de les aider à devenir catholiques !

Dans sa réponse, le pape introduit la distinction habituelle entre évangélisation et prosélytisme, un discours qu’il a souvent fait. Mais, au-delà de cette distinction (qui peut être discutée), comment peut-il avoir une attitude semblable envers quelqu’un qui est venu à la foi catholique à partir d’une autre expérience religieuse? La dame dont il parle s’est peut-être exprimée « triomphalement », mais comment lui en vouloir ? Si vous êtes devant le pape, et que vous avez la possibilité de lui présenter deux jeunes convertis au catholicisme, céder à la satisfaction peut être plus que compréhensible. Et au lieu de cela, le pape (je dis : le pape, le chef visible de l’Église catholique) le prend mal.

Mais dans le dialogue avec ses frères jésuites, il y a un autre point qui laisse plus que perplexe. Il se trouve là où le pape, tonnant contre le cléricalisme (et cela non plus n’est pas nouveau) dit :

Le cléricalisme a pour conséquence directe la rigidité. Avez-vous déjà vu de jeunes prêtres tout raides en soutane noire et chapeaux de “Saturne” sur la tête ? Derrière le cléricalisme rigide il y a de graves problèmes. J’ai dû intervenir récemment dans trois diocèses en raison de problèmes qui se manifestaient sous forme de rigidité et masquaient de profonds déséquilibres et des problèmes moraux.
L’une des dimensions du cléricalisme est de faire une fixation exclusive sur le sixième commandement. Un jésuite, un grand jésuite, m’a dit de faire attention en donnant l’absolution, parce que les péchés les plus graves sont ceux qui ont une plus grande « angélicité » : fierté, arrogance, domination … Et les moins graves sont ceux qui en ont le moins, comme la gourmandise et la luxure. Nous nous concentrons sur le sexe et nous ne donnons pas de poids à l’injustice sociale, la calomnie, les commérages, les mensonges. L’Eglise a aujourd’hui besoin d’une conversion profonde sur cet aspect.
D’autre part, les grands pasteurs donnent beaucoup de liberté aux gens. Le bon berger sait diriger son troupeau sans le soumettre à des règles qui le mortifient. Au lieu de cela, le cléricalisme conduit à l’hypocrisie. Aussi dans la vie religieuse.

Je ne veux pas entrer dans la question de savoir quels péchés sont les plus graves, ceux liés à la sphère sexuelle ou ceux liés à la sphère sociale, parce qu’il me semble que ce discours ne mène nulle part. Je me concentre plutôt sur le parallèle que fait le pape entre le « clérical », compris comme intriguant et moralement corrompu, et le « rigide », illustré par la figure du jeune prêtre en soutane noire. Et je dis que là, nous en sommes là à un niveau d’insinuation et de calomnie totalement inacceptable. Sur la base de quoi le pape affirme-t-il que le jeune prêtre qui s’habille en prêtre, en soutane et en chapeau, est un « rigide » et en tant que tel un clérical et un corrompu moral ? Comment un pape peut-il s’exprimer ainsi sur ceux qui se soucient de leur propre identité de prêtre? De tels discours, difficiles à digérer même s’ils sont prononcés au bar, ne sont pas tolérables. Mettons-nous à la place d’un prêtre qui, par amour pour sa propre identité, s’habille habituellement comme un prêtre, avec soutane et chapeau. Dans la pratique, le pape le désigne comme pervers et hypocrite, comme une personne dont il faut se tenir à l’écart. Mais comment peut-il se le permettre?

Et qu’en est-il du concept selon lequel « les grands pasteurs donnent beaucoup de liberté aux hommes » ? Qu’est-ce que cela veut dire? La liberté dans quel sens ? Sur quoi se fonde cette déclaration? Où veut-il en venir ? Pourquoi les catholiques, qui ont le droit de bien comprendre ce que veut dire le pasteur suprême en matière de foi et de doctrine, devraient-ils se nourrir ainsi d’un pape qui semble hostile à tout ce qui est catholique et qui produit des ambiguïtés, des calomnies, des insultes et des allusions méchantes et injustifiées?

Pour l’amour de mon pays, et de l’Église, je n’aborde pas d’autres points du dialogue du pape avec les Jésuites. Je me demande juste: combien de temps devrons-nous supporter cette dévalorisation, cet amenuisement, cette œuvre déconcertante de dégradation progressive de la figure papale et de son autorité ?

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