J’en ai déjà parlé dans ces pages (*), mais il n’est pas superflu de le répéter encore et encore: le grand discours de Benoît XVI à Aparecida le 13 mai 2007 est une lumière sûre dont les Pères synodaux feraient bien de s’inspirer. Rappels de Stefano Fontana .

(*) Voir: La foi chrétienne en Amérique latine (19 juin 2019)


Benoît XVI à Aparecida

Une lumière pour aujourd’hui

Stefano Fontana
La NBQ
9 octobre 2019
Ma traduction

Alors que se déroule le Synode de l’Amazonie, il peut être très utile, de relire le discours de Benoît XVI à l’ouverture de la Cinquième Conférence des évêques d’Amérique latine et des Caraïbes à Aparecida le 13 mai 2007 (w2.vatican.va)

La première chose que l’on note est une vision providentielle et chrétienne du processus d’évangélisation de ce continent.

« Qu’a signifié l’acceptation de la foi chrétienne pour les pays d’Amérique latine et des Caraïbes? » se demandait le Pape. Et il répondait :

« Pour eux, cela signifiait connaître et accueillir le Christ… cela signifiait aussi avoir reçu, avec les eaux du Baptême, la vie divine qui les a fait enfants de Dieu par adoption; avoir reçu, en outre, l’Esprit Saint, venu féconder leurs cultures, les purifier ».

Contrairement aux thèses qui présentent l’évangélisation comme un phénomène de conquête violente, Benoît XVI précisait que « l’annonce de Jésus et de son Évangile n’a jamais conduit à l’aliénation des cultures précolombiennes, ni à l’imposition d’une culture étrangère… seule la vérité unifie et sa preuve est amour… La Parole de Dieu, devenue chair en Jésus Christ, est devenue histoire et culture ».

Aujourd’hui, nous constatons que l’Église propose les cultures précolombiennes comme un modèle pour elle-même et pour l’humanité en général, mais Benoît XVI disait:

« L’utopie de redonner vie aux religions précolombiennes, en les séparant du Christ et de l’Église universelle, ne serait pas un progrès, mais une régression. En réalité, ce serait une involution vers un moment historique ancré dans le passé ».

Le titre de la Conférence d’Aparecida était tout entier centré sur le Christ et missionnaire: « DISCIPLES ET MISSIONNAIRES DE JÉSUS-CHRIST, AFIN QUE NOS PEUPLES EN LUI AIENT LA VIE ». L’accent n’était pas mis sur les urgences écologiques ou sociales, mais sur la foi du Peuple de Dieu dans ce continent, pour rappeler aux fidèles qu’ « en vertu de leur Baptême, ils sont appelés à être disciples et missionnaires de Jésus Christ ». Benoît XVI plaçait l’évangélisation au centre et ne pensait pas que le baptême était une forme de prosélytisme dont il fallait s’abstenir par respect pour les cultures. Dans son discours, en effet, il citait l’Evangile de Marc : « Allez dans le monde entier et proclamez la Bonne Nouvelle à toute créature. Quiconque croira sera baptisé, sera sauvé ». Ainsi était reproposée la version traditionnelle de l’annonce, de la mission et de l’évangélisation.

Dans le discours d’Aparecida, ce ne sont pas les peuples latino-américains, l’Amazonie ou que sais-je d’autre qui sont au centre: c’est Dieu. On part et on retourne toujours à Dieu. Parler d’abord et avant tout de Dieu et non des problèmes sociaux – notait Benoît XVI – suscite l’accusation de fuite de la réalité. Et voilà la réponse claire et radicale du Pape :

« Quiconque exclut Dieu de son horizon falsifie le concept de ‘réalité’ et, par conséquent, ne peut que se retrouver sur des routes erronées et avec des recettes destructrices ».

Aujourd’hui, la méthode théologique et pastorale demande de partir non pas de Dieu mais de la « réalité », de la situation historique et culturelle des peuples, et ensuite de relire le message de Dieu. Benoît XVI est d’un avis opposé:

« Seul celui qui reconnaît Dieu connaît la réalité et peut y répondre d’une manière adéquate et vraiment humaine. La vérité de cette thèse est évidente face à l’échec de tous les systèmes qui mettent Dieu entre parenthèses ».

Le lieu théologique est la révélation de Dieu confiée à la tradition apostolique. Si Gustavo Gutierrez disait que la théologie est le « second acte », après avoir pris position face aux problèmes sociaux, Benoît XVI restitue à Dieu sa place, la première place.

Benoît XVI se pose alors la question: « Que nous donne la foi en ce Dieu? » Et il ne répond pas en se référant à la fraternité humaine, ni à la justice et à la paix sur terre, ni à la conservation de la biodiversité environnementale… mais à l’Église: « elle nous donne une famille, la famille universelle de Dieu dans l’Église catholique ». À la centralité de Dieu correspond à la centralité de l’Église.

De même qu’il ne part pas de la situation des peuples latino-américains pour relire l’Evangile, mais de l’Evangile, Benoît XVI ne part pas de la pratique mais de la doctrine. Il nous invite à connaître la Parole de Dieu, à faire de la catéchèse pour « connaître » le message du Christ sans lequel nous ne pouvons pas en faire le guide de la vie. Il invite aussi à « une formation adéquate dans la Doctrine sociale de l’Église, le Compendium de la Doctrine sociale de l’Église étant très utile à cela ».

Il y a deux points centraux du discours d’Aparecida : la centralité de Dieu et la relation entre foi et recta ratio. Les deux choses, ensemble, fondent le rôle public de la foi catholique:

« Une société dans laquelle Dieu est absent ne trouve pas le consensus nécessaire sur les valeurs morales et la force pour vivre selon le modèle de ces valeurs, même contre ses propres intérêts ».

Vu l’air qui circule autour du synode de l’Amazonie, il ne fait aucun doute que la lecture de ce discours d’Aparecida est très utile.

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