En reprenant (et mettant à jour à la lumière des derniers événements) son ouvrage monumental de 2011 sur Vatican II (*), Roberto de Mattei dresse l’historique d’une « conjuration » qui sape l’Eglise depuis plus d’un demi-siècle, et montre comment la signature du Pacte version 2.0 représente l’accomplissent du Concile, prévu depuis longtemps.

(*) Traduit en français en 2013 sous le titre Vatican II : Une histoire à écrire

Voir aussi:

Le pacte socio-politique des années soixante est devenu le pacte socio-cosmique de l’époque de Greta Thunberg.

Roberto de Mattei

Nouveau pacte des Catacombes: accomplissement de Vatican II

Roberto de Mattei
21 octobre 2019
Corrispondenza Romana
Ma traduction

Le testament secret du Concile Vatican II est devenu public et officiel. Le 20 octobre 2019, dans les Catacombes de Domitilla, a été solennellement renouvelé le « Pacte pour une Église servante et pauvre » signé le 16 novembre 1965, dans ce même lieu, par quarante-deux Pères conciliaires, quelques semaines avant la conclusion de l’assemblée.

Les conjurés signent le nouveau Pacte des Catacombes le 20 octobre 2019

Mgr Luigi Bettazzi, évêque émérite d’Ivrea, seul signataire encore en vie du Pacte des Catacombes, a révélé que le texte de 1965 a été écrit par Mgr Hélder Câmara (1909-1999), archevêque d’Olinda et Recife, qui cependant ne l’a pas signé ce 16 novembre, car il était engagé dans une réunion pour la rédaction finale du document Gaudium et Spes, peut-être le plus important du Concile Vatican II.

Au doigt de l’évêque qui signe l' »anneau de Tucum » est visible

Dès le début du Concile, Mgr Câmara avait établi une alliance de fer avec le cardinal Suenens, que dans sa correspondance il appelle du nom de code « Père Miguel ». Dès lors, le tandem Câmara-Suenens constitua l’un des moteurs « cachés » de l’assemblée conciliaire. Helder Câmara, au début de la deuxième session, définit Suenens comme « l’homme clé du Concile, certain de la confiance directe et personnelle du Saint-Père » et, soulignant le chemin parcouru depuis la première session, il écrit que ce n’était pas à tort que le cardinal belge était désigné comme le « leader mondial du progressisme ». « Au Concile, il est mon leader », écrivait l’évêque brésilien dans une circulaire à ses fidèles.

Tous deux se rencontraient quotidiennement, se partageant les rôles, Suenens dans la salle du Concile, Câmara dans les couloirs extra-conciliaires. « Au cours des quatre sessions du Concile – rappellent ses biographes -, Dom Hélder n’interviendra pas dans les assemblées plénières, mais réalisera un véritable travail d’ ‘éminence grise’ en architecturant ce qu’il lui-même appelait ‘saint complot’ pour inscrire le problème de la misère dans le monde et celui des pays en voie de développement au programme des travaux du Concile, et pour encourager un processus de réforme interne de l’Église catholique ».

Paul VI protégea Mgr Câmara en le nommant archevêque d’Olinda et de Recife et, après sa nomination, il le rassura par ces mots : « Soyez tranquille. Il est évident que sur votre sa tête, il y a la main de Dieu. La Providence s’est rendue tangible ».

« Ce n’est pas au Concile de tout dire – affirmait de son côté Mgr Câmara dans les derniers jours de Vatican II -. Il y a des déclarations implicites qu’il nous appartient de rendre explicites » (ndr: toutes les citations sont tirées, avec référence aux sources, de mon livre « Le Concile Vatican II. Une histoire jamais écrite« ).

Après la conclusion du Concile, un industriel belge ami de Suenens, Jacques Lannoye (1915-1999), au nom d’un groupe d’amis, offrit au cardinal Suenens et à Mgr Helder Câmara le soutien financier pour alimenter la « flamme sacrée » du Concile après sa conclusion. Telles sont les origines de la théologie de la libération en Amérique latine.

Parmi ceux qui appuyèrent le Pacte des Catacombes, il y avait le cardinal Giacomo Lercaro (1891-1976), archevêque de Bologne. Son nom ne figure pas parmi les signataires, mais il était représenté par Mgr Bettazzi, son évêque auxiliaire. Le conseiller théologique du cardinal Lercaro était don Giuseppe Dossetti (1913-1996). Les relations entre Dossetti et Lercaro sont similaires à celles qui liaient Câmara à Suenens. Tous deux étaient des militants progressistes. Dossetti, habile organisateur intellectuel, fut le père de l’ « Ecole de Bologne », le laboratoire intellectuel de l’ultra-progressisme européen. Câmara, qui était un activiste politique, est le père de la Théologie de la Libération, dont descendent les promoteurs du nouveau pacte des Catacombes du 20 octobre: le Cardinal Cláudio Hummes, Mgr Erwin Kräutler et le Père Oscar Beozzo, historien et biographe de Câmara lui-même. La cérémonie de 1965 fut présidée par Mgr Charles-Marie Himmer (1902-1994), évêque de Tournai (Belgique); la cérémonie de 2019 fut présidée par le cardinal Hummes, nommé par le pape François comme rapporteur général au Synode de l’Amazonie. Célébrant dans les Catacombes de Domitilla « l’Eucharistie du Pacte », définie par les participants comme « un acte d’amour cosmique », le cardinal Hummes a montré l’étole de Mgr Câmara dont il est dévot.

Le cardinal Hummes exhibe la « relique » de l’étole de Mgr Câmara

Le document signé dans le cimetière souterrain de la via Ardeatina par des évêques et des laïcs, parmi lesquels les organisateurs de l’exposition blasphématoire « Amazonia, Casa Comune » dans l’église Santa Maria in Traspontina, est un texte en quinze points intitulé: « Pacte des catacombes pour la maison commune. Pour une Église au visage amazonien, pauvre et servante, prophétique et samaritaine ». Le pacte sociopolitique des années soixante est devenu le pacte socio-cosmique de l’époque de Greta Thunberg.

Les adeptes de l’écosocialisme vénèrent l’étole de Mgr Câmara

Les signataires proclament leur engagement à se battre pour « une écologie intégrale dans laquelle tout est interconnecté, le genre humain et toute la création car tous les êtres sont filles et fils de la terre et sur eux plane l’Esprit de Dieu (Gen 1,2) » (n. 2); à « renouveler dans nos Eglises l’option préférentielle pour les pauvres, en particulier pour les peuples autochtones, et avec eux garantir le droit d’être protagonistes dans la société et dans l’Eglise » (n. 4); et à « abandonner, en conséquence, dans nos paroisses, diocèses et groupes, toute mentalité et position colonialistes, accueillant et valorisant la diversité culturelle, ethnique et linguistique dans un dialogue respectueux avec toutes les traditions spirituelles » (n.5).

Il ne s’agit pas d’un événement purement commémoratif, mais de l’acte final d’un processus qui commence avec le Concile Vatican II et culmine avec la montée au trône pontifical de Jorge Mario Bergoglio. Le 21 mars 2013, une semaine après son élection, le pape François reçut une copie du Pacte des Catacombes des mains du militant argentin Adolfo Pérez Esquivel, soutien des dictateurs marxistes Fidel Castro, Nicolas Maduro et Hugo Chaves. Le 8 juillet 2014, Léonard Boff publia un article intitulé « El pacto de las catacumbas vivido por el Papa Francisco« , dans lequel, après avoir transcrit le Pacte des Catacombes de 1965, il concluait par ces mots : « Ne s’agit-il pas des idéaux mêmes présentés par le Pape François? »

Le 14 novembre 2015, le Pacte des Catacombes a été rappelée dans la grande salle de l’Université Pontificale Urbanienne lors d’un séminaire auquel participaient le cardinal João Braz de Aviz, Préfet de la Congrégation pour les Instituts de Vie Consacrée et l’historien Alberto Melloni, chef de « l’École de Bologne », mais aussi le théologien de la libération Jon Sobrino, condamné en 2007 par la Congrégation pour la doctrine de la foi et reçu le 13 novembre 2015.

Le Synode sur l’Amazonie est donc l’achèvement symbolique du Concile Vatican II, la réalisation de cette « option préférentielle pour les pauvres » pour laquelle se battirent Mgr Helder Câmara et Don Giuseppe Dossetti, le cardinal Suenens et le cardinal Lercaro. Le parti amazonien, qui représente l’aile jacobine de la Révolution conciliaire, déploie ses troupes dans les catacombes de Domitilla, envoyant à l’Église ce message: « On ne revient pas en arrière ». « Et ce n’est que le début, pour encore 50 ans », comme l’a dit Maurício López, secrétaire exécutif du REPAM, lors de la signature du nouveau Pacte des Catacombes.

La Révolution avance, mais comme toute Révolution, elle est destinée à dévorer ses enfants. Pour l’instant, les victimes sont les girondins, qui se sont bercés de l’illusion de faire la distinction entre Vatican II et ses mauvais interprètes. À qui le tour, demain ? L’herméneutique de la continuité a déjà été tentée par les libéraux pendant la Révolution française pour combattre 1793 au nom de 1789, mais le résultat fut la terreur. Et face à l’avancée de la Terreur, seule la Contre-Révolution est possible. « Mais la contre-révolution – dit le comte Joseph de Maistre – n’est pas une révolution de sens opposé, c’est le contraire de la révolution » (Considérations sur la France, in Oeuvres Complètes).

Mots Clés :
Share This