La nouveauté, bien que passée inaperçue dans les médias grand public, a été très commentée parmi ceux qui suivent de près les affaires de la papauté: le titre de « Vicaire du Christ » est désormais déclassé à la rubrique « titres historiques ». Un nouveau geste de rupture assumé. Commentaire d’Aldo Maria Valli.

Voici l’information telle que publiée dans Il Messagero sous la plume de la très « bergoglienne » Franca Giansoldati:

Le pape François, notoirement allergique à tout titre honorifique, a envoyé aux oubliettes aussi celui de Vicaire du Christ. Il l’a fait dans la nouvelle édition 2020 de l’Annuaire pontifical – le volume officiel de l’organigramme complet du Saint-Siège – où figure habituellement la liste des titres propres au Souverain Pontife romain, sous le nom d’un Pape: Vicaire du Christ, Successeur du Prince des Apôtres, Souverain Pontife de l’Église universelle, Souverain de l’État de la Cité du Vatican et Serviteur des Serviteurs de Dieu.
Cette fois, ils ont tous été déclassés à la rubrique « titres historiques », comme s’il s’agissait de quelque chose du passé, en substance dépassé. Ceux qui ont pu voir la nouvelle édition de l’Annuaire Pontifical ont pu constater le curieux changement qui ne concerne pas seulement l’emplacement graphique, puisque dans les éditions précédentes sous son nom – Jorge Mario Bergoglio – tous les titres apparaissaient et la liste s’ouvrait avec les mots : Vicaire du Christ.
En l’absence de communications officielles sur un passage aussi important, le feu orange a clignoté. Qu’est-ce que cela signifie ?
L’explication a été sollicitée par le quotidien Avvenire et la salle de presse du Vatican a confirmé le changement graphique, soulignant que l’expression « titres historiques » indique le lien avec l’histoire propre à la papauté. Comme pour dire que si ces titres n’étaient pas valides, ils auraient été annulés. Cependant, le mystère demeure quant à la raison pour laquelle le pape François a donné l’instruction de publier l’Annuaire pontifical de 2020 avec ce changement singulier.

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https://www.ilmessaggero.it/vaticano/papa_francesco_titoli_annuario_pontificio_vaticano_titoli_vicario_cristo_successore_apostoli-5150281.html

Mgr Vigano a immédiatement réagi à travers une lettre ouverte à « La Verità » dans laquelle il écrit:

Ce changement dans la présentation et le contenu d’un texte officiel de l’Église catholique ne peut être ignoré, ni imputé à un geste d’humilité de François, qui d’ailleurs n’est pas compatible avec son nom bien mis en lettres capitales. Il semble plutôt qu’on puisse y voir l’admission – passée sous silence – d’une sorte d’usurpation, où celui qui règne n’est pas le « Servus servorum Dei », mais la personne de Jorge Mario Bergoglio, qui a officiellement nié être le Vicaire du Christ, le Successeur du Prince des Apôtres et le Souverain Pontife, comme si ces titres n’étaient que des clinquants dérangeants du passé : des «titres historiques», justement.

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https://www.marcotosatti.com/2020/04/04/vigano-vicaire-du-christ-fait-partie-du-munus-petrinum-ce-nest-pas-seulement-un-titre/

Pierre, Vicaire du Christ.
Pas seulement un « titre historique »

https://www.aldomariavalli.it/2020/04/05/pietro-vicario-di-cristo-non-solo-un-titolo-storico/

Comme vous l’avez certainement appris, il y a du nouveau dans l’édition 2020 de l’Annuaire pontifical.

Dans les premières pages, où le pape régnant est présenté, il y a le nom du pontife, Jorge Mario Bergoglio, une courte biographie de celui-ci et ensuite, sous la définition de « titres historiques », la liste des termes qui connotent l’identité spirituelle, religieuse et juridique du pontife romain: Vicaire de Jésus-Christ, Successeur du Prince des Apôtres, Souverain Pontife de l’Église universelle, Primat d’Italie, Archevêque et Métropolite de la Province romaine, Souverain de l’État de la Cité du Vatican et Serviteur des Serviteurs de Dieu.

Si l’on compare cette présentation avec celle de l’Annuaire pontifical 2019, on remarque immédiatement un changement qui n’est pas seulement de nature graphique. Jusqu’à l’année dernière, en effet, en premier, en gros caractères, il y avait le titre de Vicaire de Jésus-Christ, puis, en plus petits caractères, il y avait les autres titres, puis à nouveau le nom du pape régnant, suivi de la biographie succincte.

Un tel changement n’a certainement pas pu se produire sinon à la demande du pape lui-même, il serait donc intéressant de connaître de lui la raison de cette nouveauté. Étant donné qu’il s’agit de l’identité même du pape, je pense que les fidèles catholiques auraient le droit de savoir de la bouche du pape ce qui l’a poussé à changer.

Pour notre part, nous pouvons faire quelques observations simples.

Alors qu’auparavant, ce qui ressortait était le titre de Vicaire de Jésus-Christ, dans la nouvelle formule, ce qui ressort avant tout est le nom de celui qui se trouve actuellement sur le trône de Pierre. Il y a donc une sorte de renversement de perspective, de sorte que maintenant la dimension humaine du pape semble prévaloir sur la dimension spirituelle.

Dans l’ancienne formule, ce que l’Église catholique considérait comme le plus important était mis en évidence, en gros caractères. Comme pour dire : c’est ce qui compte. Après quoi venait le nom du pape régnant, lequel n’est certes pas sans importance, mais qui vient après, car le pape est celui qui est appelé à être le vicaire du Christ pour un bout de chemin dans l’histoire de l’humanité.

Or, le fait que le titre désignant l’investiture sanctionnée dans l’Évangile (« Tu es Pierre et sur cette pierre… »), se situe en-dessous, parmi les prétendus « titres historiques », semble dire qu’il s’agit seulement d’une tradition, quelque chose que nous avons hérité de temps lointains, mais qui n’a pas une grande signification pour nous aujourd’hui.

Dans un commentaire singulier, j’ai lu que le pape régnant aurait demandé un changement parce qu’il était « notoirement allergique aux titres honorifiques« . Une phrase qui n’a pas de sens, en attendant, parce que le titre de Vicaire de Jésus-Christ n’est pas un titre honorifique mais un attribut qui nous dit précisément l’identité la plus profonde et la plus vraie du pontife, et ensuite parce que, si vraiment le pape avait raisonné ainsi, cela signifierait qu’il n’est pas conscient de ce que signifie être Vicaire de Jésus-Christ.

De toute façon, voir le titre de Vicaire du Christ inséré parmi ceux qui sont qualifiés de « titres historiques » provoque un certain malaise. Comme si l’appellation elle-même n’avait qu’une valeur historique, et non pas théologique et spirituelle.

Dans le livre Franchir le seuil de l’espérance (1994), Jean-Paul II, répondant à une question de Vittorio Messori, disait: « Le Pape est aussi appelé Vicaire du Christ. Ce titre doit être vu dans le contexte global de l’Evangile. […] Dans cette perspective, l’expression « Vicaire du Christ » prend tout son sens. Plus qu’une dignité, elle fait allusion à un service : c’est-à-dire qu’elle entend mettre en valeur les devoirs du pape dans l’Église, son ministère pétrinien, visant au bien de l’Église et des fidèles. Saint Grégoire le Grand l’avait parfaitement compris, qui, parmi toutes les qualifications liées à la fonction d’évêque de Rome, préférait celle de Servus servorum Dei (Serviteur des serviteurs de Dieu) ».

Sur le titre de Vicaire du Christ, on pourrait faire de nombreuses considérations, à partir de multiples points de vue. Sous l’angle théologique, les paroles que Jésus a adressées à Pierre ressortent : « Pais mes brebis… Pais mon troupeau » (Jn 21, 16-17). C’est pour cela que Pierre devient vicaire. En effet, vicaire signifie « prendre la place », exercer une autorité ou une fonction au nom d’une autre personne de rang supérieur.

Comme l’a établi le Concile de Florence en 1439, le mot vicaire indique le fait d’occuper la place de Jésus comme pasteur, une mission reçue uniquement par Pierre. Nous sommes donc confrontés à une relation qui est propre à Pierre et à ses successeurs. C’est pourquoi, auparavant, dans l’Annuaire pontifical, cette appellation était placée au sommet, avec un accent particulier.

Dans le Catéchisme de l’Église catholique, on lit : « De Simon seul, à qui il a donné le nom de Pierre, le Seigneur a fait la pierre de son Église. C’est à lui qu’il a confié les clés » (n. 881).

Pour parler franchement, déprécier le rôle du pape en tant que Vicaire du Christ, et n’en faire que l’évêque de Rome, est affaire de protestant.

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