Le porte-parole des Sardines, ce mouvement « spontané » de jeunes italiens courageusement (!!) déterminés à lutter contre l’hydre fasciste, a reçu un coup de fil du Pape… Il en est resté sous le choc. Dommage pour lui que c’était une blague faite par des amuseurs de la radio. La supercherie a été découverte: pour drôle qu’elle soit, elle soulève toutefois un problème qui touche à la personne du pape (même si celui-ci n’est pas directement en cause). La réflexion d’AM Valli.

Les Sardines (lire – avec les précautions d’usage, et éventuellement entre les lignes, mais il donne une idée assez juste -, l’article de wikipedia en français , version abrégée de celui en italien) est « un mouvement né à Bologne en novembre 2019, pendant la campagne électorale des élections régionales de 2020 en Émilie-Romagne, en opposition au populisme et au souverainisme de partis de l’extrême-droite [sic!] italienne ». Mouvement prétendument « spontané », un peu sur le modèle des « indignés » espagnols de 2011, mais dont il n’est pas difficile de deviner qu’il est manipulé, et par qui.
Son fondateur et porte-parole, un certain Mattia Santori (32 ans) est qualifié par AM Valli, entre dérision et pitié de « leaderino » (ino est un suffixe diminutif).
Il a été ces jours-ci la victime naïve d’une imposture téléphonique, imaginée par les animateurs de La Zanzara (autrement dit « le moustique »), une émission humoristique d’une station de radio italienne traitant de l’actualité. Une imposture sous la forme d’un coup de fil du Pape, tellement plus-vrai-qu’un-vrai qu’il a tout avalé, la ligne et l’hameçon.
Mais à bien y réfléchir, ce n’est pas si drôle que cela. Et c’est le sujet de la réflexion d’AM Valli


La blague géniale à Mattia Santori. Quand le faux François semble vraiment être François

https://www.aldomariavalli.it/2020/04/25/lo-scherzo-geniale-a-mattia-santori-se-il-finto-francesco-sembra-proprio-francesco/

Donc, comme vous devez l’avoir lu, le pape n’a pas appelé Mattia Santori. Le pauvre leaderino des Sardines a été victime d’une blague de ces garnements de La Zanzara sur Radio24, lesquels, grâce à un imitateur (le très bon Andro Merkù), frappent de temps en temps le malheureux de service avec les appels téléphoniques d’un faux François qui, pourtant, semble être le vrai François.

Le pauvre Mattia a raconté, encore ému:

« Quand il a dit ‘Mattia, c’est moi, je suis François’, seulement à ce moment-là j’ai réalisé que ce n’était pas une blague ».

Et pourtant, c’était vraiment une blague, cruelle.

Ils auraient même dû se voir, Mattia et le pape, comme l’a expliqué l’ignorant Santori : « Nous avions convenu de nous rencontrer, mais tout a sauté » à cause du coronavirus.

Quand la blague n’avait pas encore été révélée, Mattia a expliqué que parmi les Sardines, il y avait un débat sur la question de savoir s’il fallait ou non rendre l’appel téléphonique public: « Pendant la campagne électorale, selon certains, il aurait pu être utile de le rendre public, mais nous avons décidé de ne pas le faire ».

Mais qu’a dit « Francesco » à Mattia? Santori lui-même raconte:

« Je ne pense pas avoir dit un seul mot. J’ai écouté. Le pape François est resté très super partes, mais nous nous sommes sentis appréciés. Le message qui m’est parvenu est le suivant: ‘Je vous observe, je vous suis, je comprends vos paroles et ce que vous demandez’. En politique, nous avons demandé de respecter la dignité des personnes. C’est magnifique de savoir que le Pape observe ce qui se passe dans la société. Pendant la campagne électorale, nous avons été beaucoup attaqués dans les médias et nous avons été ciblés par la ‘machine à fange’. Le Pape nous a accordé son écoute et sa compréhension. J’ai ressenti une grande émotion lorsque François m’a dit qu’il avait vu les places remplies par nous, les jeunes, et qu’il avait ressenti une grande joie. Il m’a dit: ‘Continuez ainsi, car la gentillesse qui émane de vos rassemblements est fondamentale' ».

Maintenant, je ne pense pas qu’il faille s’en prendre au leaderino sardinesque, ni s’indigner de la blague des garnements de La Zanzara. L’objet de réflexion me semble autre, à savoir que si les garnements n’avaient pas tout révélé, la question de l’appel téléphonique aurait semblé plausible.

Vous voyez à quel point nous en sommes? Il est tout à fait plausible que le pape (le pape !) décroche le téléphone, appelle le leaderino des Sardines et lui dise ces choses. Il est tout à fait plausible que le pauvre leaderino pense que le pape est à l’autre bout du fil. Il est tout à fait plausible que le leaderino pense que le pape a pu utiliser des mots d’approbation et de gratitude pour les Sardines. Il est tout à fait plausible que le faux François ait organisé un rendez-vous avec le leaderino à Santa Marta pour parler des migrants et de l’accueil. Et il est tout à fait plausible qu’un leaderino comme Santori se sente si important qu’il mérite l’attention du pape.

Dans le coup de téléphone, le faux pape (et c’est là que réside le génie des auteurs de la blague) a dit des choses que le vrai pape aurait pu dire en réalité. Et la confirmation réside dans le fait que le pauvre Mattia est tombé dans le panneau, chaussures comprises.

C’est cela le drame. Alors, chapeau à ceux de La Zanzara, mais en réalité il n’y a pas de quoi rire.

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