Magnifique et très émouvant hommage funèbre à Monseigneur Georg par Andrea Gagliarducci, qui voit même dans l’histoire des deux frères une parabole biblique.

Communiquer la vie: la force cachée des frères Ratzinger

Andrea Gagliarducci
Vatican Reporting
er juillet
Ma traduction

Il existe une vidéo montrant Georg Ratzinger dirigeant le chœur des Regensburger Domspatzen en 1993, et elle a été reprise immédiatement après l’annonce de sa mort. Ce qui frappe, chez le frère de Benoît XVI, c’est le regard concentré dans la direction du chœur, son attention au moindre détail. Il y a comme une recherche, dans son visage et dans ses mouvements, qui le rend profondément semblable à Benoît XVI.

La mort de Monseigneur Georg Ratzinger était attendue, et Benoît XVI a pu faire ses derniers adieux à son frère aîné lors d’un voyage plein de sens en Bavière il y a deux semaines. Les deux frères étaient très proches, et quand on revoit cette vieille vidéo, on retrouve la même concentration, et on comprend aussi quelque chose de plus de leur personnalité.

Celle de Georg et Joseph Ratzinger est une personnalité d’humilité et de timidité. Ils en sont tous deux venus à diriger, et à diriger des choses importantes, mais ils sont arrivés là grâce à leurs compétences, et non pas parce qu’ils ont essayé de faire leur chemin. Ce sont deux frères qui, avec leur sœur Maria tent qu’elle st restée en vie, ont fait de leur consonance une famille partout et en tout lieu. S’ils n’étaient pas ensemble, ils se cherchaient. Leur regard semblait manquer quelque chose quand ils n’étaient pas ensemble. Mais s’ils étaient ensemble, leur perspective était complète.

Avec la mort de Georg Ratzinger, nous avons donc la perception qu’une partie de Benoît XVI s’en va. Comme si la mort de son frère n’était qu’un pas vers le long adieu du pape émérite, qui s’est retiré dans la vie privée et a renoncé au munus pétrinien pour intercéder pour l’Eglise.

Souvent, cet aspect familier de Benoît XVI a été traité comme un fait folklorique. Aujourd’hui encore, à l’annonce de sa mort, il y a un journal qui va jusqu’à qualif Georg Ratzinger le gaffeur [Il Sole 24 ore, ndt], en examinant des situations particulières extrapolées de leurs contextes, et en perdant de vue le point central de tout.

Mais – et c’est la plus grande leçon que les frères Ratzinger ont donnée à la communication – leur lien est si authentique et solide que personne ne peut se dispenser de le voir et de le raconter. Ce qui est frappant, c’est l’authenticité de leur lien. Une authenticité qui ne peut être ignorée par personne.

Le langage de l’authenticité des deux frères présente également une autre particularité communicative. Tous deux timides, ils ont trouvé la possibilité de s’exprimer dans des formes d’art qui nécessitent profondeur et créativité: Benoît XVI avec la théologie, Georg Ratzinger avec la musique.

Aucun d’entre eux ne voulait être au premier plan. Il y a peu de textes systématiques de Benoît XVI, Georg Ratzinger a toujours agi comme le plus classique des maîtres de chapelle, c’est-à-dire avec un profil bas, mais un désir de mettre en valeur le répertoire traditionnel.

Aucun d’entre eux n’aspirait à la carrière qu’il a faite, et tous deux avaient déjà fait des projets pour leur retraite.

Pourtant, ils ont tous deux obtenu des résultats énormes. La mort de Georg Ratzinger est quelque peu obscurcie par le fait qu’il était le frère du pape émérite. La vérité est que l’hommage extraordinaire que le diocèse de Ratisbonne lui a rendu n’aurait pas été différent si son frère n’était pas devenu pape. Georg Ratzinger était une véritable institution à Ratisbonne. Comme toutes les institutions, il a su prendre du recul. Comme toutes les institutions, il était fondamental.

Et le style de Georg Ratzinger, on le retrouve aussi chez Benoît XVI, toujours plus soucieux de détourner l’attention de sa personne plutôt que de l’augmenter. Benoît XVI se savait pape, mais il savait aussi disparaître derrière l’institution, qu’il a vraiment servie, et servie jusqu’au bout.

Benoît XVI et Georg Ratzinger étaient des leaders sans vouloir être des leaders, et précisément parce qu’ils ne voulaient pas être des leaders. C’est incroyable, mais on ne peut pas les penser séparément.

Il sera étrange de penser à un Benoît XVI sans les visites habituelles de son frère en été ou au mois de mars. Il sera difficile de penser à un Benoît XVI en dehors de la vie quotidienne de sa famille, dont il est désormais le seul héritier.

La mort de Georg Ratzinger nous donne un Pape émérite définitivement seul, et pourtant jamais autant aimé, par la famille pontificale qui vit avec lui, par des gens qui ont reconnu le geste simple et l’amour dans le voyage pour son frère.

Avec Georg Ratzinger, un peu de Joseph Ratzinger est également mort. Mais il reste l’exemple d’une famille qui n’a pu se construire aussi bien que parce qu’elle est unie par la foi en Dieu. Ce n’est pas un hasard si Joseph et Georg Ratzinger ont été ordonnés prêtres le même jour. Et leur histoire était une parabole biblique. Car dans la Bible, c’est toujours le frère cadet qui prend en main le destin du peuple. Cela se passe avec Ésaü et Jacob, avec Joseph, avec David.

Avec la mort de Monseigneur Georg Ratzinger, une époque s’achève. Et pourtant, c’est une douce transition, pleine de foi dans le Seigneur. Benoît XVI ne se laissera pas aller au désespoir. Il connaîtra la tristesse. Il connaîtra l’absence. Mais le point de référence, ferme, de son frère restera toujours là.

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