La prédiction est un art difficile… surtout quand elle concerne l’avenir, disait Pierre Dac. Aussi saura-t-on gré au blog hispanophone « The Wanderer » d’en faire un usage raisonnable, en refusant tout pronostic (on connaît plus d’un vaticaniste qui s’est ridiculisé dans le passé). Dans cette troisième et dernière « Lettre d’Argentine », datant de novembre dernier (*) il brosse avec beaucoup de finesse et de clairvoyance, sans citer de noms, un tableau de ce à quoi pourrait ressembler le conclave qui élira le successeur de François. Sa conclusion n’est finalement pas si pessimiste: le pire est plausible mais pas certain – et il en explique les raisons. Seul petit bémol à argumentation: il voit le conclave comme faisant suite à la mort de François. Mais cela non plus n’est pas certain.

(*) Ainsi les a qualifiées AM Valli, qui a déjà traduit en italien les deux premières, aussi intéressantes, intitulées respectivement « Vers une Eglise souterraine » et « Schisme diffus et polymorphe » (à suivre, si j’ai le temps). J’ai eu la curiosité de chercher la troisième lettre en vo… et je ne suis pas déçue. Je me suis aidée pour la traduction, de logiciels de traduction en ligne, en « croisant » les résultats.

Le prochain conclave

caminante-wanderer.blogspot.com
9 novembre 2020
Ma traduction

Peu de gens peuvent nier qu’à la fin de son pontificat, Bergoglio laissera l’Église dans un état de prostration peut-être unique dans toute son histoire. Littéralement, et profitant de l’impulsion reçue par Vatican II, il a effacé deux mille ans de théologie et de spiritualité chrétiennes. Et il ne s’en rend pas compte ou, en tout cas, il ne s’en soucie pas.
Comment sera alors cette église post-François? C’est un sujet qui mérite qu’on s’y arrête, sachant que nous entrons dans le domaine de la spéculation et que nous pouvons facilement nous tromper.

Pour commencer, une réserve s’impose. C’est l’Esprit Saint qui œuvre dans l’Église, donc toute prédiction que nous pourrions faire est toujours d’une valeur très relative. Par exemple, le pape est élu par les cardinaux qui sont assistés par l’Esprit Saint; cependant, ils sont libres d’accepter ou de refuser cette assistance. Toute analyse qui prétend donner une perspective sur l’avenir doit donc toujours faire face aux incertitudes de l’action du Paraclet et de la liberté des hommes.
La mort de François approche inexorablement, comme celle de nous tous. Et l’arrivée de son successeur approche également après un conclave que tout le monde craint.

Personne ne sait ce qui sortira de cette assemblée pourpre et ce que nous pouvons dire n’est rien de plus que des suppositions. Mais nous pouvons faire une analyse des données dont nous disposons, y compris les nouveaux cardinaux annoncés le dernier dimanche d’octobre 2020. Il y a 128 cardinaux électeurs, soit plus que le nombre prévu par le droit canonique. Parmi ceux-ci, 16 ont été créés par Jean-Paul II, 39 par Benoît XVI et 73 par François. Ces chiffres disent quelque chose, mais ils ne disent pas tout. On serait tenté de considérer comme acquis que les cardinaux qui doivent leur pourpre à Bergoglio voteront en masse pour le candidat oint par le pape régnant avant sa mort. Mais ce n’est pas nécessairement le cas, et la preuve en est ce qui s’est passé lors du conclave précédent: les cardinaux bénédictins n’ont pas tous voté pour Scola, le candidat de Ratzinger. Et cela souligne l’incertitude des résultats, car en raison du secret du conclave, nous ne savons pas comment les forces s’y comportent.

Cependant, nous pouvons trouver quelques indices en examinant des rencontres telles que les conciles. Et ce que nous voyons là, c’est que la masse des évêques se comporte au rythme fixé par une poignée restreinte de meneurs. En d’autres termes, les rassemblements épiscopaux sont caractérisés par un très petit nombre de chefs et un troupeau de moutons. Il suffit d’examiner ce qui s’est passé pendant le Concile Vatican I, si bien raconté par O’Malley, ou ce qui s’est passé au Concile Vatican II, mieux raconté par De Mattei : les évêques n’ont pas compris les questions en jeu, ont applaudi ce que la majorité a applaudi et ont voté pour ceux qui ont reçu le plus d’applaudissements. Et convenons que c’est généralement le comportement de tous les organes collégiaux, des conseils académiques d’une université à la chambre des députés de la nation.
Je n’ai pas fait, et je n’ai pas envie de faire, une analyse détaillée des cardinaux nommés par Bergoglio, mais j’avance une hypothèse. En vieux renard de la politique et connaisseur de la mécanique des corps collégiaux, on peut prévoir qu’il aurait pris soin de remplir le collège sacré de moutons, en y ajoutant de temps en temps un chef qui, le moment venu, pourrait être élu lui-même, ou bien être un faiseur de rois. Et je pense que cette manœuvre est plausible en raison de deux faits facilement vérifiables.

Le premier et le plus connu est que François s’est signalé par la création d’un collège de cardinaux qui a deux caractéristiques principales: sa médiocrité et sa couleur. Sur la première, je me réfère à l’article de Tosatti, dont la conclusion peut être résumée en affirmant que les cardinaux créés par Bergoglio sont des appendices de lui-même. Sur la seconde, avec l’excuse facile et discutable que toute l’Église devrait être représentée dans la pourpre, il a pris soin de faire des cardinaux allant de l’évêque de Toga, une île éloignée et perdue dans le Pacifique, jusqu’au vicaire apostolique de Brunei, dernièrement. Je ne connais pas ces prélats et ne peux rien dire à leur sujet, mais le bon sens indique qu’il s’agit de personnes qui ont passé leur vie dans les occupations et les préoccupations d’un petit troupeau malmené, et qui n’ont probablement pas les compétences que possèdent les dangereux loups du Vatican, au milieu desquels ils seront jetés. Je me risque à dire qu’avec ce type de cardinaux, qui sont majoritaires, ce qui s’est passé dans les conciles se produira: ils seront facilement intimidés, ou achetés, par les faiseurs de rois et voteront pour celui pour qui on leur dira de voter.

D’autre part, Bergoglio s’est bien gardé de nommer des cardinaux titulaires des sièges traditionnellement occupés par la pourpre L’un des cas les plus flagrants est celui de Paris. Son archevêque, Mgr Michel Aupetit, dont la nomination a été applaudie même par la FSSPX, n’est toujours pas cardinal, même si deux consistoires se sont succédé depuis son élection. Et Aupetit, bien sûr, ne se ferait pas monter la tête par un bergoglien dans les couloirs du conclave.

À quoi peut-on s’attendre? Les chances qu’un cardinal proche de la tradition soit élu sont nulles. Personne n’élirait, par exemple, le cardinal Burke. Et je ne sais pas à quel point ce serait bien si le cardinal Sarah était élu. Malgré la campagne menée ces dernières années pour le rendre papabile, la vérité est que Son Eminence a montré des signes de peur, même de sa propre ombre.

Devons-nous nous préparer au pire? Il semblerait que oui. Toutefois, il y a deux facteurs à prendre en compte.

Premièrement, même si François choisit des cardinaux parmi ceux qui lui sont ridiculement fidèles, la vérité est que les fidélités prennent fin lorsque leur objet disparaît. Comme on l’a dit, Bergoglio ne participera pas au prochain conclave. La mort dissoudra la loyauté de la mafia envers le porteño. Et de ce côté-là, rien n’a été dit.

Le second facteur est que les institutions, comme les êtres vivants, ont une tendance immuable à la survie, et chacun sait que l’Église, d’un point de vue purement humain, ne supporterait pas un autre pontificat comme celui de François. Bien au contraire. Il ne serait pas étrange que l’élection s’inscrive dans le mouvement du pendule et que, pour compenser les ravages de ces dernières années, un modéré ou un conservateur, versé en théologie et avec un peu de foi catholique, soit élu, par simple instinct.

Les émotions ne manqueront pas.

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