Les questions non éludables d’Andrea Gagliarducci. La récente opération que François a subie va évidemment bien au-delà de sa personne (cf. La santé de François: rien ne sera plus comme avant). Et dans son cas personnel, elle soulève un problème spécifique dans la mesure où il est un pape solitaire, qui décide seul, ne délègue à personne et cultive le secret. Qui gouverne(ra) l’Eglise, s’il n’est pas mesure de le faire pour des raisons de santés?

Le Pape à l’hôpital Gemelli hier dimanche 11 juillet

Pape François, vers le déclin du pontificat?

Andrea Gagliarducci
Monday Vatican
12 juillet 2021
Ma traduction

Angélus à Gemelli

Comme d’habitude, le pape François a pris le mois de juillet comme mois de vacances. Le pape ne va nulle part. Il reste à Sainte Marthe pour lire, étudier et peut-être planifier quelque chose, comme la réforme de la Curie, qui doit maintenant être finalisée en octobre. En juillet dernier, le pape a également subi une opération programmée du côlon. Le diagnostic officiel est celui d’une diverticulite. Le pape a été opéré le 4 juillet et est resté à l’hôpital pour être suivi et récupérer ses forces.

Il est vrai que le rétablissement n’est pas facile : le Pape aura 85 ans en décembre, un morceau de son poumon a été enlevé quand il était jeune, et l’anesthésie pour une opération qui – selon le bulletin du Bureau de presse du Saint-Siège – a duré trois heures peut avoir un impact considérable sur le corps. De plus, le Bureau de presse du Saint-Siège a fait savoir qu’avec l’opération, un morceau d’intestin a été retiré, ce qui constitue un traumatisme supplémentaire dont il faut se remettre.

La nouvelle de cette opération s’ajoute à d’autres informations datant de janvier dernier, lorsque le pape François n’a pas présidé la messe du dimanche de la Parole de Dieu, ni les vêpres à la fin de la semaine de prière pour l’unité des chrétiens, en raison d’une sciatique. Toujours pour la même raison, le traditionnel discours de Nouvel An aux membres du Corps diplomatique a été reporté.

Après les événements de janvier dernier, le pape François a répondu par un activisme renouvelé, poursuivant avec détermination un voyage dangereux et exigeant en Irak, où il s’est montré dans toute sa vigueur. Et ce n’est peut-être pas une coïncidence si l’hospitalisation – que le pape n’a pas annoncée à l’Angélus – est survenue après que François ait confirmé son voyage en Hongrie et en Slovaquie début septembre.

Il convient toutefois de noter que le pape François a connu deux épisodes difficiles du point de vue de la santé au cours de l’année écoulée. Il est évident qu’avec l’âge, l’endurance diminue. Mais il est également normal que les signes du déclin du pontificat suscitent diverses questions.

La première est la plus simple : qui est responsable au Vatican lorsque le Pape est malade et incapable d’exercer ses fonctions gouvernementales ? En réalité, le pape n’aurait de toute façon pas eu d’activités publiques en juillet, mais il est également vrai que le gouvernement de l’Église se poursuit, vacances ou pas.

Le pape François a centré toutes les décisions sur lui-même. Tout passe par lui, et tout doit lui être rapporté, surtout lorsqu’il s’agit de décisions cruciales. Le pape François a une façon bien à lui de garder tout sous contrôle. Depuis le début de son pontificat, il a voulu rencontrer personnellement les nonces, a eu plusieurs conversations privées, même avec des évêques mineurs, et a eu d’innombrables réunions privées dans la Domus Sanctae Marthae.

Le Pape fait confiance au jugement de certaines personnes et s’appuie largement sur leurs briefings. Mais il prend toujours les décisions lui-même. C’est ce qu’il a fait, par exemple, lorsqu’il a autorisé des perquisitions à la Secrétairerie d’État et à l’Autorité de renseignement financier du Vatican en octobre 2019, mettant en place un processus sommaire, qui est un type de processus qui n’est fait que lorsque le monarque prend des décisions.

Nous ne devons pas nous leurrer avec un récit qui prétend que le pape n’est pas au courant de ce qui se passe autour de lui. Au contraire, le pape François est informé et approuve toutes les initiatives critiques. L’ignorance présumée fait également partie de la stratégie : les erreurs ne sont pas attribuées au pape. Elles pourraient pourtant être ses erreurs, car le pape François est toujours attentif et impliqué.

Tout cela pour dire que l’hospitalisation du Pape François ne peut être considérée comme une question secondaire. Il y a une machine vaticane qui continue à fonctionner mais qui ne peut pas prendre de décisions importantes. Jean-Paul II avait constitué une équipe, à laquelle il déléguait toutes les décisions en toute confiance, ce qui a été crucial dans la (longue) période de sa maladie, puis lors de son agonie finale. Mais le pape François n’a pas d’équipe, et il n’a même pas fait confiance aux gens de la Curie. La politique consistant à changer tous les ecclésiastiques de la Curie après un maximum de deux mandats de cinq ans a en outre isolé efficacement le pape. Il n’y a pas de garde-barrière entre le pape et ses interlocuteurs, ni de secrétaires puissants qui gèrent et connaissent son emploi du temps. Personne ne peut aider le Pape dans son travail. Le Pape François est seul Pape, et un seul Pape commande.

Il est donc logique de se poser des questions. Le séjour d’hospitalisation du Pape François ne devrait pas durer plus de dix jours, dans une période où traditionnellement il n’y a pas d’activités. Mais que pourrait-il se passer si cette hospitalisation se prolongeait ou si le Pape avait besoin d’autres périodes d’hospitalisation ? Qui commanderait au Vatican ?

D’autres questions se posent alors. Sans l’impulsion du Pape François, quelqu’un aurait-il le courage de prendre une initiative personnelle, avec le risque que le Pape, une fois de retour, la rejette ?

Pour l’instant, tout est centré sur la santé du pape. Sa santé précaire est un élément à prendre en compte pour l’avenir. Non pas qu’il faille déjà penser à un nouveau pontificat – même si certains le font, comme cela s’est toujours produit – mais il nous faudra comprendre comment le pape François va changer sa façon de gouverner. Moins de réunions, plus de procurations devraient être la ligne de conduite, mais pas pour le pape François, qui ne voudrait jamais être faible. Il a fait preuve, jusqu’à présent, d’une remarquable maîtrise de soi. Il s’est entouré d’une machine à communiquer qui a toujours gardé la plus grande confidentialité sur son état de santé.

En réalité, la maladie du Pape n’est pas la fin d’une époque. Cependant, elle peut être le signe d’un certain changement. Et ce changement affectera aussi l’avenir de l’Église, tant dans le prochain conclave que dans le gouvernement de l’Église jusqu’au prochain conclave.

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