Pendant que le gouvernement amuse les Français avec un chèque dérisoire de 100 euros censé compenser leur perte de pouvoir d’achat et calmer leurs velléités de révolte [(1)], des anti-passe sanitaire défilent inlassablement et joyeusement toutes les semaines dans toutes les grandes villes de France, dans le silence unanime complice des médias qui ne font même plus semblant (voir ici). En Italie, le même peuple libre et joyeux se dresse contre le Green pass. Les manifestations de Trieste inspirent de très beaux accents à Paolo Gulisano: il n’hésite pas à évoquer la Révolution française et les dictatures communistes du XXe siècle (côté pouvoir), Soljenitsyne, les Vendéens, le chevalier de Charrette (côté révoltés). Mais aussi les «Insurrections» populaires qui ont éclaté spontanément en Italie de 1796 à 1799 contre les idées révolutionnaires, défendues par les élites.

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Trieste, l’ultime Insurrection

Ces derniers jours, beaucoup ont observé Trieste avec une grande attention. Si l’information officielle a tenté de minimiser d’abord puis de diaboliser la manifestation sur les quais du grand centre portuaire, en parlant d’abord de « quelques centaines » de manifestants, puis en cherchant par tous les moyens – en vain – la présence de « violents », de « fauteurs de troubles », les canaux d’information de la dissidence, utilisant principalement des vidéos réalisées avec leurs propres moyens, avec des téléphones portables, ou les rares médias libres, nous ont fait connaître une réalité bien différente. Nous avons appris à connaître le visage et la voix – avec le magnifique accent triestin typique – de Stefano Puzzer, porte-parole et leader de la manifestation des dockers. Nous avons pu voir les scènes de violence impitoyable perpétrées contre les manifestants pacifiques. Nous avons vu et entendu de nombreux témoignages, devant lesquels chaque conscience a pu porter son propre jugement sur ces événements.

Pour beaucoup, les images de canons à eau, d’escadrons de police en tenue de combat, ont fait resurgir des souvenirs du monde tel qu’il était avant 1989, avant la chute du mur de Berlin. Le monde des régimes communistes. Certains ont rappelé, en voyant les grues du port de Trieste, les chantiers navals de Gdansk de 1980, lorsque la fin du communisme a commencé grâce à la protestation des travailleurs polonais.

Cependant, il y a une autre année 89 qui m’est personnellement revenue en mémoire face aux événements de Trieste. 1789, la Révolution française, et surtout son appendice italien, lorsqu’en 1796 la Révolution franchit les Alpes et tente de prendre possession des États de la Péninsule. Une tentative, celle des trois années 1796-99, qui a vu la réponse non pas tant des différents États pré-unitaires, dont beaucoup étaient faibles et gouvernés par des élites favorables aux idées révolutionnaires et parfois de connivence avec elles, mais du peuple. Le peuple a répondu par l’autodéfense, légitimée par le droit de se défendre, de défendre sa famille, son village et surtout sa foi.

De la Calabre à Vérone, de la Toscane à la Romagne, ainsi que dans des régions limitrophes de l’Italie comme le Tyrol, naissent les Insurrections, un mouvement spontané du peuple, que certains historiens, notamment Francesco Mario Agnoli, le plus autorisé, définissent comme le mouvement populaire le plus important et le plus concerté de l’histoire de l’Italie. Selon un autre historien, Massimo Viglione, une estimation prudente évalue le nombre d’insurgés à au moins 280 000 et leurs morts à 70 000.

L’historiographie officielle a nié ou méprisé les Insurrections, les considérant comme une régurgitation réactionnaire d’un monde ancien qui refusait d’accepter le changement et l’avancée du nouveau. En réalité, les plus lucides des Insurgés comprenaient parfaitement que ce « nouveau » était en fait ancien. Monstrueusement ancien. Les mots de l’un des chefs légendaires du premier de tous les soulèvements européens, la Vendée, région de l’ouest de la France qui s’est battue vaillamment pour défendre ses droits et ceux de Dieu, le chevalier de Charette, sont frappants :

« Il est vieux comme le diable, le monde qu’ils disent nouveau et qu’ils veulent fonder sans la présence de Dieu […]. Mais face à ces démons qui renaissent chaque siècle, nous sommes la jeunesse. Messieurs ! Nous sommes la jeunesse de Dieu.

*

(Cité dans M. de Saint Pierre, Monsieur de Charette chevalier du Roi, La Table Ronde, Paris 1977, p. 15)

L’un des jugements les plus lucides et les plus appropriés sur ces événements a été exprimé en 1993 par le grand intellectuel russe Alexandre Soljenitsyne, protagoniste de la saison héroïque de la « Dissidence », c’est-à-dire du mouvement culturel, civil et religieux qui s’est opposé à la dictature communiste dans l’ancienne Union soviétique, le payant avec les camps de concentration, la torture et la mort. En commémorant les milliers de victimes de la Révolution française, qui devait servir de modèle à d’autres révolutions encore plus sanglantes qui allaient plus tard dévaster le monde, dont celle qui a détruit sa patrie, Soljenitsyne a dit:

« Les événements historiques ne sont jamais pleinement compris dans l’incandescence des passions qui les accompagnent, mais à bonne distance, quand ils sont refroidis par le temps. Pendant longtemps, on a refusé d’entendre et d’accepter ce qui était crié de la bouche de ceux qui sont morts, qui ont été brûlés vifs : les paysans d’une terre laborieuse, pour lesquels la Révolution semblait avoir été faite, mais que cette même Révolution opprimait et humiliait jusqu’à l’extrême limite, eh bien, ces mêmes paysans se sont révoltés contre elle ! Les contemporains avaient bien compris que toute révolution déchaîne parmi les hommes les instincts de la barbarie la plus élémentaire, les forces opaques de l’envie, de la rapacité et de la haine. Ils ont payé un très lourd tribut à la psychose générale ».

Charrette parlait devant ces événements, face à la psychose collective induite par la Révolution, face aux démons qui renaissent chaque siècle, et comme le héros vendéen avait raison! Aujourd’hui, les vieux démons se sont déchaînés grâce aux nouvelles technologies et tentent d’imposer ce qu’Aldo Maria Valli appelait le « despotisme partagé ». Biotechnologies sanitaires, contrôle numérique, sans négliger les vieux systèmes violents, comme les coups.

Peut-être que Stefano Puzzer, lorsqu’il se promenait ces derniers jours sur la Piazza Unità en disant Lori ga i manganelli, noi ndemo avanti per amore (Ils ont des bâtons, nous avançons par amour), ne se rendait pas pleinement compte qu’il était le digne héritier de Charette. En regardant les bannières de Saint Michel Archange et de la Sainte Vierge, les chapelets serrés dans les grandes et fortes mains des dockers, la ressemblance avec les soulèvements anti-jacobins est de plus en plus évidente.

Bien sûr, comme on l’a fait remarquer à juste titre, il est arrivé un peu de tout dans cette magnifique ville d’Europe centrale au cours des derniers jours : une sorte de dernière frontière, un dernier bastion où les types de personnes les plus divers ont afflué. Volontaires de la liberté et du droit, mais aussi défenseurs de l’être humain face à l’agression de la révolution transhumaniste, la plus pernicieuse de toutes les révolutions, un défi arrogant lancé directement contre Dieu et l’homme. Et même : contre l’humain, contre la créature, en haine du Créateur. De même que les raisons ultimes des soulèvements n’étaient pas de défendre à tout prix les anciennes dynasties, mais de défendre la foi chrétienne, de même aujourd’hui la question prioritaire pour laquelle on se bat dans la garnison de Trieste est la défense de l’homme et de Dieu. Comme le disait saint Jean Bosco, « la seule vraie lutte dans l’histoire est pour ou contre l’Église du Christ ».

Les banderoles et les chapelets ne sont donc pas du simple folklore, ils sont les symboles d’une identité authentique, qui semblait déjà avoir été enterrée par la Modernité et qui refait surface dans une postmodernité dystopique.

La motivation première des Insurrections ne fut pas économique ou sociale, mais religieuse, puisque la plupart d’entre elles ont éclaté avant que le peuple puisse constater la dégradation de ses conditions et comprendre la fausseté des promesses révolutionnaires. Aujourd’hui, c’est le contraire qui se produit : ceux qui sont descendus dans la rue contre un certificat sans lequel les gens ne peuvent pas travailler, ne peuvent pas se déplacer librement, ne peuvent pas entrer dans certains environnements et sans lequel – peut-être par décision des héritiers des Prêtres assermentés de la Révolution, fidèles à la Constitution civile du clergé – ils ne pourront pas assister à la messe, ce sont ceux qui voulaient simplement défendre le droit au travail et qui ont aujourd’hui retrouvé leurs racines.

De Trieste, ville italienne (Guareschi l’appelait la capitale morale du pays) mais aussi ville Habsbourg, héritière d’une tradition de culture et de civilisation qui a dû subir l’attaque violente et meurtrière de la franc-maçonnerie, laquelle n’a pas hésité à déclencher le brasier de la Première Guerre mondiale pour voir détruire l’Empire autrichien, dernier héritage du Saint Empire romain germanique, un signe d’espoir arrive ces jours-ci. Le soulèvement de Trieste nous indique que le régime du biodespotisme n’a pas encore gagné.

Ceux qui ont afflué dans la capitale julienne [Trieste est en effet la capitale de la région du Frioul-Vénétie Julienne] l’ont peut-être fait pour de multiples raisons, pour des raisons sociales, presque même par une sorte d’esprit d’aventure, mais Trieste est aujourd’hui le symbole d’une humanité plurielle qui ne renonce pas. Le bastion doit tenir : il doit être soutenu, il doit être renforcé. Surtout, l’importance de l’enjeu doit devenir de plus en plus claire.

Le pouvoir ne s’attendait probablement pas à cette flambée de révolte, et a tenté de l’étouffer par la force. Il n’a pas réussi. Il n’est maintenant pas exclu qu’il cherche un autre type de stratégie, plus sournoise, mais aussi dans ce cas aussi vieille que le diable : diviser pour régner. C’est-à-dire, essayer de diviser le front de la dissidence, soit par des menaces, soit par des flatteries. Les cœurs et les esprits des insurgés doivent donc être plus forts, plus fermes et plus clairs. Beaucoup regardent vers Trieste ces jours-ci avec un espoir impatient. Ils ne doivent pas être déçus.

(1) NDR: « Tiens môme, pour tes cigarettes »

Cela m’a fait penser à une « réplique-culte » mise dans la bouche de Françoise Rosay par le génial dialoguiste Michel Audiard dans le film « Le cave se rebiffe » (1961): dans cette scène, Françoise Rosay reçoit un commissionnaire envoyé par Jean Gabin pour la récupération de ramettes de papier destinées à la fabrication de faux billets. tout à fait à la fin de cette brève séquence, elle lui balance à la figure une coupure de 100 francs de l’époque avec un sarcastique: « Tiens, môme, pour tes cigarettes ».
C’est tellement drôle et les occasions de rire sont si rares en ce moment) que je ne résiste pas à la tentation de reproduire l’extrait vidéo (même s’il n’a qu’un rapport éloigné avec l’article)

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