C’est l’évêque de Passau, Mgr Oster [nous l’avons croisé assez souvent] . La première impression est qu’il le défend du bout des lèvres, allant jusqu’à admettre que le Saint-Père a fait des erreurs en tant qu’archevêque de Münich (ce qui est très contestable: il est de toute façon utile de répéter qu’on ne peut pas juger avec les mêmes critères qu’aujourd’hui des faits survenus il y a 40 ans, voir l’interview du card. Müller), même s’il admet que l’ « erreur » a probablement été commise par un collaborateur maladroit. Mais une lecture plus attentive révèle une vénération filiale de sa part, et un souci d’être objectif (toute autre attitude serait immédiatement disqualifiée par les ennemis de Benoît XVI comme hagiographique) et surtout du côté des victimes – concession à l’esprit du temps, certes, mais surtout à la vérité, si chère à Benoît XVI qu’il en a fait sa devise épiscopale.

Il était là ! Et c’était déjà connu.

Je trouve très intéressant d’observer comment le débat se concentre sur le pape émérite Benoît XVI à la suite de la présentation du Rapport de Münich.

Quand je suis devenu évêque de Passau en 2014, je suis en même temps devenu « l’évêque d’origine » de Benoît. Il est né chez nous, Altötting, le lieu qu’il a toujours désigné comme sa « patrie spirituelle », se trouve dans notre diocèse. Sa maison natale se trouve à Marktl, où de nombreuses personnes préservent sa mémoire d’une manière particulière, avec beaucoup d’engagement et de cœur. Et maintenant, cette histoire si médiatisée avec le prétendu mensonge d’un homme de 94 ans.

Clic!

J’ai consulté la volumineuse biographie de Peter Seewald « Benoît XVI – Une vie » parue en 2020 et j’ai été surpris : à la page 938 [ndt: page 1051 de l’édition en italien, voir ci-contre; à noter qu’à ce jour, le livre n’a pas été traduit en français, no comment] , les recherches précises et minutieuses de l’auteur révélaient que l’archevêque Joseph Ratzinger était présent lors de la séance décisive de 1980, lorsqu’il s’est agi d’accueillir à Munich le [prêtre] pédophile H. du diocèse d’Essen [mais Seewald, ce n’est pas l’évangile!!! ndt]. Et l’archevêque a accepté la demande que H. puisse suivre une thérapie à Munich. Les recherches de Seewald avaient donc déjà révélé la participation de Ratzinger. Mais cela signifie que la participation de Benoît XVI à ce processus fatal était documentée publiquement depuis longtemps, avant même que Maître Ulrich Wastl ne présente cette participation comme une nouveauté à l’opinion publique mondiale. De même, il était déjà connu que cette séance ne concernait pas une intervention de H. dans la pastorale, mais son séjour à Munich pour une thérapie.

Sur les erreurs du système

Or, dans les 82 pages de la réponseau Rapport de WSW [du nom du cabinet d’avocats Westpfahl Spilker Wastl, ndt], qui portent la signature de Benoît et qui ont plus le caractère d’un mémoire de défense juridique que le niveau linguistique, intellectuel et spirituel habituel de Ratzinger, nous lisons qu’il n’était justement pas présent à cette séance. Une erreur fatale, car le cabinet WSW a ainsi pu prouver le mensonge [!!!] de Benoît dans une affaire décisive pour tous. La correction publique succincte apportée par Benoît peu après à ce sujet, en parlant d’une « erreur » lors du « traitement rédactionnel », montre clairement que le pape émérite de 94 ans s’était manifestement appuyé sur des collaborateurs qui ont justement commis une erreur décisive sur un point crucial.

De mon point de vue, l’intention de faire paraître le pape émérite (et son ministère) le plus irréprochable possible face à toutes les accusations possibles par des moyens juridiques est trop évidente dans ces interventions. Malheureusement, une telle tentative n’est plus guère efficace aujourd’hui – surtout après nos expériences d’apprentissage en matière d’abus. Nous faisions et faisons tous partie d’un système – et l’archevêque Ratzinger aussi à l’époque. Et dans ce système, il n’y a effectivement eu pendant trop longtemps presque aucun intérêt pour le sort concret des personnes touchées par les abus et peu de connaissances sur leurs histoires. Cela ne vaut d’ailleurs pas seulement pour les ordinariats épiscopaux, mais aussi pour les communautés religieuses (je viens moi-même de l’une d’entre elles), qui sont organisées selon des structures très différentes de celles des ordinariats.

Sur les manquements et la volonté d’éclaircir les choses

Les trois autres cas que le Rapport de WSW impute à Joseph Ratzinger en tant que faute témoignent donc, selon moi, d’un traitement habituel à l’époque de ces questions et des personnes impliquées, et « habituel » ne signifie pas que l’on puisse trouver cela bien aujourd’hui. Le cardinal Marx a tout de même déclaré dans sa déclaration publique après la lecture du Rapport de WSW qu’il ne pouvait pas affirmer que Benoît avait voulu dissimuler. Moi non plus. Bien sûr, cela ne tient toujours pas compte des conséquences de certains manquements pour les victimes. C’est pourquoi j’attends avec impatience la nouvelle intervention de Benoît sur le Rapport de WSW. Car Joseph Ratzinger a vu depuis longtemps que nous avions tous besoin d’apprendre, et que nous avons toujours besoin d’apprendre, par rapport aux personnes concernées dans notre Église. Plus encore : il a été l’un des premiers à le reconnaître à Rome – et en tant que cardinal, il a aidé de nombreuses personnes à mieux le voir – par des mesures concrètes et efficaces et par de nombreux entretiens avec des personnes concernées et un jugement sévère sur les coupables (voir la lettre pastorale à l’Église en Irlande de 2010). Et tout cela malgré des résistances non négligeables au Vatican. A un moment donné, j’ai remarqué que Benoît parlait plus souvent de « survivants » que de « victimes » ou de « personnes concernées » – parce qu’il savait à quel point les abus subis peuvent littéralement mettre la vie en danger et avoir des effets dévastateurs dans la vie d’une personne.

La création d’un scandale et l’impression personnelle

Seulement, le scandale provoqué par ce prétendu « mensonge » rejaillit aujourd’hui pleinement sur l’homme de 94 ans dans les médias et vise à discréditer l’ensemble de son œuvre.

Je voudrais dire à ce sujet : je suis très reconnaissant d’avoir pu rencontrer Benoît personnellement à plusieurs reprises au cours des dernières années depuis que je suis devenu évêque, après avoir toujours lu avec beaucoup de joie et de profit ses écrits théologiques et spirituels au cours des nombreuses années précédentes. C’est un homme doté d’un grand esprit et d’une foi confiante et enfantine. Un homme d’une grande profondeur spirituelle et d’une grande clarté, avec beaucoup d’humour et une réelle capacité d’écoute. Je l’aime donc vraiment et je le vénère en tant qu’homme, en tant que théologien et en tant qu’homme d’Église. Je voudrais donc demander : si vous et moi aimons personnellement un homme – et que nous voyons qu’il a commis une erreur dont il est responsable (je laisse ouverte la question de savoir si elle lui est personnellement imputable, voir ci-dessus), voudrions-nous l’exposer publiquement au piloris? Comme le font actuellement de larges pans de l’opinion publique interne et externe à l’Église ? Jusqu’à exiger, de mon point de vue, qu’on lui retire même sa citoyenneté d’honneur ? Quels sont les motifs qui poussent quelqu’un à agir de la sorte ? Benoît dérange-t-il tout simplement ? Si oui, pourquoi ? Ou veut-on frapper l’Eglise dans son ensemble en s’en prenant à l’un de ses protagonistes les plus éminents ? Ou bien veut-on discréditer, au sein de l’Église, une certaine figure ou conception de l’Église avec Benoît, parce que l’on veut une toute autre Église que celle qu’il représente ? Et rend-on vraiment justice à la personne, à l’homme, en portant un jugement moral global aussi expéditif sur sa vie dans l’esprit d’une opinion publique excitée et d’une conception de la morale qui y domine ? Ou s’agit-il simplement d’un nouvel exemple dans le jeu incessant d’une culture de l’indignation médiatique devenue entre-temps habituelle, qui sera suivi dès le lendemain par le prochain épisode?

En tout cas, je voudrais dire personnellement : je vois la ou les erreurs, je vois le vieil homme et je vois le travail qu’il a accompli tout au long de sa vie (y compris dans la lutte contre les abus sexuels au sein de l’Église !) – et mon estime pour lui, objectivement fondée, reste inchangée. Et personnellement, je l’aime toujours autant. Même après coup, les rencontres avec lui me sont toujours précieuses. Et à mes yeux, il est toujours l’un des plus grands fils de l’Église de Passau |c’est bien modeste!!] – et il le restera.

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