François a accepté de participer à Che tempo che fa? (« quel temps fait-il? ») un talk show populaire de la télévision publique (j’imagine que son présentateur, Fabio Fazio, est une sorte de Cyril Hanouna à l’italienne) à une heure de grande écoute. Ajoutant ainsi son nom à une longue liste de célébrités, parmi lesquelles Bill Gates, Emmanuel Macron, Greta Thunberg, Antonio Fauci , Barack Obama, j’en passe, et des plus gratinés. Stefano Fontana y voit non pas une anecdote mais une affaire sérieuse, illustrant la désacralisation du Ministère Papal, qui s’est accélérée ces derniers temps avec l’arrivée du Pape venu du bout du monde. Et sur un ton nettement plus léger, AM Valli s’en donne à cœur joie: son pastiche du Bollettino de la Salle de Presse est un régal!

Voici un pape (et ce n’est pas un trucage)

Le Pape chez Fabio Fazio, c’est sérieux

Stefano Fontana
https://lanuovabq.it/it/il-papa-da-fazio-un-caso-serio

L’apparition annoncée du pape François demain soir dans l’émission de la RAI « Che tempo che fa » dénote une déconsécration marquée de la papauté, une confusion totale entre le sacré et le profane, et une incapacité à comprendre le sens du sacré.

La participation demain soir du Pape François au prochain numéro de l’émission de la RAI « Che tempo che fa » animée par Fabio Fazio est une affaire plus sérieuse qu’il n’y paraît et que les sarcasmes critiques les plus faciles ne l’ont considérée. En fait, elle dénote une sécularisation (ou déconsécration) accentuée de la papauté. Pendant la révolution communiste en Chine, Mao faisait défiler les mandarins nus pour montrer leur ridicule faiblesse, une fois débarrassés de leurs robes de cérémonie solennelles et descendus des sièges du pouvoir hiératique.

Pourtant, c’est Karl Marx, dont Mao disait s’inspirer, qui critiquait la désacralisation imposée par le capitalisme dans le Manifeste communiste : « Tout ce qui a de la consistance s’évapore, tout ce qui est sacré est déconsacré, et les hommes sont finalement contraints de considérer leur position dans la vie et leurs relations mutuelles avec un regard désenchanté ». Mais le marxisme, et peut-être SURTOUT le marxisme, a aussi contribué à ce désenchantement, puisque pour lui tout ce qui n’est pas matériel est superstructure, c’est-à-dire enchantement, conte de fées pour enfants, jusqu’à ce qu’ils se réveillent de l’enchantement. Max Weber a décrit ce désenchantement du monde moderne et l’abandon du sacré, vu comme un conte de fées enchanté.

Je me souviens qu’en 2003, le nom de Jean-Paul II a fait couler beaucoup d’encre à propos de la candidature au prix Nobel de la paix. À cette occasion, j’ai écrit un article dans lequel je disais que j’espérais que cela ne se produirait pas. Non pas parce que Jean-Paul II ne le méritait pas, mais parce que, de cette façon, il serait placé au même niveau que les autres prix Nobel de la paix, alors que le pape est quelque chose de différent, il a un lien avec le sacré que les autres n’ont pas. En 2003, il était encore possible de considérer l’attribution du prix Nobel de la paix à un pontife comme une désacralisation, mais il faut maintenant le faire pour « Che tempo che fa » : comme on peut le constater, le processus de sécularisation de la papauté se poursuit à un rythme soutenu.

Et cela ne s’arrête pas :  » Nous sommes passés de la domination du sacré à l’invasion du profane dans la vie du sacré et à l’éviction du sacré lui-même  » écrivait le Père Cornelio Fabro en 1974, parlant de l’aventure de la théologie progressive. Pie XII se plaignait qu’à son époque les paroles du pape dans ses sermons ordinaires, n’appartenant donc ni au magistère solennel ni au magistère authentique, n’étaient pas prises avec une déférence religieuse, car il y voyait une attitude irrévérencieuse à l’égard de l’investiture sacrée de l’autorité papale.
Pie XII nous reprocherait-il aujourd’hui de ne pas prendre avec déférence religieuse les paroles que François prononcera chez Fabio Fazio, où rien ne peut être pris avec déférence religieuse vu qu’il n’y a pas d’émission de télévision plus irréligieuse ? Mais si les paroles du pape ne peuvent être accueillies avec une révérence religieuse, à quoi bon ? Est-ce Bergoglio qui va chez Fazio, ou est-ce le pape? Dans cette question, il y a déjà une allusion à toute l’évolution de la sécularisation de la papauté.

Identifier le « sacré » à l' »enchantement » et la sécularisation au « désenchantement » est typique des idéologies modernes des Lumières qui considèrent la religion comme un conte de fées pour enfants. Les origines de cette sécularisation moderne du sacré se trouvent dans le luthéranisme, qui sépare la raison et la foi et admet ainsi une foi déraisonnable, c’est-à-dire enchantée. Penser à séculariser la papauté en la débarrassant de sa supposée aura d’enchantement, c’est ne pas avoir compris le sacré. Le profane a besoin du sacré, qui est le lieu de refuge pour éviter la sacralisation du profane. Le sacré permet au profane d’être profane, le temple permet à ce qui est hors du temple d’être hors du temple sans se dissoudre et sans vouloir jouer au sacré.

Le sacré, lui, a besoin d’être caché pour ne pas être profané. Il a besoin de son propre langage pour ne pas être vulgarisé. Il doit être protégé afin de ne pas être dégradé. Depuis Jean XXIII, lorsqu’une caméra vidéo est entrée dans l’appartement papal et que le cameraman a dit au pape de faire semblant de prier, tandis que quelqu’un d’autre remarquait que, malheureusement, le blanc de sa soutane gâchait l’image, un processus a commencé, non pas incontrôlable mais incontrôlé. Surtout lorsque la sécularisation de la papauté n’a plus été considérée comme un moyen pastoral de diffuser le message chrétien à un public plus large et d’atteindre même les personnes éloignées, mais est devenue constitutive du fait d’être pape.

Après le tournant anthropologique, on ne doit plus dire Dieu mais homme, et être François passe par être Bergoglio. La sacralité passe par le profane. Entre histoire sacrée et histoire profane, disent les théologiens aventuristes, il n’y a plus de différence et, par conséquent, pas non plus entre le palais apostolique et un poste de télévision, le trajet de l’un à l’autre passant par Sainte Marthe. S’il n’y a plus de balustrade séparant l’Église du monde, entre le presbytère et le peuple, pourquoi ces séparations entre sacré et profane devraient-elles encore être appliquées ? Pourquoi un pape ne pourrait-il pas aller chez Fabio Fazio comme n’importe quel autre quidam?

Communiqué de la salle de presse de Fabio Fazio PP

Bollettino de la salle de presse de Fabio Fazio PP

Communiqué

Le Bureau de presse de Fabio Fazio PP [le suffixe PP est associé au nom du Pape en latin: par ex., François est « Franciscus PP », ndt] annonce que Jorge Mario Bergoglio/François sera reçu en audience le dimanche 6 février, à partir de 20h00, dans la salle Che tempo che fa de la chaîne de télévision Rai Tre.

Pour l’occasion, l’audience sera retransmise en direct à la télévision.

Parmi les thèmes au centre de l’audience, on trouve le dialogue, l’écoute, la miséricorde, l’écologie, le bien commun, le devoir moral de se faire vacciner et de payer ses impôts [allusion au discours du Pape aux agents du fisc romains le 31 janvier dernier].

Le Bureau des célébrations liturgiques de Fabio Fazio PP prévient que pour accéder à cette audience, il sera nécessaire, outre le respect des normes sanitaires en vigueur, de porter l’habit mental approprié. Des huissiers et des officiels seront disponibles pour l’évaluation appropriée de la documentation et de la tenue vestimentaire.
Le personnel de la sacristie de Fabio Fazio PP fournira toutes les informations nécessaires et, en même temps, désinfectera les personnes, les objets et toute idée selon les besoins.

Les organistes et les violonistes qui souhaitent solenniser l’événement sont priés de communiquer leurs coordonnées à la préfecture de la Maison Fabio PP, afin que des places appropriées puissent leur être attribuées.

Quant aux rumeurs selon lesquelles la Congrégation pour les Causes des Saints a entamé une cause de béatification de Jorge Mario Bergoglio/Pape François, le bureau de presse de Fabio Fazio PP ne fait pas de commentaire pour le moment, mais assure que, en cas de procès canonique, des informations autorisées et ponctuelles seront fournies.

Il n’est pas exclu que, lors de l’audience accordée à Jorge Mario Bergoglio/Pape François, Fabio Fazio PP puisse être proclamé Docteur de l’Eglise bergoglienne. Dans ce cas, le personnel de la sacristie fournira à toutes les personnes présentes des doses supplémentaires d’encens.

Enfin, le service de presse de Fabio Fazio PP annonce qu’au moment de l’échange des cadeaux, Fabio Fazio PP rendra hommage à son hôte de marque en remettant à Jorge Mario Bergoglio – François un exemplaire de son œuvre complète intitulée Il conformista assoluto.

La salle de presse de Fabio Fazio

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