Les commentaires à l’arrêt de la Cour suprême des Etats-Unis restreignant l’avortement ont quelque chose de glaçant, et de profondément blessant pour la « démocratie » (alors qu’ils n’ont que ce mot à la bouche, avec leurs prétendues « valeurs » qui en sont en réalité la négation) par leur unanimité, aussi bien politique que médiatique. Au minimum, on devrait avoir le droit, sinon le devoir, de se poser des questions, de débattre. Mais la chape de plomb du politiquement correct bâillonne toute opinion dissidente, et pour le moment, elle y réussit pleinement. Je ne parle pas même pas des journalistes, leur inculture crasse peut leur tenir lieu d’excuse, et ils n’ont rien compris aux enjeux politiques qui les dépasse. Mais a-t-on entendu un politicien « de droite » s’exprimer avec conviction pour défendre l’arrêt? Non (au moins en ce qui me concerne – j’ai peut-être raté quelque chose). Et c’est un motif de découragement légitime, n’en déplaise à ceux qui tentent de voir une lueur d’espoir dans la décision des juges américains. Voici sur le sujet l’article très émouvant de Renato Farina, un journaliste italien qui est pourtant loin d’être un dangereux extrémiste, il cite même le pape !!
L’arrêt de la Cour suprême des États-Unis d’Amérique ne m’excite pas spécialement. L’avortement est un crime contre la personne. Je ne vois pas pourquoi je me réjouirais si, après un demi-siècle, marqué par des centaines de millions d’avortements, une poignée de juges décidait à la majorité que l’avortement n’est pas un droit. Cette décision fait descendre dans la rue les dites féministes, représentantes autoproclamées de toutes les femmes. Je ne pense pas que ce soit un triomphe du Bien contre le Mal, disons que c’est un but en faveur du Bien, après une quantité de pénalités sifflées en faveur du Mal par des arbitres intéressés.
Piero Laporta
Les implications morales pour le croyant ne changent pas, quoi qu’en dise un juge terrestre : l’avortement est un crime égal, voire pire, que le meurtre. Sur cette sentence, le seul texte vraiment touchant que j’ai lu était de la plume de Renato Farina.
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https://www.marcotosatti.com/2022/06/26/piero-laporta-la-sentenza-sullaborto-e-liineffabile-pochezza-del-salvini/
Vie et fédéralisme : l’Amérique retrouve ses valeurs
Renato Farina
Libero Quotidiano (via korazym.org)
25 juin 2022
La Cour suprême des États-Unis, l’équivalent de notre Conseil constitutionnel, mais encore plus solennelle parce que ceux qui en font partie y siègent jusqu’à la tombe, a statué que selon les principes sur la base desquels la nation américaine multiforme et multiculturelle est née, le droit à l’avortement n’existe pas, et que ceux qui l’ont introduit dans le passé ont commis une erreur. Tout d’abord, parce qu’il viole un droit qui vient en premier : celui à la vie du petit être qui bat dans le ventre de la femme, et qui n’est pas une émanation de celle-ci, même si à tous égards il en dépend. Cette « chose », que l’on appelle fœtus même si personne ne l’appelle ainsi lorsqu’on touche ce ventre, est un « autre » qui se trouve dans ta maison, maman, et personne ne peut t’autoriser à le tuer.
Le pape François, qui n’est certainement pas un bigot et qui ne pardonne rien à ceux qui sont incapables de pardonner, qualifie de tueurs ceux qui pratiquent l’avortement, ce qui constitue l’application la plus épouvantable de la culture du déchet (scarto). Il ne s’agit pas d’une question catholique, mais d’une question de science et de conscience. De raison et de cœur. C’est un fait qu’en Occident, mais probablement aussi en Orient, il y a eu une mutation anthropologique radicale, l’évidence de la réalité n’est plus telle. Il n’y a plus de primauté du regard mais de l’émotion. Celui qui n’a pas de voix n’a donc aucune chance de susciter une émotion. Le cri de son accouchement ne traverse pas les murs de l’utérus, et il est incapable – comme c’est aussi le cas pour les nouveaux-nés – d’exprimer ses pensées sur le sujet. Mais il y a une force énorme et documentée dans cette petite créature à naître. Ce morceau de chair et de sang, avec ses petits doigts, nage dans les eaux de sa mère, et tente désespérément de sauver sa vie face à la chimie qui veut le dissoudre ou aux pinces du médecin qui veulent le mettre en pièces.
Il y a des images qui sont irréfutables et qui subissent une censure absolue. Hier soir, elles n’ont été diffusés dans aucun Journal Télé. Il n’y a pas un seul site web appartenant aux grands groupes d’édition italiens et internationaux qui ait, je ne dirai pas approuvé la sentence, mais reconnu sa dignité. Pas même un petit « peut-être » minimal ne s’est échappé des bouches verrouillées en signe de protestation et des stylos alignés en phalange dans une sorte de conformisme bien intentionné. L’histoire – dit le chœur de notre tragédie – ne peut pas revenir cinquante ans en arrière. Quelle est l’unité de mesure de la valeur des années ? Réaffirmer solennellement le droit à la vie, non pas en général, mais précisément celle que vous, vous étiez en herbe, c’est avancer, ce qui ne se mesure pas en années mais en puissance d’une lumière qui s’est perdue on ne sait où.