Dans son dernier article, Andrea Cionci, qui défend inlassablement la thèse – très documentée mais certainement discutable – selon laquelle Jorge Bergoglio n’est pas le vrai pape, et que Benoît XVI n’a jamais renoncé à son rôle et à son titre, mais seulement à l’exercice de son ministère et  nous le fait comprendre à travers une communication sophistiquée que le journaliste appelle « code Ratzinger », se réjouit: le livre-enquête qu’il a écrit sur le sujet (qui devrait être traduit bientôt en français) fait enfin l’objet d’une recension dans la presse écrite italienne.

Le charme est enfin rompu : dimanche 31 juillet, la critique de « Codice Ratzinger » sur la page culturelle de Libero a brisé l’embargo médiatique, du moins sur [les médias] papier, sur « l’affaire du millénaire ». Grâce à l’intérêt et à la participation des lecteurs, le livre de l’enquête menée sur cette page web, publié par Byoblu il y a tout juste deux mois, figure déjà parmi les best-sellers nationaux. On peut s’étonner du silence éloquent de la presse mainstream, mais, pour dire les choses crûment, on peut comprendre : une fois que l’imposture ultime sera exposée, tout le reste s’effondrera.

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Andrea Cionci

Le pape François n’est pas le Pape? La théorie choc de « Codice Ratzinger »

Gianluca Veneziani
www.liberoquotidiano.it

Le texte est construit comme une architecture parfaite dans laquelle chaque élément soutient et explique l’autre, dans une impeccable suite de cause à effet. Bien sûr, il est permis et même légitime de ne pas être convaincu par la thèse du livre et de ne pas croire au scénario qu’ouvrirait le plan choc révélé dans cette enquête. Mais le soin apporté à la forme et au fond, combiné à son message explosif, contribue à expliquer pourquoi Codice Ratzinger (ndt: le livre, en italien, est disponible sur amazon.fr, 340p, 22€) d’Andrea Cionci est devenu un succès éditorial, si l’on considère qu’il est publié par une petite maison d’édition, Byoblu : plus de 5.000 exemplaires vendus en seulement deux mois, pendant plusieurs jours deuxième dans les listes des best-sellers, et toujours premier parmi les livres d’investigation les plus vendus.

Et un intérêt international croissant qui le conduira à être traduit en quatre langues : anglais, français, allemand et espagnol [?]. Malgré les diverses formes d’obstructionnisme qui, dans de nombreuses librairies, conduisent les acheteurs à s’entendre dire « Le texte n’est pas disponible », alors qu’il est toujours possible de le commander.

Mais il faut le comprendre. Ce qui est dérangeant, c’est le contenu même du livre, dont la thèse de base peut être résumée comme suit : Ratzinger est toujours le seul pape, Bergoglio est le pontife illégitime, ou plutôt l’anti-pape. Et ce concept ne repose pas sur des théories de conspiration fumeuses, mais sur l’interprétation (amphibologique, c’est-à-dire souvent à double sens) de documents et de déclarations de Benoît XVI, à commencer par la Declaratio du 11 février 2013, l’acte par lequel Ratzinger aurait formalisé sa démission. Il l’aurait fait, car, selon Cionci – qui s’appuie sur l’avis de théologiens et de juristes faisant autorité – dans cette communication Benoît XVI n’a jamais renoncé à son rôle et à son titre, mais seulement à l’exercice de ses fonctions.

MUNUS ET MINISTERIUM

Tout tourne autour de la différence entre les termes munus et ministerium, tous deux présents dans la Decalaratio et traduits par  » ministère « . Si nous lisons bien le texte original, nous découvrons que Ratzinger déclare « renoncer au ministerium de l’Evêque de Rome », c’est-à-dire à « faire le Pape » [fare il Papa, le français ne connaît pas cette nuance, il serait intéressant de savoir si elle est présente en allemand, la langue maternelle de Benoît XVI, donc celle dans laquelle il pense], mais il n’abdique jamais son « être Pape » (le munus), se limitant à dire que « mes forces ne sont plus aptes à exercer adéquatement le munus pétrinien ».

Benoît XVI reste donc pape, même s’il renonce à ses fonctions. Il ne devient pas non plus pape émérite, c’est-à-dire « pape retraité » (l’institution est juridiquement inexistante), mais émérite au sens de distingué, « habilité » à être pape.

Ceci, avertit Cionci, est clair dans deux autres passages de la Declaratio s’ils sont traduits correctement. Ratzinger utilise le verbe vacet non pas pour parler d’une «sede vacante» indiquant le siège papal prêt à accueillir un nouveau pontife après le conclave, mais d’un siège « libre, vide », tel du fait que son titulaire légitime n’est pas présent, mais que celui qui l’occupe en devient l’usurpateur. Il s’agit du concept d’un « siège empêché » par des facteurs internes et externes (les ennemis de Ratzinger au Vatican qui se mutinent contre son pontificat, et les puissances qui lui sont hostiles en dehors de l’Église) qui invalide toute élection de successeurs supposés du pape.

Ce concept serait explicité dans le passage final de la Declaratio où Ratzinger parle de la convocation d’ « un Conclave pour l’élection du nouveau Souverain Pontife par ceux dont c’est la compétence ». Ici, Benoît XVI n’utiliserait pas l’expression générique « cardinaux », pare qu’il se référerait uniquement aux cardinaux légitimes, nommés avant 2013, par Ratzinger ou Wojtyla, à l’exclusion des illégitimes nommés par le nouveau pontife « présumé » (François). Ou, explique Cionci, il pourrait faire allusion à la possibilité que « ce soit la communauté des croyants, l’Église des catacombes, qui nomme le nouveau pape, comme cela s’est produit aux origines du christianisme ». Par cet acte, Ratzinger garantirait donc une véritable Église catholique, mais qui se trouve désormais « en dehors de la synagogue ». À cela s’ajoute le fait que la communication de Benoît XVI a eu un effet différé (il a quitté le trône pontifical 17 jours plus tard) et n’a pas été confirmée par une renonciation écrite formelle le jour de son adieu, le 28 février : ces deux aspects contribueraient à invalider sa prétendue renonciation à la papauté.

VÉRITÉS VOILÉES

Thèse de religion-fiction? On a le droit de le penser. Mais Cionci défend la validité de l’idée, en s’appuyant sur les communications de Benoît XVI, écrites et prononcées dans un langage qu’il appelle le « Code Ratzinger », fait de non-dits et de vérités à peine voilées, mais jamais de mensonges. Benoît XVI aurait concocté un « canular » génial, tournant en dérision ceux qui s’opposaient à lui et qui l’ont ensuite mal compris. D’où l’utilisation de quelques astuces rhétoriques, plus ou moins explicites : par exemple, dire que « le pape est unique », sans jamais préciser lequel, ou écrire « aucun pape n’a démissionné au cours des mille dernières années et au premier millénaire, c’était une exception » : une référence à ces deux papes du premier millénaire qui ont été évincés précisément par des antipapes.

Nous gardons des doutes quant à l’interprétation de certains messages (voir celui qui mentionne explicitement la « fin du pontificat »), quant à savoir si des cardinaux ont remarqué ce plan papal, et quant à son efficacité. A supposer que cela soit vrai, quelles sont les chances qu’à la mort de Benoît XVI, les cardinaux qui lui sont loyaux viennent grossir une Eglise « refondée » proclamant son successeur ? Nous craignons qu’elles soient minces. Quel serait alors l’intérêt du code Ratzinger ?

Mais il est également juste de se demander pourquoi personne n’a jamais démenti l’auteur, pas même Benoît XVI lorsque Cionci lui a écrit une lettre…


Annexe: présentation de l’éditeur

L’institution du « pape émérite » – juridiquement – n’existe pas et, depuis neuf ans, Benoît XVI répète : « Il n’y a qu’un seul pape »… mais il n’explique jamais duquel il s’agit. Dans la Declaratio avec laquelle il a  » démissionné  » en février 2013, les latinistes faisant autorité ont immédiatement identifié des erreurs et des imperfections de syntaxe, mais le pape Ratzinger a déclaré trois ans plus tard : « J’ai écrit la Declaratio en latin pour ne pas faire d’erreurs ». Est-il possible que toutes ces bizarreries proviennent d’un théologien extrêmement cultivé et adamantin et d’un latiniste raffiné ? Et si le pape Benoît voulait vraiment abdiquer, pourquoi continuerait-il à vivre au Vatican, à porter la soutane blanche, à conserver le nom pontifical et les autres prérogatives d’un pontife régnant ? Après deux ans d’enquête, patiemment menée par l’auteur à travers plus de 200 articles dans les journaux Libero, ByoBlu, RomaIT, cette gigantesque mosaïque a été lentement réassemblée, pièce par pièce. Le scénario qui se déroule est stupéfiant, d’une importance millénaire, et n’a été démenti par personne, pas même par le Saint Père Benoît XVI lui-même. Par sa forme subtile de communication logique, le « Code Ratzinger », le pape nous réconcilie avec le Logos, la raison qui dévoile la vérité, et nous fait comprendre sa situation canonique qui aura des effets dévastateurs. Un livre-enquête pour les laïcs et les croyants, pour tous ceux qui sont amoureux de la vérité.

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