Il n’est pas question ici de mettre en doute la bonne foi de ce brave curé qui est sans doute animé des meilleures intentions mais qui n’emprunte pas forcément la bonne voie (et le musicien compositeur chrétien Aurelio Porfiri apporte les rectifications nécessaires). Ce qui est plus choquant, c’est le parti-pris du pape qui avait évidemment une intention bien précise, et qui a choisi de téléphoner à CE prêtre – par ailleurs très médiatisé, semble-t-il – , l’instrumentalisant ainsi peut-être à son insu. François n’aime pas le populisme en politique, mais lui-même, se rend-il contre qu’il se vautre littéralement dans le populisme, par ce genre d’initiatives?

(*) Ça swingue à la Curie

Quand la culture dominante mange la culture catholique

Maestro Aurelio Porfiri
Stilum Curiae

La nouvelle du coup de téléphone du pape François à don Michele Madonna, un curé napolitain, a fait grand bruit. Voilà comment Ansa [la principale agence de presse italienne] raconte l’épisode :

« Le coup de téléphone a eu lieu le jeudi 4 août, mais jusqu’à présent, don Michele – très actif sur les réseaux sociaux – n’a pas voulu raconter en public cet épisode, qui a été divulgué aujourd’hui par le petit cercle de collaborateurs qui en ont pris connaissance. Le pape s’est entretenu avec le curé de paroisse, lui demandant des précisions sur ses activités – qui, ces derniers mois, ont été largement rapportées par les médias, pas seulement catholiques – et lui conseillant de le tenir informé de son travail à l’avenir.
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Don Michele Madonna, né en 1974, est devenu prêtre à l’âge de 30 ans. Fils d’un propriétaire de discothèque, il a été DJ jusqu’à l’âge de 23 ans et adresse désormais de nombreuses initiatives pastorales aux jeunes et aux « éloignés » en dehors des schémas traditionnels, comme les confessions organisées le long des rues du quartier, précisément pour atteindre ceux qui ne fréquentent pas habituellement l’église. Sa zone est populeuse et difficile : dans le district de Montesanto, le mois dernier, l’épisode de la fillette de 12 ans scarifiée au visage par son ex-petit ami de 16 ans a fait sensation. Parmi les initiatives non conventionnelles, citons la ‘rave chrétienne’, où les jeunes dansent jusqu’à l’aube sur de la musique chrétienne remixée dans le style de la musique disco, en alternance avec des moments de prière ».

Maintenant, une rave, c’est quoi ? C’est un rassemblement libre, caractérisé par une musique rapide et percutante sur laquelle les gens dansent pendant des heures, accompagnés d’alcool et de drogues. C’est une manifestation typique où se déchaîne le côté dionysiaque de la musique, cet appel à une nature primitive, ancestrale et sauvage qui, à mon avis, ne pourra jamais être conciliée avec l’annonce chrétienne. Tout ne peut pas être christianisé et l’argument selon lequel cela attire les jeunes ne tient pas la route. Même les films pornographiques attirent les gens, verrons-nous un jour un porno chrétien ? Dans Il Mattino, don Michele a donné une interview dans laquelle, interrogé sur l’utilisation de rave, qui en apparence (et pas seulement) est tellement éloigné de l’Église, il a dit :

« J’ai voulu trouver un mot percutant, aussi parce que le mot ‘rave’ signifie délire. Bien sûr, on ne peut pas s’approcher de la religion, mais c’est un moyen d’attirer les jeunes qui ne vont pas à l’église. Je veux leur présenter une personne qui peut vraiment colorer leur vie, leur donner le bonheur que les jeunes recherchent, mais trop souvent de la mauvaise manière. Cette personne pour moi, c’est Jésus-Christ ».

Cela ne semble-t-il pas très confus ? Il dit d’abord qu’on ne peut pas s’approcher de la religion, que le mot est synonyme de délire, mais passant outre tout cela, il dit qu’il voulait trouver un moyen d’attirer les jeunes. Mais s’il sait qu’il ne peut pas s’approcher de la religion, pourquoi l’a-t-il fait ? Sans compter que les effets de cette musique ne sont pas seulement le divertissement, mais une excitation presque orgiaque qui n’a rien à voir avec le christianisme. Dans la même interview, lorsqu’on lui demande ce que pense son archevêque Battaglia, il répond : « Il m’a donné son accord. Un message est arrivé du modérateur de la Curie à tous les curés du diocèse pour les informer de la manifestation. Le responsable de la pastorale des jeunes du diocèse sera également présent et a invité de nombreux jeunes à participer. Nous marchons d’un seul cœur et d’une seule voix ».

Maintenant, je ne pense pas que les commentaires soient nécessaires.

Je voudrais dire que je comprends ce désir d’aider les jeunes dans des zones difficiles comme celle dans laquelle travaille don Michele. Il y a tellement de prêtres qui se donnent du mal pour arracher les jeunes à une vie de violence. Pour cela, il faut les féliciter et les soutenir. Mais on peut certes critiquer la méthode utilisée qui, au lieu de leur montrer une alternative aux pièges du monde, les plonge dans la confusion sur ce qui est bien et ce qui est mal. Même en utilisant des chansons chrétiennes aux paroles éventuellement édifiantes, on ne tient pas compte du pouvoir de la musique, qui n’est pas neutre. Si vous mettez une musique sensuelle avec les paroles d’un psaume, la musique agit en elle-même et les paroles passent au second plan. D’ailleurs, les paroles de ce genre de musique ne sont que des prétextes à la musique elle-même.

Je le répète, j’apprécie le zèle de don Michele, mais il me semble que nous sommes sur une voie complètement erronée.

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