La disparition d’Elisabeth, saluée par les médias avec une unanimité suspecte (était-ce de leur part le tribut à quelqu’un dont, à leurs yeux, la principale qualité était DE NE JAMAIS AVOIR RIEN DIT?) a suscité un vaste mouvement populaire de curiosité et de sympathie (après tout, la Reine est un people comme les autres), parfois teinté de nostalgie et d’admiration – dont il faut toutefois exclure une frange de récalcitrants, plutôt classés à droite, qui ont mis l’accent sur la face sombre de la monarchie britannique et les accointances du nouveau roi avec le Nouvel Ordre mondial et le Great Reset , dont il est « l’un des plus actifs promoteurs » (mais c’est un autre débat). Paradoxalement, une sorte de pause bienvenue, donc, dans un monde dominé par la peur et par une inquiétude alimentée par une information désespérante. Ces réactions à chaud ne devraient pas occulter un autre aspect, qui va bien au delà de l’anecdote, et que souligne ici Marcello Veneziani. Il se réfère en premier lieu à la situation particulière de l’Italie, en pleine campagne électorale, avec la prétendue « menace fasciste » brandie par les médias; mais sa réflexion trouve évidemment un écho chez nous. Et Mélenchon est loin d’être la seule référence.

Vive Dieu, patrie et famille made in UK.

Marcello Veneziani
14 septembre 2022

God save the King, Dieu sauve le Roi. Sans y prendre garde, nous avons suivi pendant des jours sur les télévisions du monde entier la représentation civilisée et royale de ce que signifie « Dieu, la patrie et la famille » on the road, sur la route.

La mort de la reine Élisabeth, le deuil et l’ascension du roi Charles III, les rappels solennels de la religion, de la tradition, du patriotisme et de la famille, l’alternance des lieux sacrés et civils, entre les rites de la cathédrale Saint-Paul et du palais de Buckingam, l’invocation shakespearienne des armées d’anges pour accompagner le repos de la reine, l’insistance émue sur sa « dévotion » et son « dévouement » et la promesse de son fils Charles, aujourd’hui chef de l’Église anglicane, de continuer sur ses traces, l’hymne chanté par le peuple invoquant la bénédiction divine sur le roi, que sont-ils sinon des expressions cohérentes et chorégraphiées d’une vision du monde centrée sur Dieu, la patrie et la famille et la continuité de la tradition ? Bien sûr, il n’y a pas que cela, il y a aussi la liberté, la constitution, le progrès, le respect des peuples, mais ces valeurs trouvent finalement leur plus grande légitimité dans ces principes.

Changeons de décor et revenons chez nous, à la campagne électorale. Nos joyeuses commères de Windsor [ndt: Merry Wives of Windsor], qui suivent les rites britanniques et la succession de la famille royale sur le trône, et s’étonnent d’entendre les gens scander God save the King, et tombent amoureux du patriotisme des autres, sont les mêmes qui, jusqu’à hier, insultaient, vilipendaient et se moquaient de tous ceux qui disaient vouloir se référer aux principes de Dieu, de la patrie et de la famille.

Le « la » avait été donné par la jeune chef d’orchestre Beatrice Venezi, laquelle, dans une controverse avec Monica Cirinnà [ndt: membre du Parti démocrate, sénatrice, son nom est associé aux débats sur le PACS à l’italienne, dont elle a été rapporteur de la loi] qui avait vomi sur les trois principes, revendiquait au contraire Dieu, la patrie et la famille comme guide de sa vie. Apriti cielo [qu’avait-elle dit là!!]. Et voilà repartie la chasse contre les bigots bellicistes et homophobes qui se sont rassemblés autour de Giorgia Meloni, affirmant en chœur qu’il s’agit d’un slogan d’empreinte clairement fasciste. Beaucoup jetaient leurs excréments sur ces principes et leurs partisans, établissant un lien direct avec le fascisme. Ouvertement ou par allusion, beaucoup prenaient parti : de Bergoglio à l’inévitable Cirinnà, … du prieur Enzo Bianchi à Emma Bonino (en vérité, la critique la plus posée a été celle de Bonino ; la plus inconvenante et la plus intolérante celle du moine).

Pour commencer, Dieu, la patrie et la famille n’est pas un slogan, encore moins un slogan électoral ; ne le souillons pas en le jetant avec les factures de gaz et les dérapages budgétaires. Deuxièmement, ce n’est le fascisme qui l’a inventé (…) Dieu, la patrie et la famille, ce sont les principes fondamentaux sur lesquels repose la civilisation. Au fil de l’histoire, on a vu s’exprimer en son nom des exemples merveilleux et d’autres brutaux, de grands témoins et martyrs et d’infâmes persécuteurs et imposteurs, mais ces principes (pas des slogans, mais des principes) sont la base de toute civilisation. Bien sûr, ils doivent être traduits dans les formes et les langages de l’époque, mais ils sont le fil d’Ariane pour ne pas se perdre dans la nuit.

Dans leur traduction politique, ils sont le manifeste de tout mouvement qui s’inspire de la Tradition, qui a à cœur la civilisation et qui se réclame du conservatisme dans le combat politique. Bien sûr, on peut être conservateur sans être croyant, un conservateur pragmatique, voire un atlantiste. Mais le fondement d’une vision conservatrice passe par ces principes. Ce qui ne veut pas dire défendre de manière rigide un passé, une vision théocratique, patriarcale et chauvine. Mais être conscient que toute communauté naît autour d’une vision spirituelle, ouverte au sacré, au rituel et au divin ; autour d’un lien social et territorial partagé, qui constitue l’essence de l’amour patriotique ; et autour d’un lien originel avec la famille, pères, mères, enfants, frères. Après, dans la vie des hommes, il y a mille contradictions, et ceux qui disent croire en ces principes les trahissent peut-être ensuite en chemin. Mais il faut compter avec l’imperfection humaine et les trahisons de l’histoire et de la vie.

Passant outre les anathèmes, deux objections me semblaient plus raisonnables. L’une d’entre elles est qu’individuellement, Dieu, la patrie et la famille peuvent très bien convenir, mais qu’ensemble, ils constituent un arsenal inquiétant. Et si c’était exactement le contraire qui était vrai ? Toutes les sociétés autour d’une seule valeur deviennent fanatiques : si Dieu est tout sur terre, les sociétés deviennent fondamentalistes, cléricales et théocratiques ; si la Patrie est tout, elles dégénèrent en ethno-nationalisme jusqu’au despotisme militaire ; si la Famille passe avant tout, elles dégénèrent en familisme égoïste et mafieux. Au contraire, les trois principes se tempèrent mutuellement, ils sont des projections et des protections de la vie personnelle et sociale, à travers lesquels chacun s’abrite de l’excès de l’autre. Sans eux, c’est l’égoïsme, le profit, les instincts qui prévalent.

L’autre objection est que ce sont des obligations qui étouffent la liberté individuelle. En réalité, nous avons besoin de liens et de liberté et ne pouvons renoncer à l’un au nom de l’autre, ni vice versa. Et puis les liens ne sont pas des chaînes, l’esclavage : Aristote expliquait déjà que les esclaves n’ont pas de liens mais sont mobiles, flottants, interchangeables, peuvent être utilisés n’importe où et de différentes manières, réduits à des outils, à des choses. L’homme libre, en revanche, a des liens et des obligations ; la noblesse oblige, disait-on, le rang entraîne davantage d’obligations. Les liens sont le signe d’une vie pleine de relations humaines, de droits et de devoirs mutuels, d’affection, d’attention et de loyauté. Les liens améliorent la vie, ils sont inclusifs. Leur déni est le mal, l’esclavage, la dépendance totale.

La seule véritable objection est leur difficile traduction dans notre présent, le risque qu’ils restent seulement rhétorique ou fiction, de se contenter de substituts. Mais les risques ne sont pas une raison pour révoquer ou effacer les principes fondateurs, et encore moins pour les tourner en dérision et les fouler aux pieds.

Respect, même de la part de ceux qui ne les reconnaissent pas.

Que Dieu sauve le pays, la famille et la décence.

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