Après la mort de la Reine, c’est vraiment un changement d’époque, et même la fin d’un monde. Evidemment, parmi les médias mainstream, aucun ne l’a relevé – et il est probable qu’ils ne l’ont même pas remarqué, tellement la religion est pour eux un fait insignifiant. Il est plus important pour eux de souligner qu’il est « issu de l’immigration » (mais attention, le nouveau premier ministre n’est pas un pauvre immigré, comme on pourrait le supposer à une lecture hâtive). Mais comment se situe Rushi Sunak sur le plan des valeurs non négociables? Eh bien… il s’en lave les mains, tout simplement. Explications de Stefano Magni pour La Bussola.

Rushi Sunak, pour la première fois un premier ministre non-chrétien

Stefano Magni
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Rishi Sunak est le nouveau premier ministre britannique conservateur. C’était une conclusion inévitable et même prévisible : le match pour le contrôle du parti et du gouvernement se jouait entre lui et Liz Truss. Truss a gagné, puis a démissionné, maintenant c’est le tour de Sunak. Que peut-on attendre de l’ancien chancelier de l’Échiquier (à peu près l’équivalent de notre ministre de l’économie) du gouvernement Johnson?

Les conservateurs sont profondément divisés, sur le fond. Le changement constant de dirigeants signifie également cela : il n’y a pas d’accord, même sur les valeurs fondamentales. Primauté de l’État ou primauté du marché et de la société ? Défense des valeurs traditionnelles (y compris les principes non négociables) ou adhésion à la modernité relativiste ? Opposition à l’idéologie verte ou lutte contre le réchauffement climatique ? Les tentatives de synthèse, telles que celles explorées par David Cameron jusqu’en 2016, se sont largement révélées être un abandon du conservatisme sur de nombreux fronts. Truss a été la première dirigeante qui a tenté d’aller à contre-courant, en redécouvrant le conservatisme classique, et elle a fini en un rien de temps. Pour cette raison, Sunak est beaucoup plus susceptible d’accélérer le chemin vers la « modernité ».

Tout d’abord, sur le plan économique, les Britanniques doivent s’attendre à une vague d’austérité. La réduction d’impôts proposée par Truss est désormais considérée par la presse spécialisée comme la principale cause du choc violent sur les marchés qui a conduit à sa chute rapide. Promettre de réduire les impôts et, dans le même temps, d’augmenter les dépenses publiques était certainement imprudent, mais il n’est pas dit que la réaction des marchés était due à la réaction politique. Il y aurait des crises chaque fois qu’un gouvernement augmente les dépenses liées à la dette, partout dans le monde, mais normalement cela ne se produit pas. Pas si violemment. En tout cas, le message qui est passé est le suivant : ceux qui réduisent les impôts, ceux qui se soustraient aux règles de l’austérité et ceux qui mettent tous leurs œufs dans le panier de la croissance sont condamnés à « subir la punition » des marchés. Sunak a qualifié la politique économique de sa rivale de « conte de fées » dans un sens péjoratif, il va maintenant prendre sa revanche. Mais à l’heure de l’inflation et du coût élevé de la vie, une politique d’austérité pourrait également précipiter le Royaume-Uni dans la récession.

Le véritable point de friction, cependant, pourrait bien porter sur les principes non négociables, paradoxalement ceux sur lesquels les électeurs conservateurs sont les plus unis. La presse, ainsi que l’establishment de gauche, décrivent Sunak comme un réactionnaire : « Les archives montrent que Sunak n’a jamais voté sur l’égalité des droits concernant le mariage homosexuel et n’a jamais voté pour permettre aux malades en phase terminale de recevoir des soins pour mettre fin à leur vie ». Sunak a « presque toujours » voté contre les mesures visant à prévenir le changement climatique et a « généralement voté contre » les lois visant à promouvoir l’égalité et les droits de l’homme au Royaume-Uni », peut-on lire sur le site web de l’association Each Other.

Ceux qui s’intéressent aux votes de Sunak sur les principes non négociables, en particulier sur l’avortement et l’euthanasie, notent sa forte tendance à s’en laver les mains. Quand il n’est pas totalement absent au moment du vote, il opte pour l’abstention. Le registre de vote analysé par Right to Life est une longue séquence de non-choix. Sauf dans un cas, lorsqu’il a voté en faveur de l’avortement, pour l’Irlande du Nord, avec l’ensemble du parti.

Et c’est là que réside la caractéristique qui le rend unique dans l’histoire des gouvernements britanniques. On lit souvent qu’il est le premier Indien au gouvernement, une sorte de revanche après des siècles de colonialisme. (Mais curieusement, la gauche ne se réjouit pas, au contraire, elle pointe du doigt la richesse du  » maharaja du Yorkshire »).

Mais nous ne lisons presque jamais qu’il est le premier ministre non chrétien de toute l’histoire britannique. Quatre premiers ministres du vingtième siècle ont perdu la foi : David Lloyd George, Neville Chamberlain, Clement Attlee, James Callaghan. Mais ils ont tous été élevés dans un environnement chrétien. Un seul premier ministre est né juif et a été baptisé à l’âge de 13 ans : Benjamin Disraeli, ministre de la reine Victoria, l’architecte de la plus grande expansion de l’Empire britannique. Personne avant Rishi Sunak n’avait jamais été, de naissance, étranger au christianisme. Sunak est hindou, il a remporté la compétition le jour de Diwali, la fête des lumières. Nous saurons bientôt ce que cela signifie pour le Royaume-Uni, mais en attendant, cela marque la fin d’une époque.

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