C’est un titre qui résonne comme un oxymore (François/providentiel, cela paraît surréaliste), qui a été choisi pour illustrer une réflexion en forme de provocation du blogueur argentin The Wanderer: selon lui (on n’est pas obligé d’être d’accord, ou on peut ne l’être qu’en partie) François a mis à nu, et porté au grand jour, la catastrophe du Concile Vatican II qu’il impute à ses prédécesseurs, et qui aurait continué à être cachée, comme on cache la poussière sous le tapis, si le candidat « conservateur » Scola avait été élu..

François, un Pape providentiel

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C’est un sujet auquel nous revenons toujours d’une manière ou d’une autre. Et que le passage des années vérifie l’hypothèse que nous avons avancée dans ce blog quelques mois après le 13 mars 2013 : François est un pape providentiel.
Le pape n’est pas choisi par l’Esprit Saint; le pape est choisi par les cardinaux qui peuvent être plus ou moins disposés à suivre les grâces divines. C’est cela la liberté, les cardinaux ne la laissent pas aux portes de la Sixtine quand ils vont voter. Ils l’emportent avec eux, et ils votent ce qu’ils veulent.

Cela ne signifie pas que le cours de l’histoire et celui de son Église échappent à Dieu. Il est le Seigneur de l’histoire et le Logos est la tête de l’Église. Rien n’échappe à son dessein et, pour cette raison même, le pontificat d’un mécréant comme Bergoglio ne peut pas non plus lui échapper.

Comme le rapportait l’indispensable Specola [le formidable blogueur du portail Info Vaticana qui fait quotidiennement une revue de presse exhaustive de l’actualité vaticane, ici il reprend un article de 2021 de De Mattei, ndt] il y a quelques jours, commentant une enquête qui vient d’être publiée en italien [« La Mafia de Saint-Gall » de Julia Meloni], avec la mort imminente de Jean-Paul II, le groupe de Saint-Gall a commencé à bouger fermement :

Le cardinal Murphy-O’Connor était en contact avec le cardinal Bergoglio et l’a présenté au groupe comme un possible candidat anti-Ratzinger. Martini était son plus grand adversaire grâce aux informations qu’il recevait de l’intérieur de la Compagnie de Jésus. Et lors du conclave de 2005, le cardinal Martini a annoncé au cardinal Ratzinger qu’il mettrait ses voix à sa disposition.

Cependant, lors du conclave de 2013, Martini était déjà hors jeu, et deux candidats s’affrontaient alors : un Ratzingerien, c’est-à-dire conservateur, le cardinal Angelo Scola, et un progressiste, délégué de la mafia saint-galloise, le cardinal Bergoglio. Et bien que la plupart des cardinaux soient conservateurs, Scola était le pire candidat qui aurait pu être choisi pour représenter cette faction : il était italien, et il n’y avait aucune chance que le collège sacré élise un Italien au pontificat. Les Italiens ont fait trop de dégâts dans l’Église au cours des dernières décennies ; il suffit de penser à des noms comme Bertone, Sodano ou Silvestrini. La candidature de Scola a été une très grave erreur de Benoît XVI, très caractéristique de celui-ci : il n’a jamais eu l’œil pour choisir ses assistants, ni la volonté de les licencier lorsque leur vrai visage était révélé.

Mais, à mon avis, Scola était aussi le pire candidat pour d’autres raisons. Ceux qui parcourent les couloirs de la curie ambrosienne [Scola était archevêque de Milan] disent que peu avant d’entrer dans le conclave, il avait déjà fait imprimer les bulletins de vote avec sa signature de pontife romain. Il avait choisi de se faire appeler Paul VII. Un programme assez terrifiant, si l’on se souvient du sinistre […!] pontificat de Montini, un intellectuel et archevêque de Milan comme Scola. Avec l’hypothétique Paul VII, nous aurions continué avec les souliers rouges, la mozetta et même la fourrure de lapin ; avec des encycliques et des discours soigneusement rédigés et avec un plafond à caissons théologique qui continuerait à dissimuler le véritable désastre dans lequel l’église s’est trouvée et se trouve encore après Vatican II. Cela aurait été plusieurs décennies d’agonie supplémentaires, à suturer la plaie encore et encore afin d’empêcher les leurs – surtout les leurs – de voir l’état terminal de l’infection.

Bergoglio, en revanche, a exposé en peu de temps la situation catastrophique pour ce qu’elle était réellement. Sa personnalité clinquante, ses manières paillardes, son ignorance quotidiennement documentée et, surtout, son arrogance ont été une gifle pour ceux qui l’ont salué comme le pontife qui allait enfin appliquer en profondeur les réformes conciliaires. Et ils avaient fait un bon calcul : l’Église que Bergoglio représente est l’Église conciliaire ; l’Église des ordres religieux et des congrégations moribondes, des séminaires désertés, de la confusion doctrinale, de la corruption enracinée dans une bonne partie de l’épiscopat et du clergé, de la dissolution et de la perte de la foi, de l’insignifiance sociale, des églises démolies ou vendues par manque de fidèles, de la désacralisation liturgique, etc…

Personne avec un minimum de sincérité intellectuelle ne peut nier cette situation, et personne ne peut faire semblant d’être distrait et dire que le Concile n’y est pour rien : nous en voyons les fruits soixante ans après sa célébration. Et force est de constater qu’il y a de moins en moins de négationnistes. Pour une raison ou une autre, je reçois constamment des témoignages de prêtres et d’évêques à ce sujet. Et quand j’ai participé à des réunions auxquelles assistaient de jeunes clercs qui ne pouvaient en aucun cas appartenir à des groupes traditionalistes ou conservateurs, j’ai été surpris par la clarté de leur pensée, leur critique claire du pontificat de Bergoglio et, surtout, par leur foi. Il y en a peu, très peu, qui croient encore au discours franciscain, et parmi ces quelques personnes, une bonne partie le fait pour faire carrière et obtenir un poste confortable et climatisé pour passer la chaleur de l’été, comme c’est le cas du prêtre éco-paroissial dont nous avons parlé il y a peu.

Pour cette raison même, Dominus conservet eum. Que Dieu accorde au pape François une longue vie et qu’il soit parmi nous pour quelques années encore, afin que tout le pus qui reste puisse s’écouler, que la plaie soit cautérisée et que l’Église, faible et affaiblie comme tous les convalescents, se remette lentement de l’impasse dans laquelle elle a été placée par l’imprudence des cinq derniers pontifes.

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