L’histoire du dernier empereur d’Autriche, Charles de Habsbourg, est mal connue (je n’ose pas renvoyer à une célèbre encyclopédie en ligne, elle ne m’inspire pas vraiment confiance sur le sujet, il faut sans doute chercher un peu plus loin), ou plutôt totalement ignorée par les manuels d’histoire. Quand on voit sa personnalité et sa biographie, on comprend pourquoi; et puis il appartient au clan des vaincus, et l’on sait que l’Histoire est écrite par les vainqueurs. L’occasion d’en parler est la sortie en Italie d’un livre qui lui est consacré (inutile d’avoir des dons de devin pour prédire que vous ne risquez pas de le lire en français, mais ce n’est pas cela qui est important ici). C’est Paolo Gulisano – que nous connaissons plutôt ici comme le « docteur Gulisano », médecin de terrain et intrépide pourfendeur de la narration officielle sur le covid – qui en parle ici. Il y est question d’une mystérieuse prophétie de Padre Pio, qui annonce le retour d’un Habsbourg sur son Trône (mais lequel?). On peut être sceptique. Mais il est permis de rêver un peu à des belles choses, et de contempler des figures lumineuses.

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  • Mort d’Otto de Habsbourg (10/7/2011): Traduction d’un article de La Bussola racontant l’histoire de cette famille de petite noblesse, venue de Suisse, et qui domina le monde. 

Les Habsbourg, l’Europe et cette prophétie de Padre Pio

Paolo Gulisano

Depuis quelque temps, on parle d’une prophétie « politique » attribuée à Saint Pio de Pietrelcina, une prophétie selon laquelle l’Italie devrait redevenir un Royaume, et non une République, avec le trône repris par un Savoie, qui serait un souverain juste, contrairement à ses ancêtres qui ont fait le Risorgimento en haine de l’Église. Mais il y a une deuxième partie de cette prophétie, à mon avis beaucoup plus importante, et elle concerne le retour des Habsbourg sur le trône.

Cette dynastie impériale catholique fut l’objet de la haine implacable de la franc-maçonnerie, qui voulut le gigantesque massacre de la Première Guerre mondiale dans le but principal d’en finir avec l’Empire austro-hongrois, dernière barrière à la propagation du projet maçonnique d’une nouvelle Europe. Il y a cent ans, le dernier empereur, Charles de Habsbourg, est mort en exil. Sa sainteté a été reconnue par l’Église, qui l’a proclamé bienheureux avec le pape Jean-Paul II le 3 octobre 2004.

La béatification a attiré l’attention des chrétiens sur un personnage qui semble aujourd’hui « hors du temps » et qui est pourtant un exemple des vertus d’un dirigeant chrétien. Mais l’histoire de Charles de Habsbourg, dont les descendants sont vivants, et dont certains pourraient réaliser la prophétie du grand saint de San Giovanni Rotondo, nous en dit beaucoup plus sur la grandeur spirituelle de l’homme, du mari et du père, du souverain.

Pour approfondir l’histoire du bienheureux Charles qui vit s’accomplir la Finis Austriae, une précieuse publication a récemment vu le jour, dont les auteurs sont Mauro Faverzani et Adolfo Morganti, journaliste et philosophe pour le premier, essayiste historique pour le second. Le titre est éloquent: Carlo I d’Asburgo, un Imperatore per l’Europa. La Massoneria europea contro l’Impero Asburgico.

Ce livre ne se limite pas à présenter l’histoire de Charles Ier de Habsbourg, et à rappeler les temps difficiles – ceux de la Première Guerre mondiale – dans lesquels son parcours humain s’est accompli, mais il se veut avant tout une biographie spirituelle, attentive à travers les faits historiques à la profondeur de l’aventure humaine et spirituelle du dernier empereur d’Autriche. À cette fin, une série d’appendices de témoignages sont présentés à la fin du texte.

Le jeune empereur Charles a dû vivre une époque tragique, celle qui a vu le déclenchement d’une guerre effroyable qui a redessiné (comme dans un great reset) la face du monde. Une guerre qui avait été précédée par des années d’euphorie et d’optimisme (la Belle Époque), de luxe et d’extravagance.

Du point de vue de la vie religieuse également, il existe une certaine analogie entre les premières années du XXe siècle et aujourd’hui. Déjà à l’époque, l’hérésie moderniste – aujourd’hui dominante dans les séminaires, les facultés de théologie, les journaux catholiques et les rangs du clergé – était l’objet de grande polémique. Déjà à l’époque, cette hérésie avait envahi de nombreux milieux catholiques, les infestant de l’esprit du monde.

Dans le domaine religieux, la grande différence entre l’époque de l’empereur Charles et la nôtre est que sur le trône de Saint-Pierre siégeait saint Pie X, qui a combattu le modernisme avec une extrême énergie. Et c’est sur la ligne du grand pontife vénitien qu’était Charles de Habsbourg. Il avait été éduqué au lycée bénédictin écossais, priait le chapelet quotidiennement, visitait les sanctuaires dédiés à la Sainte Vierge et, au début de la guerre en 1914, il avait fait graver sur son sabre Sub tuum praesidium confugimus, Sancta Dei genitrix.

Quand il revêtit la couronne de Saint-Étienne à Budapest en décembre 1916, il dit : « Être roi, ce n’est pas réaliser une ambition, mais se sacrifier pour le bien de tout le peuple ».

Cependant, la dimension la plus importante, qui montre comment la Providence opéra dans sa personne, est la manière dont l’empereur Charles s’est opposé à l’anticléricalisme maçonnique et à la laïcité, alors l’aspect le plus dynamique du processus révolutionnaire.

Comme on le sait, depuis le XVIIIe siècle, les loges maçonniques européennes rêvaient d’une société transnationale, au sein d’une fédération des États-Unis d’Europe. Le principal obstacle à ce projet était l’Église et la monarchie autrichienne.

Dans le livre de Faverzani et Morganti, il apparaît que le projet maçonnique des États-Unis d’Europe incluait la destruction de la monarchie catholique d’Autriche-Hongrie.

Les activités des francs-maçons contre l’empereur Charles se développèrent à partir de l’opposition aux tentatives de paix et à la révolution de novembre 1918. La décision finale de la franc-maçonnerie de liquider la monarchie austro-hongroise a été prise – selon ce que la veuve de l’empereur, Zita, a révélé – pendant le congrès eucharistique de Vienne en 1912 : un moment pour le moins blasphématoire. Mais Charles rejeta toutes les tentatives faites par la franc-maçonnerie pour le persuader de se ranger de son côté.

Charles était conscient qu’un État ne reçoit la bénédiction divine que s’il reconnaît Dieu dans sa législation et reste uni à la seule véritable Église.

Un signe encore plus clair de son espoir d’une future restauration du trône – qui fait partie intégrante de la prophétie politique de Padre Pio – furent les deux visites du consul anglais à Madère, demandant à Charles d’abdiquer en échange de grands avantages matériels pour lui-même et sa famille, ce qu’il refusa. La première fois, le consul informa Charles, au nom de la Conférence des ambassadeurs, que s’il abdiquait, il se verrait restituer tous ses biens et sa famille recevrait un soutien matériel de l’Angleterre. Si, en revanche, il refusait, il ne recevrait rien et, de fait, tout envoi d’argent pour son entretien serait interdit. Selon les déclarations de l’impératrice Zita dans la Positio super virtutibus [document du processus de canonisation, ndt], Charles répondit que sa couronne n’était pas à vendre.

La deuxième fois, le même consul menaça l’empereur Charles, au nom des puissances victorieuses de la Grande Guerre, que s’il était soupçonné de planifier une nouvelle tentative de restauration de la monarchie, il serait transféré dans un autre lieu et séparé de sa femme et de ses enfants. Cette fois encore, il resta inflexible. Il dit à l’impératrice : « Nous devons avoir confiance en Dieu ; le Sacré-Cœur de Jésus dirigera tout pour que la volonté divine, quelle qu’elle soit, s’accomplisse ».

L’exemple du bienheureux Charles est bien présent pour ses petits-enfants, pour ces membres de la Maison de Habsbourg qui pourraient, selon Padre Pio, remonter sur le trône. Oui, mais quel trône ? L’empire des Habsbourg en 1919 a été démembré et mis en pièces, et selon la devise chère à la franc-maçonnerie, « solve et coagula » [dissous et coagule], des états artificiels tels que la Tchécoslovaquie ou la Yougoslavie ont été créés avec eux, pour disparaître ensuite, sous le pontificat de Jean-Paul II, dont le nom, Karol, était un hommage de son père à Charles de Habsbourg.

Le grand espoir est donc qu’un membre de la glorieuse dynastie catholique puisse se mettre à la tête d’une nouvelle Europe, semblable à celle que ses ancêtres, eux-mêmes héritiers de la tradition du Saint Empire romain germanique de Charlemagne, avaient réalisée et gouvernée. Un rêve pour les chrétiens, un cauchemar pour les francs-maçons.

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