Quelles sont les leçons à tirer de la compétition achevée depuis moins de deux semaines et dont on ne parle déjà plus du tout? Ce commentaire du blog Wanderer est particulièrement intéressant car il vient d’un Argentin. Il constate (et c’est LA grande leçon) que le matraquage du politiquement correct, très prisé dans la microsphère des prétendues et auto-proclamées élites n’a pas « pris » dans le peuple. Et l’immense popularité de Messi est un véritable camouflet au progressisme mondial, puisque le joueur argentin est l’archétype de tout ce qu’ils détestent: blanc, viril, hétérosexuel, monogame, chrétien, etc. (en passant, Bruno Le Maire en prend pour son grade, et les Français aussi…)

Le triomphe de l’Argentine au Qatar, Messi et les progressistes

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27 décembre 2022

Dans ce blog, nous nous retrouvons pour commenter exclusivement les questions qui ont trait à l’église et à la foi catholique. Mais dans ce cas, je ferai une exception au thème parce que je pense que la circonstance le mérite.

Le triomphe de l’équipe nationale de football argentine lors de la Coupe du monde au Qatar a laissé, outre la joie prévisible, quelques conclusions sociologiques et culturelles intéressantes, qui ne seront probablement pas publiées par les scientifiques qui se consacrent à ces questions, car elles montrent l’impact modeste sur la société de décennies de politiques agressives visant à démanteler les structures hétéropatriarcales de la société argentine, née, comme le reste du monde occidental, dans le brasier de la Grèce, de Rome et du christianisme.

En d’autres termes, la question qui peut aider à répondre aux manifestations du triomphe argentin est de savoir si les soixante années de militantisme du progressisme éclairé en Occident – si l’on prend comme point de départ la publication de l’Histoire de la folie de Michel Foucault en 1961 – ont été suffisantes pour renverser ce qui a été construit pendant deux millénaires.

Je pense que les résultats, du moins en Argentine, ont été plutôt limités et que les perspectives ne sont pas prometteuses.

Le progressisme n’est pas resté silencieux face à cette situation, mais curieusement, c’est le progressisme international qui a parlé ; le [progressisme] criollo (litt. créole) est resté silencieux, ruminant sa colère, car il sait que quels que soient les commentaires qu’il fera, ils seront dévorés par l’opinion publique. Ils attendront des temps meilleurs.

La première critique est venue d’une professeur d’université américaine, Erika Denise Edwards, qui a publié un article dans le Washington Post dans lequel elle se demandait pourquoi il n’y avait pas de joueurs noirs dans l’équipe nationale argentine. Il ne lui est pas venu à l’esprit que c’était parce que la population d’origine africaine est minuscule dans notre pays. Elle a plutôt suggéré qu’il s’agissait d’une question de racisme visant à alimenter le mythe selon lequel l’Argentine est une nation blanche. Mais il ne s’agit pas d’une divagation isolée d’un intellectuel ignorant de la réalité argentine ; au cœur de celle-ci se trouve l’un des noyaux centraux du progressisme, même si, cette fois, elle s’est trompée d’accent. Un « intellectuel » argentin, Darío Sztajnszrajber, l’a dit très clairement dans une émission de télévision : l’équipe nationale de football ne la représente pas, pas plus qu’elle ne représente la société, car les joueurs n’ont été choisis par personne.

Et c’est là le nœud du problème. Si les principes progressistes sont poussés jusqu’à leurs ultimes conséquences, l’équipe nationale de football devrait, en premier lieu, être choisie par le peuple, car les moyens actuels de sélection des joueurs – la capacité de jeu, le fruit du talent naturel et le mérite de longues années d’entraînement intensif – ne les légitiment pas. Nous connaissons déjà le charabia pro-écologiste sur la méritocratie détestée, qui n’est pas inclusive et discrimine les moins favorisés. Le seul moyen de légitimation est la volonté populaire qui garantit la représentation de toutes les minorités. Par conséquent, au plus profond du cœur de tout progressiste cohérent avec ses idées, réside le désir que l’équipe nationale de football soit composée de Noirs et de Blancs, d’hommes, de femmes et de personnes transgenres, et probablement aussi d’une personne souffrant d’un handicap moteur ou mental. Le talent pour jouer au football et marquer des buts est un détail totalement hors de propos.

Un autre tir de barrage de critiques est venu d’Europe, en particulier de France – ce qui est compréhensible en raison de leur défaite – mais aussi d’Allemagne et d’Espagne. Les joueurs ont été accusé de comportements obscènes, homophobes et vulgaires. Et c’est vrai : le geste du gardien Emiliano Martinez après avoir reçu son trophée devant les caméras de télévision du monde entier était clairement obscène ; les chants que les joueurs ont entonnés dans le vestiaire à l’encontre des journalistes étaient homophobes, et on on a pu y voir des scènes d’une vulgarité incontestable.

Le comportement dont les joueurs sont accusés est réel et aussi répréhensible ; rien ne le justifie. Cependant, il faut aussi dire qu’il est prévisible. La vulgarité, dans toutes ses variantes, accompagne l’humanité depuis des millénaires. Il s’agit de regarder et de s’amuser avec l’épigraphie, ou les graffitis, qui ornaient les murs des maisons privées ou des lieux publics dans les anciennes villes de l’Empire romain ; ou les chansons des goliards médiévaux, et tant d’autres exemples. Un environnement purement masculin, dans les circonstances d’un triomphe en Coupe du monde, génère de manière très prévisible des comportements indignes tels que ceux observés. Ils sont typiques des « structures hétéropatriarcales ».

Mais ce qui dérange les progressistes européens, ce n’est pas l’absence des règles de base de la décence, des bonnes manières et de la vertu de chasteté, mais le caractère politiquement incorrect de la vulgarité. Le problème n’est pas que les joueurs soient plus ou moins vulgaires – les Français ou les Espagnols ne sont pas très bien élevés et n’ont pas vraiment un langage châtiée – mais le type de grossièreté, qui est interdit par les puissances de la bonne pensée et du discours progressiste.

Le comportement de Bruno Le Maire, ministre français de l’économie, a été particulièrement pathétique. Il s’est mis à pleurnicher sur les « insultes racistes » que lui avaient adressées les supporters argentins. Ce qui est amusant, c’est que si vous lisez les messages qu’il a reçus sur ses réseaux sociaux, vous découvrez qu’ils n’étaient pas racistes ; ils étaient réalistes. Ils lui disaient que la grande majorité des joueurs français sont des immigrés africains avec des passeports français, ce qui est vrai. Le problème du progressisme est que, de la même manière qu’il a entrepris d’effacer les frontières entre l’homme et la femme et de nier l’existence de deux sexes, il veut également effacer l’existence des races, qui sont pour lui un mauvais tour de la nature. Avec un acte humain volontaire – la délivrance d’un passeport – les races et les nationalités sont éliminées, selon le ministre français. L’Africain cesse d’être un Africain et ses traits et sa couleur de peau disparaissent. Les Argentins qui ont commenté les messages de monsieur (sic!) Le Maire, inconsolable, l’ont fait à partir du bon sens le plus élémentaire : la France est un pays blanc alors que, curieusement, son équipe de football est composée majoritairement de joueurs noirs. Et ce n’est pas du racisme. C’est la reconnaissance de l’évidence de la réalité.

Cependant, la plus grande frustration dont souffre le progressisme éclairé argentin est l’exaltation de la figure de Lionel Messi, qui est devenu un leader et un paradigme incontesté pour des millions d’Argentins. Et pas seulement parce que sa figure a éclipsé celle de Maradona, personnage décadent et désaxé, mais aussi parce que les démons les plus détestés par le progressisme l’habitent. Messi est viril, blanc, hétérosexuel, patriarcal et chrétien. La rage des progressistes est donc logique : le favori de la société argentine est avec la même femme depuis qu’il a seize ans, publie constamment des photos avec elle et ses enfants, arbore un énorme tatouage de Jésus-Christ sur le bras et parle fréquemment de Dieu. Ces types de comportement de la part d’un leader comme Messi sont, qu’on le veuille ou non, paradigmatiques, et sont bien plus efficaces que le bombardement auquel l’élite progressiste soumet la population par le biais de l’éducation et des médias. Comme dirait un créole, Messi est venu cracher sur leur rôti.

Le fait que des décennies de bombardement de slogans progressistes n’aient pas suffi pour qu’un groupe de joueurs argentins vivant en Europe, conscients que leurs paroles et leurs gestes sont vus et commentés dans le monde entier, ait aussi adopté un comportement « obscène, vulgaire et homophobe », qui a été célébré par des millions de personnes, est un signe très clair que l’impact du progressisme est maigre et que, de toute façon, il se produit dans de petites élites éclairées. Et, de plus, il augure que les restes de ses délires n’auront jamais de pénétration sociale : les garçons ne seront jamais des filles; les travailleurs continueront d’être une expression ridicule et les humains continueront d’être divisés en mâles et femelles.

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