Giuseppe Nardi apporte quelques éclaircissements, assortis de photos explicatives – et aussi des rectificatifs de dates – à l’article paru sur Libero, que j’ai traduit hier (cf Un tombeau pour deux). L’épisode serait assez savoureux, si les circonstances n’étaient pas celles -là, et je me plais à imaginer que Benoît XVI en aurait souri, et peut-être fait un commentaire pince-sans-rire bien dans la ligne de son célèbre humour bavarois…

« Bergoglio rêvait de la tombe de Benoît »

LA « QUERELLE DU TOMBEAU » DES PAPES

Giuseppe Nardi
katholisches.info/2023/01/17/bergoglio-traeumte-von-benedikts-grab


Depuis mars 2016, un sarcophage vide (à droite) se trouve dans les grottes du Vatican. Le pape François l’avait commandé sur le modèle du sarcophage de Jean-Paul Ier – mais pour Benoît XVI.

(Rome) L’humour clérical est considéré comme une forme particulière d’humour. Pour les personnes extérieures, il se distingue par sa finesse, mais il n’est pas toujours tout à fait compréhensible. Le fait que les deux papes, Benoît XVI et François, aient choisi l’ancienne tombe de Jean-Paul II comme dernière demeure en fait peut-être partie. Au Vatican, on a dit en plaisantant qu’en raison de cette « concurrence », la tombe reviendrait à celui qui mourrait le premier. On pourrait penser que c’est un peu cynique. Les clercs qui l’ont prononcé ont toutefois pu s’appuyer sur une source de poids: Le pape François lui-même.

Le quotidien Libero a rappelé dimanche cette « querelle funéraire » en titrant: « Bergoglio rêvait de la tombe de Benoît », mais en racontant une nouvelle version de l’histoire.

Dans les grottes du Vatican, la tombe de Jean-Paul II (1978-2005) s’était libérée lorsque sa dépouille avait été transférée dans la basilique Saint-Pierre suite à sa béatification en 2011.

Auparavant, la tombe de Jean XXIII (1958-1963) se trouvait déjà à cet endroit. La dépouille de ce dernier avait déjà été transférée dans la basilique Saint-Pierre en 2001, après sa béatification. La seule niche funéraire libre dans les grottes du Vatican est donc très intéressante à tous points de vue. Son histoire est considérable et s’étend de Jean XXIII à Benoît XVI en passant par Jean-Paul II.


La tombe de Jean XXIII de 1963 à 2001 et la tombe de Jean-Paul II de 2005 à 2011.

Mais il y a quelque temps déjà, un sarcophage en marbre blanc sans inscription a attiré l’attention parmi les nombreuses tombes des papes dans les grottes du Vatican. Ce sarcophage est en fait vide. Il a été placé en 2016 sur instruction expresse du pape François. L’impulsion a été donnée par François lorsqu’il a rendu la traditionnelle visite aux tombes de ses prédécesseurs le jour de la Toussaint 2015. Libero mentionne à tort les années 2018/2019, mais Katholisches.info rapportait déjà en mars 2016 : « Le pape François a choisi sa sépulture – celle de Jean XXIII.

Après avoir prié sur les tombes de différents papes, François s’est soudainement arrêté et a désigné l’ancienne sépulture de Jean-Paul II et de Jean XXIII. Les deux papes avaient été canonisés ensemble par François en 2014 dans le cadre d’une opération de politique ecclésiastique. Le pape régnant a déclaré :

« Ce sera ma tombe. Quand je mourrai, je veux être enterré ici ».

Il en a résulté de l’agitation et de l’embarras parmi les cérémoniaires pontificaux, selon Franco Capozza dans Libero. Il aurait suffi de peu de choses pour que le cardinal Angelo Comastri, alors archiprêtre de Saint-Pierre et président de la Fabrique de la cathédrale, perde son sang-froid. Seul le maître de cérémonie pontifical, alors Mgr Guido Marini, a gardé son sang-froid et a trouvé le courage de prendre la parole :

« Saint-Père, vraiment, c’est ici que Benoît XVI aimerait être enterré. Il a exprimé ce souhait à plusieurs reprises ».

Capozza décrit la scène qui s’ensuit.

Foudroyant l’imprudent monsignor d’un coup d’œil mauvais, le pape régnant répondit, d’un ton sans réplique: « Nous verrons qui mourra le premier, en attendant qu’on fasse construire un sarcophage comme celui-ci », désignant celui qui, depuis 1978, abrite la dépouille mortelle de Jean-Paul Ier, placé exactement en face de la niche vide.

Une déclaration similaire à celle de François avait jusqu’à présent été attribuée au cardinal Comastri, mais celui-ci n’avait apparemment fait que citer les paroles du pape.

Benoît XVI avait choisi sa sépulture non seulement en raison de son attachement à son prédécesseur polonais Jean-Paul II, mais surtout parce qu’il voulait être proche du « pape de la paix » Benoît XV, qui a régné de 1914 à 1922 et qui a élevé avec force sa voix en faveur de la paix pendant la Première Guerre mondiale, qu’il a qualifiée de « bain de sang insensé », mais qui n’a guère été entendu. Joseph Ratzinger s’était inspiré de lui lorsqu’il avait choisi son nom de pape en 2005.


2016 à 2023 : niche funéraire libre (à gauche) et sarcophage vide (à droite)

Dès mars 2016, le sarcophage voulu par François et prévu par lui pour Benoît XVI était achevé. Les artisans des chantiers de la cathédrale avaient rapidement rempli leur mission. L’installation du sarcophage vide n’est pas passée inaperçue. Le porte-parole du Vatican, Federico Lombardi, a tenté de rassurer en évoquant un « manque de place ». Il n’y avait plus qu’une seule niche libre, celle où se trouvaient déjà les tombes de Jean-Paul II et de Jean XXIII. Le porte-parole du Vatican n’a pas précisé quelle tombe était prévue pour quel pape. L’existence de deux papes, c’était évident, exigeait que l’on prenne également des dispositions pour deux tombes. Depuis lors, des personnalités proches de l’un ou l’autre pape ont exprimé à plusieurs reprises leur souhait d’emplacements. Dernièrement, à l’été 2020, Peter Seewald, biographe et ami personnel de Benoît XVI, a provoqué tollé (katholisches.info/2020/08/07/zwei-paepste-und-ein-grab/). Les bergogliens ont tenté de souligner la continuité avec Jean XXIII, même dans la tombe.

Mais les choses se sont passées différemment : Benoît XVI, conscient de la situation, avait inscrit son souhait de sépulture dans son testament. Selon Capozza, le pape François n’a donc pas pu faire autrement que de respecter les dernières volontés de son prédécesseur et d’autoriser l’inhumation dans la niche funéraire de Jean-Paul II. De plus, Benoît était mort le premier et avait donc la préférence.

Ainsi, le sarcophage commandé par François sera effectivement sa dernière demeure. En l’absence d’autres instructions, le sarcophage a été conçu de manière très simple, bien plus simple que celui de Jean-Paul Ier, sur lequel sont apposés des hauts-reliefs représentant des anges, qui proviennent de l’ancien Saint-Pierre, la première basilique Saint-Pierre de l’empereur Constantin le Grand, achevée en 326 et qui a existé jusqu’en 1503, date à laquelle sa démolition a commencé pour construire la basilique Saint-Pierre actuelle.


Le tombeau de Benoît XVI
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