L’ouvrage, qui sort ces jours-ci en italien et qui est publié sous la responsabilité conjointe d’Elio Guerriero, biographe de Benoît XVI, et de Georg Gänswein, contient des réflexions du Saint-Père postérieures à la renonciation de février 2013. L’extrait proposé ici nous offre une clé pour lire le présent que nous vivons à travers un livre de l’Ancien Testament.

Le livre que Benoît XVI a voulu faire publier après sa mort.

Présentation de l’éditeur

Dans les années qui ont suivi le concile Vatican II, le livre « Introduction au christianisme » a fait connaître au grand public un jeune théologien allemand. Aujourd’hui, à la fin de sa vie et en tant que pape émérite, Benoît XVI lègue cet ouvrage à l’humanité entière pour partager ses dernières réflexions sur quelques thèmes fondamentaux de la religion chrétienne. Au centre se trouve la miséricorde de Dieu, qui découle d’une passion d’amour envers toute créature. Les prêtres sont au service de Dieu, appelés à se tenir en sa présence et à être les témoins de son amour. Ensuite, il y a les questions du dialogue avec les autres religions, avec les juifs, le peuple de la promesse, avec les confessions chrétiennes, avec le monde. Ce dialogue ne peut cependant pas ignorer les contenus centraux du credo : l’incarnation du Fils de Dieu, la foi en la mort et la résurrection de Jésus, la présence eucharistique, la communion fraternelle dans l’Église, les thèmes centraux de la morale chrétienne.

Comme le dit le sous-titre, ce livre est presque un testament spirituel, dicté par la sagesse du cœur d’un maître toujours attentif aux attentes et aux espoirs des fidèles. Pendant ses années au monastère Mater Ecclesiae au Vatican, sa présence discrète et sa prière ont été un soutien important pour la vie de l’Église. De là, il observait avec bienveillance la nature, miroir de l’amour de Dieu Créateur, de qui nous venons et vers qui nous sommes dirigés. De là, il s’est tourné vers son pays d’origine, l’Allemagne, vers l’Italie où il a passé une grande partie de sa vie, vers la France qui l’a accueilli dans son Académie, vers l’Europe entière. A ces pays, le pape émérite confie, d’une voix faible mais passionnée, sa demande de ne pas renoncer à l’héritage chrétien, qui est un patrimoine précieux pour toute l’humanité. De son vivant, Benoît XVI n’a pas toujours été compris. Personne, cependant, n’a pu nier la lucidité de sa pensée et la force de ses arguments, que ce dernier ouvrage rassemble avec brio.

Extrait

Benoît XVI éclaire le présent à travers la lecture d’un livre de l’Ancien Testament, le livre des Macchabées, qui décrit comment une partie des juifs refusa d’obéir au roi, ne pouvant admettre que soient abolies « les formes de vie traditionnelles, qui faisaient obstacle à l’unité qui se mettait en place, au profit de la culture unifiée qui tenait tout ensemble… car elles n’étaient pas compatibles avec l’État unitaire moderne ».

La pensée moderne ne veut plus reconnaître la vérité de l’être, mais veut acquérir un pouvoir sur l’être. Elle veut remodeler le monde en fonction de ses propres besoins et désirs. Cette orientation non pas vers la vérité mais vers le pouvoir touche sans doute au véritable problème de l’époque actuelle sur lequel nous devrons à la fin revenir.
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Jetons encore un regard sur les Maccabées. Les victoires d’Alexandre le Grand ont donné naissance à un grand espace culturel grec, qui a pris une forme culturelle et politique dans les royaumes des Diadoques. Les formes de vie traditionnelles, qui faisaient obstacle à l’unité qui se mettait en place, devaient être abolies au profit de la culture unifiée qui tenait tout ensemble. Il était donc clair que les formes de vie judaïques prescrites par le Pentateuque (circoncision, prescriptions alimentaires, etc.), entre autres, devaient disparaître car elles n’étaient pas compatibles avec l’État unitaire moderne ; tout comme la foi, le mode de vie et la langue d’Israël n’étaient pas compatibles avec le nouveau modèle culturel unifié.
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Une partie non négligeable des Israélites a évidemment accueilli favorablement la fusion avec le style de vie moderne et éclairé de l’hellénisme, tandis que d’autres l’ont rejetée par manque d’alternatives.

Mais la foi et le mode de vie d’Israël, dont la langue faisait également partie, devaient inévitablement réagir tôt ou tard. Le premier livre des Maccabées décrit efficacement comment Mattathias, un homme autoritaire et estimé, s’est rebellé contre ces prétentions, a rejeté les promesses de la nouvelle société et s’est opposé à l’ambassadeur du roi. Il a résisté aux grandes promesses de richesses qui lui ont été faites, tout autant qu’à l’exigence d’offrir des sacrifices aux idoles, en disant : « Même si tous les peuples des dominions du roi l’écoutent et que chacun se détache du culte de ses pères…, moi, mes fils et mes frères, nous marcherons dans l’alliance de nos pères… Nous n’écouterons pas les ordres du roi de dévier de notre religion à droite ou à gauche » (1 Mac 2, 19 et suivants).

Ayant prononcé ces paroles, alors qu’un Juif était sur le point de sacrifier sur l’autel païen selon l’invitation du roi, Mattathias, voyant cela,  » brûla de zèle… Il s’avança en courant et le tua sur l’autel ; en même temps, il tua le messager du roi  » (1 Mac 2, 24s).
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Le Livre des Maccabées justifie ce geste comme une récupération du « zèle » dont le Livre des Nombres avait parlé en relatant l’action de Pincas. Le « zèle » devient alors une catégorie fondamentale de la révolte contre la civilisation hellénistique unitaire : Mattathias s’enfuit dans les montagnes et beaucoup le suivirent. Le mouvement maccabéen qui s’est ainsi formé a pu s’opposer à la puissance militaire de l’État et établir un nouvel État d’Israël fondé sur la foi, dans lequel le Temple de Jérusalem a également été rétabli. Le mouvement maccabéen est fondé sur la fidélité résolue d’Israël à sa propre identité. Cette fidélité n’est en aucun cas un attachement rigide à des traditions anciennes et dépassées. Puisque le Dieu d’Israël est le vrai Dieu reconnaissable même rationnellement, la fidélité à ses lois est une fidélité à la vérité. On ne saisit certainement pas l’esprit de ce mouvement en lui accolant l’étiquette d’intolérance monothéiste. Il s’agit plutôt de confronter l’intolérance de l’État moderne (ainsi que la seule forme de vie qu’il considère comme valable) et la fidélité à la foi des pères (ainsi que le mode de vie qui lui est propre).

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Un regard sur le présent s’impose ici.


En effet, l’État moderne du monde occidental, d’une part, se considère comme un grand pouvoir de tolérance qui rompt avec les traditions insensées et « primitives » (prerazionale) de toutes les religions. De plus, avec sa manipulation radicale de l’homme et la déformation des sexes par l’idéologie gender, il s’oppose tout particulièrement au christianisme. Cette prétention dictatoriale à avoir toujours raison par une apparente rationalité exige l’abandon de l’anthropologie chrétienne et du style de vie jugé « primitif » qui en découle.
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L’intolérance de cette apparente modernité à l’égard de la foi chrétienne ne s’est pas encore transformée en persécution ouverte, et pourtant elle se présente de manière de plus en plus autoritaire, visant à obtenir, par une législation correspondante, l’extinction de ce qui est essentiellement chrétien. L’attitude de Mattathias – « Nous n’écouterons pas les ordres du roi » (la législation moderne) – est celle des chrétiens. Le  » zèle  » de Mattathias, par contre, n’est pas la forme dans laquelle s’exprime le zèle chrétien. Le « zèle » authentique tire sa forme essentielle de la croix de Jésus-Christ.

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Revenons à la question de la tolérance. Ce qui a été dit, c’est que le christianisme se comprend essentiellement comme vérité et que c’est sur cela qu’il fonde sa prétention à l’universalité. Mais c’est précisément là qu’intervient la critique actuelle du christianisme, qui considère la revendication de la vérité comme intolérante en soi. La vérité et la tolérance semblent être en contradiction. L’intolérance du christianisme serait intimement liée à sa prétention à la vérité. Cette conception est sous-tendue par le soupçon que la vérité serait dangereuse en soi. C’est pourquoi la tendance de fond de la modernité s’oriente de plus en plus clairement vers une forme de culture indépendante de la vérité.

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Dans la culture postmoderne – qui fait de l’homme le créateur de lui-même et conteste la donnée originelle de la création – il y a un désir de recréer le monde contre sa vérité. Nous avons déjà vu plus haut comment cette attitude même conduit nécessairement à l’intolérance. Mais en ce qui concerne la relation entre la vérité et la tolérance, la tolérance est ancrée dans la nature même de la vérité.

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https://radiomaria.it/la-modernita-vuole-una-cultura-indipendente-dalla-verita-un-inedito-di-benedetto-xvi/
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