Son héritage spirituel à travers quelques textes qui servent de jalon: ce qu’il nous a enseigné, de l’importance de la prière à l’exhortation à rester ferme dans la foi en passant par le danger de la dictature du relativisme. Et, à titre personnel, la grande leçon de l’humilité, jusqu’au bout.

Ce qui nous manque le plus chez Benoît XVI, c’est un point de référence sûr dans l’Église catholique à un moment de l’histoire où l’humanité traverse de profonds changements culturels, éthiques et sociaux ; un « pasteur » qui interprète avec sagesse le ministère de l’Église entre fidélité à la tradition et adaptation aux changements en cours ; un « père » qui, avec une attitude affectueuse, réaffirme – et répète si nécessaire – à son « fils » les concepts éternels du bien et du mal, selon les dogmes de l’Église et l’enseignement catholique consolidé au cours des siècles, sans craindre d’aller à contre-courant …

Benoît XVI, père et maître en temps de crise

Alessandro Rimodi
lanuovabq.it/it/benedetto-xvi-padre-e-maestro-in-tempi-di-crisi
19 janvier 2023

Bien qu’il ait quitté la papauté il y a 10 ans, Joseph Ratzinger nous manque. Et pas seulement en tant qu’éminent théologien, évêque, cardinal et pontife, mais avant tout comme un certain point de référence, qui nous invite à être fermes dans la foi et enracinés dans la prière pour affronter la dictature du relativisme.

Joseph Ratzinger/Benoît XVI nous manque.

Il ne nous manque pas seulement en tant que professeur faisant autorité ou théologien affirmé, bien que nous puissions lire, relire ou écouter sa pensée, ses écrits, ses conférences universitaires, les catéchèses de son pontificat.

Il ne nous manque pas seulement comme homme d’Église et des institutions ecclésiastiques, d’abord comme évêque et cardinal, puis comme préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi et l’un des plus proches collaborateurs de Jean-Paul II, ne pouvant prétendre à plus que ce qu’il a fait et donné pour l’Épouse du Christ.

Il ne nous manque pas seulement comme pape, ayant renoncé il y a presque 10 ans (c’était le 11 février 2013) à son ministère d’évêque de Rome et de successeur de Pierre, et s’étant retiré dans la prière silencieuse au monastère Mater Ecclesiae.

Ce qui nous manque le plus chez Benoît XVI, c’est un point de référence sûr dans l’Église catholique à un moment de l’histoire où l’humanité traverse de profonds changements culturels, éthiques et sociaux ; un « pasteur » qui interprète avec sagesse le ministère de l’Église entre fidélité à la tradition et adaptation aux changements en cours ; un « père » qui, avec une attitude affectueuse, réaffirme – et répète si nécessaire – à son « fils » les concepts éternels du bien et du mal, selon les dogmes de l’Église et l’enseignement catholique consolidé au cours des siècles, sans craindre d’aller à contre-courant de l’évolution du sentiment politique, idéologique, éthique, social et culturel ; sans craindre de freiner les impulsions réformatrices, lorsqu’elles sont contraires à la doctrine de l’Église ; sans craindre de contredire les théories trompeuses, de condamner les interférences et les conditionnements contraires au bien de l’Église et des fidèles. Le testament spirituel que Benoît XVI nous a laissé [cf. Le testament spirituel de Benoît XVI] retrace les moments saillants de son œuvre et de sa pensée pastorale, et constitue une fois de plus une occasion de réflexion théologique et de méditation spirituelle.

L’importance de la prière et en particulier de la prière de louange à Dieu. La quasi-totalité du testament spirituel est un hymne de louange, d’action de grâce à Dieu : Pour le don de la vie, pour avoir été son Guide dans les « moments de confusion » et sa Lumière le long des « tronçons sombres et difficiles » ; et encore une louange à Dieu pour « les nombreux amis, hommes et femmes » qu’il a placés à ses côtés, pour ses professeurs et ses élèves, pour sa patrie bavaroise, pour Rome et l’Italie (sa seconde patrie), pour la « beauté de la foi… »; et on ne peut s’empêcher de remarquer l’étrange coïncidence entre cette prière de louange et le jour de sa mort (31 décembre), comme si Dieu lui avait accordé de « chanter » son dernier Te Deum.

Benoît XVI a beaucoup insisté sur l’importance de la prière tout au long de son pontificat. Lors de l’audience générale du 8 août 2012, consacrée à la catéchèse sur saint Dominique de Guzman (fondateur des dominicains), il a affirmé qu’ « à l’origine du témoignage de foi, que tout chrétien doit oser porter en famille, au travail, dans l’engagement social, mais aussi dans les moments de détente, se trouve la prière, le contact personnel avec Dieu ; seule cette relation réelle avec Dieu nous donne la force de vivre intensément chaque événement, surtout les moments les plus douloureux ».

L’exhortation à rester ferme dans la foi, à ne pas se laisser confondre! L’appel à préserver sa foi est lié aux études théologiques et aux réflexions universitaires afin de mettre en garde les fidèles contre les thèses philosophiques qui – à partir des résultats obtenus par les sciences naturelles et la recherche historique (et en particulier l’exégèse de l’Écriture Sainte) – conduisent à nier le caractère raisonnable de la foi catholique. Sur le rapport entre foi et raison, Benoît XVI a prononcé une lectio magistralis le 12 septembre 2006 à l’Université de Ratisbonne, dans laquelle il a souligné la nécessité de dépasser les théories réductionnistes, typiques des sciences naturelles et de l’époque moderne, qui tendent à limiter le concept de raison « à ce qui est vérifiable dans l’expérience ». Admettant la possibilité d’un concept de raison élargi à la religion et au divin, il identifie dans l’élément Logos (dans son sens de « raison » et de « parole ») « la profonde concordance entre ce qui est grec au meilleur sens du terme et ce qui est foi en Dieu sur la base de la Bible », en rappelant que la foi de l’Église s’est toujours tenue à « la conviction qu’entre Dieu et nous, entre son Esprit Créateur éternel et notre raison créée, il existe une véritable analogie », de sorte que le culte chrétien est un culte de l’amour du Dieu-Logos.

Le danger de la dictature du relativisme. L’exhortation à rester ferme dans la foi rappelle également aux fidèles le danger du relativisme, qui caractérise les temps modernes. Dans l’homélie de la Missa pro eligendo Romano Pontifice du 18 avril 2005 [cf. benoit-et-moi.fr/2009, il relevait combien de courants idéologiques, combien de doctrines de pensée (du marxisme au libéralisme ; du collectivisme à l’individualisme radical ; de l’athéisme à un vague mysticisme religieux ; de l’agnosticisme au syncrétisme) agitent la pensée de nombreux chrétiens : « le relativisme, c’est-à-dire le fait de se laisser porter ici et là par tout vent de doctrine, semble être la seule attitude qui soit à la hauteur des temps actuels. Une dictature du relativisme est en train de s’instaurer, qui ne reconnaît rien comme définitif et ne laisse comme mesure ultime que son propre moi et ses envies ». Il a indiqué la voie à suivre pour sortir de cette dictature : « avoir une foi claire, selon le Credo de l’Église », en reconnaissant que « Jésus-Christ est vraiment le chemin, la vérité et la vie ».

L’humilité. Enfin, les passages du testament qui appellent à l’humilité :

A tous ceux auxquels j’ai fait du tort de quelque manière que ce soit, je demande pardon de tout mon cœur… Je demande humblement : priez pour moi, afin que le Seigneur, malgré tous mes péchés et mes insuffisances, me reçoive dans les demeures éternelles.

L’humilité est l’autre trait distinctif qui caractérise son pontificat depuis son premier discours, immédiatement après son élection :

Chers frères et sœurs, après le grand Pape Jean-Paul II, MM. les cardinaux m’ont élu, moi, un simple et humble ouvrier dans la vigne du Seigneur. Je me console en me disant que le Seigneur sait travailler et agir même avec des instruments insuffisants…

Et encore une fois, l’attitude d’humilité revient dans l’homélie de la Messe d’inauguration du Pontificat (24 avril 2005) :

Moi, faible serviteur de Dieu, je dois assumer cette tâche sans précédent, qui dépasse vraiment toute capacité humaine. Comment pourrai-je faire cela? Comment vais-je pouvoir le faire ? ».

Au terme de sa vie terrestre, malgré sa carrière de théologien affirmé, de professeur insigne, au plus haut niveau de la hiérarchie ecclésiastique jusqu’au trône de Pierre, on peut reconnaître que Benoît XVI a été véritablement Servus servorum Dei, en parfaite harmonie avec cette mesure d’humilité que Jésus demandait à ses Apôtres :

« Si quelqu’un veut être le premier, qu’il soit le dernier de tous et le serviteur de tous ».

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(Mc 9,35)

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