Ecole Ratzinger – L’un des derniers discours publics de Benoît XVI. Du 6 au 9 février 2013, le Conseil pontifical pour la Culture se réunissait en Assemblée plénière, sur le thème «cultures émergentes des jeunes». Voici le discours du Saint-Père.

Chers amis,

Je suis vraiment heureux de vous rencontrer pour l’ouverture des travaux de l’Assemblée plénière du Conseil Pontifical de la Culture, où vous vous engagerez à comprendre et approfondir – comme l’a dit le Président – à partir de différents points de vue, les «cultures jeune émergentes».
Je salue cordialement le Président, le Cardinal Gianfranco Ravasi, et je le remercie des paroles courtoises qu’il m’a adressées en votre nom à tous. Je salue les membres, les consultants et tous les collaborateurs du Dicastère, souhaitant un travail fructueux, qui apportera une contribution utile à l’action que l’Eglise réalise envers la réalité des jeunes, une réalité, comme cela a été dit, complexe et articulée, qui ne peut pas être comprise à l’intérieur d’un univers culturel homogène, mais dans un horizon qui peut être définie comme «multivers», c’est-à-dire déterminé par une pluralité de points de vue, de perspectives et de stratégies.

C’est pourquoi il est approprié de parler de «cultures jeunes», car les éléments qui distinguent et différencient les phénomènes et les milieux culturels l’emportent sur ceux, même présents, qui au contraire les unissent. De nombreux facteurs concourent en effet à dessiner un paysage culturel de plus en plus fragmenté et en constante et rapide évolution, auquel ne sont certes pas étrangers les « médias sociaux », les nouveaux outils de communication qui facilitent et parfois provoquent eux-mêmes des changements continus et rapides des mentalités, des coutumes, des comportements.

Il y a donc un climat diffus d’instabilité qui affecte la sphère culturelle, comme celle politique et économique – cette dernière également marquée par les difficultés des jeunes à trouver un emploi – intervenant essentiellement au niveau psychologique et relationnel. L’incertitude et la fragilité qui caractérisent de nombreux jeunes gens, les poussent souvent à la marginalité, ce qui les rend presque invisibles et absents dans les processus culturels et historiques de sociétés. Et de plus en plus fréquemment, la fragilité et la marginalité débouchent dans des phénomènes de dépendance aux drogues, de déviance, de violence.

La sphère affective et émotionnelle, la sphère des sentiments, comme celle du corps, sont fortement influencés par ce milieu, et le climat culturel qui en résulte, s’exprime, par exemple, par des phénomènes apparemment contradictoires, comme la mise en spectacle de la vie intime et personnelle et la fermeture individualiste et narcissique sur les besoins et intérêts. Même la dimension religieuse, l’expérience de la foi et l’appartenance à l’Eglise sont souvent vécues dans une perspective privée et émotionnelle.

Il y a, cependant, des phénomènes très positifs. Les élans généreux et courageux de nombreux jeunes volontaires qui consacrent à leurs frères dans le besoin leurs meilleurs énergies; les expériences de foi sincère et profonde de beaucoup de garçons et de filles qui témoignent joyeusement de leur appartenance à l’Église; les efforts pour construire, dans de nombreuses parties du monde, des sociétés capables de respecter la liberté et la dignité de tous, à commencer par les plus petits et les plus faibles. Tout cela nous réconforte et nous aide à tracer un tableau plus précis des objectifs et des cultures des jeunes. Nous ne pouvons pas nous contenter de lire les phénomènes culturels de la jeunesse selon des paradigmes consolidés, mais désormais devenus des lieux communs, ou de les analyser avec des méthodes qui ne sont plus utiles, dans des catégories culturelles désuètes et inadéquates.

Nous sommes finalement confrontés à une réalité extrêmement complexe mais fascinante, qui doit être comprise de manière approfondie, et aimée avec un grand esprit d’empathie, une réalité dont il faut savoir saisir avec soin les lignes de fond et les développements.

Regardant, par exemple, les jeunes dans de nombreux pays du «Tiers Monde», nous nous rendons compte qu’ils représentent, avec leurs cultures et de leurs besoins, un défi à la société de consommation mondiale, à la culture des privilèges établie, dont bénéficie un cercle restreint de la population du monde occidental. Les culture jeunes, par conséquent, deviennent «émergentes» dans le sens qu’elles manifestent un besoin profond, un appel à l’aide ou même une « provocation » qui ne peut être ignorée ou négligée, tant par la société civile que par la communauté ecclésiale.


J’ai souvent exprimé, par exemple, ma préoccupation et celle de toute l’Eglise pour ce qu’on nomme «urgence éducative», à laquelle il faut sans doute associer d’autres «urgences» qui affectent les différentes dimensions de la personne et ses relations fondamentales, auxquelles on ne peut apporter de réponse évasive ou banale. Je pense, par exemple, aux difficultés croissantes dans le domaine de travail ou à l’effort pour rester fidèle aux responsabilités au fil du temps. Il s’ensuivrait, pour l’avenir du monde et de l’humanité, un appauvrissement non seulement économique et social mais surtout humain et spirituel: si les jeunes n’espéraient plus ou ne progressaient plus, s’ils n’inséraient plus dans la dynamique historique leur énergie, leur vitalité, leur capacité à anticiper l’avenir, nous retrouverions une humanité repliée sur elle-même, privée de confiance et d’attitude positive envers l’avenir.

Bien que nous soyons conscients des nombreuses situations problématiques, qui touchent également le milieu de la foi et de l’Eglise, nous voulons renouveler notre foi en la jeunesse, réaffirmer que l’Eglise considère leur condition, leurs cultures, comme un point de référence incontournable pour son action pastorale.
Je voudrais donc reprendre certains passages importants du message que le Concile Vatican II a adressé aux jeunes, afin qu’il soit un motif de réflexion et d’inspiration pour les nouvelles générations.
Avant tout, dans ce message, il était affirmé:

«L’Eglise vous regarde avec confiance et amour … Elle possède ce qui fait la force et la beauté de la jeunesse: la capacité de se réjouir de ce qui commence, de se donner sans réserve, de se renouveler et de repartir pour de nouvelles conquêtes».

Ainsi le vénérable Paul VI adressait cet appel aux jeunes du monde:

«C’est au nom de ce Dieu et de son Fils Jésus, que nous vous exhortons à élargir vos cœurs aux dimensions du monde, à entendre l’appel de vos frères, et à placer ardemment vos jeunes énergies à leur service. Luttez contre tout égoïsme. Refusez de donner libre cours aux instincts de violence et de haine qui engendrent les guerres et leur cortège de misères. Soyez généreux, purs, respectueux, sincères. Et construisez avec enthousiasme un monde meilleur que celui acctuel».

Moi aussi, je veux le réaffirmer avec force: l’Église a confiance dans les jeunes, elle espère en eux et en leurs énergies, elle a besoin d’eux et de leur vitalité, pour continuer à vivre avec un enthousiasme renouvelé la mission confiée par le Christ. J’espère donc vivement que l’Année de la Foi est, aussi pour les jeunes générations, une occasion précieuse de redécouvrir et de renforcer l’amitié avec le Christ, pour en faire jaillir la joie et l’enthousiasme pour transformer en profondeur les cultures et la société.

Chers amis, merci pour les efforts que vous mettez généreusement au service de l’Eglise et pour l’attention particulière que vous adressez aux jeunes.

Je vous donne de tout cœur ma Bénédiction apostolique.

Merci.

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