L’attachement de Benoît XVI au latin est connu.
Nous n’oublions pas que c’est en latin qu’il a prononcé sa première homélie de Pape devant les cardinaux, dans la Chapelle Sixtine, le 20 avril 2005, et aussi en latin qu’il a annoncé sa démission, le 11 février 2013.
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Voici quelques témoignages de son amour pour la « langue de Cicéron »

Notre intérêt pour la langue latine, manifesté dès notre plus jeune âge, est bien connu de vous tous et de tous ceux qui nous écoutent. Nous nous occupons presque quotidiennement de la langue latine, nous avons même toujours cultivé le latin, aussi bien dans nos études théologiques que dans notre long service au Saint-Siège.

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Discours aux membres de la Fondation Latinitas, 28/11/2005
I. Dans le livre « Mon Concile » (cf. benoit-et-moi.fr/2011-I), il écrivait:

«Toutes les raisons que l’on produit en faveur d’un latin intangible – langue liturgique, certes, mais langue morte aussi – doivent s’incliner devant l’argumentation claire, univoque et précise de l’Apôtre… La langue latine est morte, mais l’Église, elle, est vivante. Si bien que la langue, vecteur de la grâce et de l’Esprit Saint, doit être une langue vivante, car elle est faite pour les hommes et pas pour les anges.»

II. Dès novembre 2005, donc peu de temps après son élection, il accueillait les membres de la Fondation Latinitas, établie par Paul VI, et les saluait en latin

ALLOCUTIO BENEDICTI XVI HABITA AD PARTICIPES CERTAMINIS VATICANI XXXXVIII

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Die XXVIII mensis Novembris, A.D. MMV

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Notissimum omnino vobis in primis est atque omnibus ubique intuentibus Nostrum sermonis Latini studium, a prima aetate Nostra comprobatum. Usus autem linguae Latinae Nostra in vita cotidianus fere, immo perpetuus adhuc fuit – tum in theologiae studiis, tum in Apostolicae Sedis longinquo ministerio.

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       Hac de causa perplacet Nobis iam in Petri Cathedra eandem hodie adhibere linguam Latinam ut tantae auctoritatis interpretes ac testes, quales estis vos, familiariter consalutemus, ut celeberrimi Certaminis Vaticani victores atque curatores veluti domestico Nostro idiomate Latino recipiamus, ut pro viribus cohortemur incitemusque vos ante omnes ad litteras nostras Latinas, tam antiquas quam recentiores, tam saeculares quam sacras, omni cultu ac fervore non tantum adservandas, verum etiam novis rationibus docendas et inter iuniores potissimum propagandas.

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       Officium hoc ad Opus Fundatum “Latinitas” tamquam ad exemplum curarum et sollicitudinum Ecclesiae de illo sermone spectat. Vestrum nempe erit adiuvare Nos ut linguae Latinae consuetudinem in Ecclesia corroboremus atque in ritibus et disciplinis ecclesiasticis inculcemus, ne infiniti eorundem monumentorum thesauri pereant neve huius instrumenti praestantissimi usus evanescat.

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       Aderit semper Latinitatis ubique cultoribus, sicut vobis, favor perpetuus Noster, animus propensus et supernum pariter Dei lumen, quod per Apostolicam Nostram Benedictionem amanter vobis vestrisque impertitam Nos fidentes devocamus.

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DISCOURS DE BENOIT XVI AUX PARTICIPANTS AU « 48E CERTAMEN [Concours] VATICANUM » DE LA FONDATION « LATINITAS »

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Lundi 28 novembre 2005

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Notre intérêt pour la langue latine, manifesté dès notre plus jeune âge, est bien connu de vous tous et de tous ceux qui nous écoutent. Nous nous occupons presque quotidiennement de la langue latine, nous avons même toujours cultivé le latin, aussi bien dans nos études théologiques que dans notre long service au Saint-Siège.

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C’est pourquoi nous sommes très heureux d’utiliser aujourd’hui la langue latine dans le ministère pétrinien, pour saluer chaleureusement des traducteurs et des témoins aussi prestigieux que vous ; pour accueillir les vainqueurs et les organisateurs du « Certamen Vaticanum », pour ainsi dire, dans notre propre langue latine ; enfin, pour vous encourager et vous stimuler de toutes nos forces à conserver avec le plus grand soin notre littérature latine, ancienne et moderne, profane et ecclésiastique, mais aussi à l’enseigner avec de nouvelles méthodes et à la faire connaître, surtout aux jeunes générations.

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C’est la mission de la fondation « Latinitas », qui est un modèle de responsabilité et de sollicitude de l’Eglise envers cette langue. Il vous incombera en effet de nous aider à promouvoir l’usage de la langue latine dans l’Église et à la mettre en valeur dans la liturgie et les sciences, afin que le trésor infini de ces monuments écrits ne se perde pas et que le soin de ce moyen unique et éminent ne soit pas hors d’usage.

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Notre attention et notre faveur constantes, notre bienveillance et également la lumière céleste de Dieu accompagneront les promoteurs de la langue latine partout dans le monde. Cette lumière, Nous l’invoquons avec confiance par Notre bénédiction apostolique, que Nous vous accordons de tout cœur, à vous et aux vôtres.

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https://www.vatican.va/content/benedict-xvi/la/speeches/2005/november/documents/hf_ben_xvi_spe_20051128_latinitas.html
III. En 2007 paraissait en Italie un livre-dictionnaire sous le titre « Effetto Benedetto, Papa Ratzinger in 40 parole » [cf.  benoit-et-moi.fr/2008-II]. Extrait de l’entrée « LATIN » (ma traduction)

Formé dans les sévères écoles germaniques des années 30 et 40, Joseph Ratzinger est resté « toute sa vie reconnaissant » de la rigueur de ces leçons, au point de n’avoir jamais eu « de difficulté à étudier les sources anciennes en grec et en latin (cf. « Ma vie »). Et lui-même raconte que dans les années de lycée « les classiques grecs et latins m’enthousiasmaient ».

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Des traces de cet engouement ingénu mais puissant, on en rencontre encore aujourd’hui. Il est difficile de supposer que son auditoire a de grandes compétences en la matière, et pourtant, il aime s’arrêter sur les étymologies, sur les significations originelles des mots, et de là, il en profite pour proposer ses propres réflexions.

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Il a instruit la tumultueuse assemblée juvénile de Marienfeld, aux JMJ de Cologne, en août 2005, avec proskynesis et adoratio .

Il a entretenu les paroissiens de Casalbertone avec le kair, « réjouis-toi » de l’Ange à Marie.

Il a développé 72 denses pages de Deus Caritas est, la première encyclique, partant des différences sémantiques entre erosphiliaagape; et l’on pourrait encore rappeler beaucoup d’autre vocabulaire grec et latin.
Mémorable, en plus de la circonstance, le message prononcé dans la Chapelle Sixtine au lendemain de l’élection, une sorte de présentation symbolique à la « societas » globalisée d’aujourd’hui (ici).

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IV. Au terme de l’Angélus du premier dimanche de Carême 2011, le Saint-Père saluait… en latin, les élèves du Lycée catholique de Veenendaal (province d’Utrecht, aux Pays-Bas), venus avec leurs professeurs:

« Valde laetamur eos Romam advenisse, ut in proposito linguae Latinae colendae confirmarentur. His namque sermo multum conferre potest tum ad antiquiora altius vestiganda, tum ad recentiora acrius ponderanda » (Je suis heureux que vous soyez venus à Rome pour confirmer votre intention de cultiver la langue latine. En effet, cette langue peut beaucoup contribuer, à la fois à l’étude approfondie de l’antiquité, et aussi à l’approfondissement de l’histoire plus récente).

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www.vatican.va/holy_father/benedict_xvi
V. Enfin, et pour clore ce trop bref rappel [forcément teinté de nostalgie, si l’on compare aux émanations juridiques du pontificat actuel!], le 10 novembre 2012 était publiée la lettre apostolique en forme de Motu Proprio Latina Lingua instituant la  Pontificia Accademia di Latinità, en remplacement de la Fondation Latinitas

1. La langue latine a toujours été tenue en très haute estime par l’Eglise catholique et les pontifes romains, lesquels en ont assidument favorisé la connaissance et la diffusion, en ayant fait leur propre langue, capable de transmettre le message universel de l’Évangile, comme déjà affirmé avec autorité par la Constitution apostolique Sapientia Veterum de mon Prédécesseur, le bienheureux Jean XXIII.
En fait, depuis la Pentecôte, l’Église a parlé et prié dans toutes les langues des hommes. Toutefois, les Communautés chrétiennes des premiers siècles usèrent amplement des langues grecque et latine, langues de communication universelle du monde dans lequel ils vivaient, grâce auxquelles la nouveauté de la Parole du Christ a rencontré l’héritage de la culture gréco-romaine.
Après la disparition de l’Empire romain d’Occident, l’Église de Rome, non seulement a continué à faire usage de la langue latine, mais s’en est fait en quelque sorte gardienne et promotrice, à la fois dans les domaines de la théologie et de la liturgie, et dans celui de la formation et de la transmission du savoir.

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2. De nos jours aussi, la connaissance de la langue et de la culture latine s’avère plus que jamais nécessaire pour l’étude des sources auxquelles puissent, entre autres choses, de nombreuses disciplines ecclésiastiques telles que, par exemple, la théologie, la liturgie, la Patristique et le droit canonique , ainsi que l’enseigne le Concile Vatican II (cf. Décr. Optatam totius , 13).
En outre, dans cette langue sont rédigés dans leur forme typique, justement pour souligner le caractère universel de l’Église, les livres liturgiques du Rite romain, les plus importants documents du Magistère pontifical et les actes officiels les plus solennels des Souverains Pontifes.
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3. Dans la culture contemporaine, on constate cependant, dans le contexte d’un affaiblissement généralisé des études humanistes, le danger d’une connaissance de plus en plus superficielle de la langue latine, qui se reflète également dans les études philosophiques et théologiques des futurs prêtres.

D’autre part, justement dans notre monde, où la science et la technologie ont une si grande part, il y a un regain d’intérêt pour la culture et la langue latine, pas seulement dans ces Continents qui ont leurs racines culturelles dans l’héritage gréco-romain. Cette attention est d’autant plus importante en ce qu’elle implique non seulement les milieux académiques et institutionnels, mais regarde aussi les jeunes et les universitaires provenant de Nations et de traditions très différentes.
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4. Il semble donc urgent de soutenir les efforts pour une meilleure connaissance et une utilisation plus compétente de la langue latine, autant dans le milieu ecclésial que dans le monde plus vaste de la culture. Afin de souligner et de faire résonner cet effort, il apparaît plus que jamais approprié d’adopter des méthodes didactiques en adéquation avec les nouvelles conditions, et la promotion d’un réseau de relations entre les établissements universitaires et les chercheurs, afin de valoriser le patrimoine riche et diversifié de la civilisation latine .

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Pour aider à atteindre ces objectifs, en suivant les traces de mes vénérés prédécesseurs, avec ce Motu Proprio, j’institue aujourd’hui la Pontificia Accademia di Latinità, qui dépend du Conseil Pontifical de la Culture. Il est dirigé par un président, assisté d’un secrétaire, nommé par moi, et par un Conseil académique.
La Fondation Latinitas , établie par le Pape Paul VI, par la Lettre Romani Sermonis du 30 Juin 1976, est éteinte.
La présente Lettre apostolique en forme de Motu Proprio, par laquelle j’approuve ad experimentum pour cinq ans, le statut, j’ordonne qu’elle soit publiée dans L’Osservatore Romano .
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Donné à Rome, près Saint-Pierre, le 10 Novembre 2012, mémoire de saint Léon le Grand, dans la huitième année de mon pontificat.
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Benedictus PP XVI

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