Elles viennent de la vaticaniste de Il Messaggero la très informée Franca Giansoldati, relayées par l’intéressé lui-même (et là, je ne pense pas qu’il mente, sinon par omission). Et elles sont reprises par Nico Spuntoni, sur Il Giornale d’aujourd’hui, qui brosse un tableau de la situation, montrant en particulier à quel point François est attaché au pouvoir et entend ne pas laisser le champ libre à ceux qui pensent déjà à l’après.

L’idée d’un pape infatigable, au sommet de sa forme malgré ses maux et son âge, décourage ceux qui, au sein de l’Église, pourraient penser à sa succession. C’est un sujet auquel François n’est pas indifférent.

Minimiser les risques pour sa santé pourrait décourager les projets de ceux qui pensent déjà à « l’après ».

Pourquoi le Pape ne veut pas paraître faible en ce moment

Nico Spuntoni
/www.ilgiornale.it/news


Le Pape quitte Gemelli (à côté du chauffeur, et non à l’arrière)

Hier, le pape François a quitté la Polyclinique Gemelli où il avait été admis mercredi après-midi et a regagné le Vatican, non sans avoir salué et remercié les journalistes qui avaient suivi son séjour à l’extérieur de l’hôpital romain au cours des derniers jours. Le pape s’est arrêté et est sorti de la voiture, répondant à quelques questions sur ce qui lui était arrivé cette semaine.

Le malaise

Bergoglio a fait appel à l’humour pour commenter ce qui lui était arrivé et s’est exclamé « Je suis toujours vivant » face aux questions de ceux qui lui demandaient comment il se sentait. Malgré sa bonne volonté, le souverain pontife n’a pas répondu spécifiquement à la question la plus attendue, celle de la raison de son hospitalisation. Il a dit qu’il avait ressenti « un malaise, comme lorsqu’on a mal à l’estomac » et plus tard, au Vatican, il a dit qu’il ne savait pas ce qu’il avait, invitant les journalistes à poser la question aux médecins.

La référence à la mort que le pape a faite dans son message de salutations aux journalistes qui l’attendaient à l’hôpital Gemelli laisse penser qu’il ne s’agissait pas simplement d’un contrôle programmé. En effet, le souverain pontife a cité une personne plus âgée que lui qui lui a dit un jour : « Je n’ai pas vu la mort, mais je l’ai vue venir…. C’est moche, hein ».

Communication

En remerciant les journalistes, François a révélé qu’il avait lu les reportages le concernant ces derniers jours et a mentionné Il Messaggero en particulier, en disant que « c’est beau et clair, cela sert à éviter les fantasmes ». Des mots qui suggèrent que la reconstruction la plus fiable de sa situation clinique est celle présentée par la vaticaniste du quotidien romain, Franca Giansoldati. La journaliste écrit que « quand il s’est présenté dans le service, il était en grande détresse, son cœur fibrillait dangereusement et sa saturation en oxygène était préoccupante » et que les facteurs de risque au moment de son arrivée étaient élevés. Un tableau peu rassurant par rapport à celui fourni par les communications officielles.

Stakanoviste

Giansoldati a également expliqué que c’est le pape qui a voulu à tout prix rentrer au Vatican pour pouvoir participer aux célébrations de la Semaine Sainte. Et ce, bien que les médecins lui aient conseillé un repos absolu pour un rétablissement complet. François semble toutefois déterminé à donner l’image d’un bourreau de travail qui, à plus de 86 ans, ne s’arrête pas face à l’hospitalisation. C’est ce qui ressort également des maigres communications du Bureau de presse du Saint-Siège de ces derniers jours, dans lesquelles il a été rendu public que le pape continuait à travailler même dans l’appartement situé au dixième étage de la polyclinique. Lui-même, en quittant l’hôpital, a tenu à souligner qu’il avait lu les journaux et qu’il était donc resté actif même pendant son séjour à l’hôpital. Mais ce n’est pas tout : dès son retour au Vatican, après une visite à la basilique Sainte-Marie-Majeure, Bergoglio a voulu immédiatement reprendre son agenda et rencontrer le cardinal Marc Ouellet, préfet du dicastère pour les évêques en fonction jusqu’au 13 avril. A cela s’ajoute la confirmation que le Pape présidera les célébrations de la Semaine Sainte – avec un cardinal célébrant à l’autel comme c’est désormais la coutume – et qu’il se rendra même en Hongrie pour le voyage apostolique prévu à la fin du mois d’avril. Le jeudi saint, il se rendra au pénitencier pour mineurs de Casal del Marmo pour le lavement des pieds.

Problèmes

L’idée d’un pape infatigable, au sommet de sa forme malgré ses maux et son âge, décourage ceux qui, au sein de l’Église, pourraient penser à sa succession. C’est un sujet auquel François n’est pas indifférent, comme il l’a démontré au lendemain de son opération du côlon, se plaignant que pendant son séjour, il y aurait des réunions entre prélats qui pensaient qu’il était presque mort. Dans une interview, Bergoglio a d’ailleurs reconnu que « chaque fois qu’un pape est malade, il y a toujours une brise ou un ouragan de Conclave ». Minimiser les risques pour sa santé pourrait décourager les projets de ceux qui pensent déjà à « l’après ».

François sait que la situation actuelle de l’Église n’est pas facile et que les décisions prises au cours de son pontificat font l’objet de nombreuses critiques. Il y a la menace du schisme allemand, les évêques étant déterminés à poursuivre l’agenda ultra-progressiste issu de la Voie synodale malgré les mises en garde de Rome. D’autre part, il y a aussi le bras de fer liturgique déclenché par les nouvelles restrictions sur la messe dite en latin, qui ont également provoqué un appel des fidèles attachés à la tradition, avec des affiches placardées dans le quartier voisin de Prati. Le scandale des abus demeure une corde sensible : cette semaine, la démission controversée du jésuite Hans Zollner de la commission pontificale pour la protection des mineurs a contrarié son président, le cardinal américain Seán Patrick O’Malley.

Sur ce front, il y a aussi le développement de l’affaire Rupnik, qui devrait conduire à un redde rationem sous peu. Par ailleurs, la politique de ce pontificat à l’égard de l’Islam a été mise dans le collimateur par plusieurs intellectuels européens pour sa prétendue capitulation, comme l’écrit un livre récent de Giulio Meotti (La dolce conquista) avec une contribution très critique sur François de la part de l’écrivain français Richard Millet. Enfin, il y a le chapitre du procès pénal au Vatican sur l’achat et la vente du désormais célèbre palais londonien, dans lequel les révélations qui émergent dans la salle d’audience risquent de nuire encore plus à l’image.

La proximité des personnes en ces jours d’hospitalisation est un capital que François pourra utiliser pour mieux se préparer à défaire les nombreux nœuds qui continuent à compliquer le gouvernement de l’Église. En outre, la prière et la Semaine Sainte qui s’ouvre aujourd’hui avec le dimanche des Rameaux lui seront d’un grand secours.

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