Giuseppe Nardi débriefe la dernière interview du Pape, sans doute une des plus importantes de ces jours, puisqu’il répondait aux questions du principal journal argentin. Il annonce son intention de se rendre dans son pays natal l’an prochain (après s’y être obstinément refusé pendant 10 ans, à 88 ans, et souffrant de lourdes pathologies… vraiment?). Et il liquide peu miséricordieusemt le sort de Mgr Gänswein, pour finir par la nomination du prochain archevêque de Buenos Aires. Non sans avoir à chaque fois pris quelques libertés avec les faits.

Tango argentin et histoire papale

L’AVENIR DE MGR GÄNSWEIN ET L’ARCHEVÊCHÉ DE BUENOS AIRES

Giuseppe Nardi
katholisches.info
24 avril 2023

Le pape François envisage une visite dans son Argentine natale en 2024 et a dit ce qu'il prévoit pour Mgr Georg Gänswein et son diocèse d'origine de Buenos Aires.
Le pape François envisage de se rendre dans sa patrie, l’Argentine, en 2024 et a dit ce qu’il prévoyait pour Mgr Georg Gänswein et son évêché d’origine, Buenos Aires.

(Rome) La machine à rumeurs du Tibre est toujours en ébullition. En ce moment, elle le fait au pas de tango. Il y a peu, on disait que l’archevêque Georg Gänswein allait être exilé vers l’Amérique centrale en tant que nonce apostolique. Mais cette nomination n’a pas eu lieu. Au contraire, le pape François envoie via les médias des signaux très différents à l’ancien secrétaire personnel de Benoît XVI. En outre, pour la première fois, la possibilité d’une visite de François dans son pays natal, l’Argentine, est envisagée.

Dans un article du journaliste Joaquín Morales Solá paru dans l’édition dominicale du journal argentin La Nación (23 avril 2023), on peut lire que François lui-même lui aurait dit de manière catégorique :

« Je veux me rendre dans le pays l’année prochaine ».

On remarque tout d’abord à qui est revenue la première diffusion de la nouvelle sensationnelle d’une visite du pape en Argentine. Ce n’est pas Elisabetta Piqué, la vaticaniste de La Nación, qui est personnellement amie avec François depuis de nombreuses années, mais Joaquín Morales Solá, l’un des journalistes les plus renommés d’Argentine. Il ne devrait y avoir aucun doute sur la retranscription correcte des déclarations du pape.

A Rome, on se demande surtout si François sera encore en mesure, en 2024, de surmonter les fatigues d’un voyage aux attentes aussi grandes. La visite dans sa patrie, qu’il a jusqu’à présent refusée, a-t-elle été repoussée jusqu’à ce qu’elle devienne impossible ?

Le pape François a en outre profité de sa rencontre avec Morales Solá pour envoyer un message indirect à l’archevêque Georg Gänswein, qui était le secrétaire personnel de Benoît XVI jusqu’à sa mort – et pour réécrire un peu l’histoire.

Pas d’avenir pour l’archevêque Gänswein – sous François

Mgr Gänswein est toujours officiellement préfet de la Maison pontificale. Mais François l’a déchargé de cette fonction depuis le printemps 2020. Le pape a ainsi exprimé sa désapprobation pour le fait que Benoît XVI, avec le cardinal Robert Sarah, ait contrecarré et empêché l’intention d’assouplir le célibat. Écoutons maintenant Morales Solá :

« François a décidé que Gänswein pouvait choisir de rester en Italie ou de retourner en Allemagne, mais les deux options doivent le conduire hors des murs du Vatican. Il doit également quitter dans quelques mois l’appartement qu’il occupe à l’intérieur du Vatican. François aurait rappelé à Gänswein que tous les secrétaires privés des papes retournaient dans leurs diocèses lorsque le pontife mourait. Il a cité le cas de l’ancien secrétaire privé de Jean-Paul II qui, après la fin du pontificat de Wojtyla, est retourné à Cracovie, dans sa Pologne natale ».

Toutefois, Stanisław Dziwisz, secrétaire personnel de Jean-Paul II, dont il était déjà le secrétaire depuis 1966, quand celui-ci était archevêque de Cracovie, a été nommé archevêque de Cracovie par Benoît XVI en 2005 et créé cardinal en 2006. Mgr Gänswein n’a pas à attendre de François qu’il le nomme évêque diocésain et encore moins qu’il l’élève à la dignité de cardinal.

D’après l’entretien avec Morales Solá, François n’a absolument rien à proposer pour le préfet de la Maison pontificale, en congé depuis trois ans déjà. Il ne s’agit plus que d’éloigner Gänswein du Vatican. En 2017, François a renvoyé le cardinal Gerhard Müller de son poste de préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi, sans lui attribuer de nouvelle tâche depuis. Faire la même chose avec Gänswein ne devrait donc pas être difficile pour François.

En revanche, la manière dont Morales Solá relate l’épisode qui a conduit à la rupture entre François et l’archevêque Gänswein est une falsification de l’histoire. Il prétend qu’il s’agit d’une sorte d’intrigue du secrétaire privé qui aurait mis le nom de Benoît sur le livre du cardinal Sarah à l’insu de ce dernier, au même niveau. Un détail insignifiant qui ne change rien au contenu du livre et au plaidoyer commun du cardinal Sarah et de Benoît XVI pour la défense du sacrement de l’ordre et du célibat sacerdotal. L’affirmation selon laquelle Benoît aurait alors retiré son nom est une déformation des faits. Notez la subtilité. Un élément secondaire est mis en avant pour discréditer le contenu indiscutable. Un tel procédé peut être qualifié de tentative de manipulation. Dans ce cas également, il ne peut y avoir aucun doute fondé sur le fait que Morales Solá reproduit ce qui lui a été dit par François.

Le prochain primat d’Argentine

La partie de l’entretien qui concerne le prochain archevêque de Buenos Aires et primat d’Argentine est importante pour l’Argentine. Le cardinal Mario Aurelio Poli, nommé par François en 2013 pour lui succéder, a atteint l’âge de 75 ans fin novembre 2022. Sa demande de démission, requise par le droit canonique, est depuis lors sur le bureau du pape. François s’est montré très réticent:

« Je peux seulement dire qu’il y a trois candidats solides ».

Avec ses autres déclarations à ce sujet, il n’a allumé qu’un écran de fumée et suscité le sourire las de Rome.

« Je ne peux citer personne, car un seul sera nommé. Je dois tenir compte de l’avis des institutions vaticanes et des cardinaux responsables de ces institutions. Ce n’est pas seulement une décision personnelle ».

Le fait est que depuis le début du pontificat, François prend seul les décisions de nominations d’évêques qui lui tiennent à cœur, en passant outre les autorités romaines compétentes. Cela vaut d’autant plus pour son ancien siège épiscopal de Buenos Aires.

François ne veut donc pas s’exposer prématurément. Un schéma de comportement bien connu de sa part, afin de minimiser les éventuelles discussions et résistances.

Il est considéré comme un secret de polichinelle que François a prévu son ghostwriter et ami personnel Víctor Manuel « Tucho » Fernández comme prochain archevêque de Buenos Aires. Pour Tucho Fernández, Jorge Mario Bergoglio, alors qu’il était encore archevêque de Buenos Aires, s’est opposé à la Congrégation romaine pour l’éducation – et a obtenu gain de cause. Lorsqu’il est devenu pape, il a immédiatement changé, en guise de représailles, la tête de la Congrégation pour l’éducation qui s’était mise en travers de son chemin. En 2018, « Tucho » a été nommé par François archevêque de La Plata, le deuxième siège épiscopal le plus important d’Argentine. Là aussi, il s’agissait d’une vengeance, car François a nommé Fernández comme successeur de l’archevêque Héctor Rubén Aguer, qui était l’adversaire de Bergoglio au sein de la Conférence épiscopale argentine. Une gifle pour la partie la plus conservatrice de l’Eglise en Argentine.

Tandis que le cardinal Poli publiait la « seule interprétation possible » de l’exhortation post-synodale controversée Amoris laetitia, Tucho Fernández a abrogé le Motu proprio Summorum Pontificum de Benoît XVI pour son archevêché peu après son intronisation comme archevêque de La Plata. Il a ainsi anticipé ce que François a imposé à l’Église universelle en juillet 2021 avec le Motu proprio Traditionis custodes. Dans les deux cas, dans l’affaiblissement de l’ordre sacramentel et de la doctrine morale et dans l’étranglement du rite traditionnel, les deux archevêques ont mis en œuvre leurs mesures en étroite concertation préalable avec Sainte Marthe. Dans les deux cas, il s’agissait de créer des précédents.

Tucho Fernandéz avait été qualifié d’ « hérétique » en juin 2016 par le cardinal Gerhard Müller, alors préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi.

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