Ecole Ratzinger – Au moment où l’archevêque Paglia, au nom du Pape, tente de donner, mine de rien, l’ultime coup de boutoir à la sacralité de la vie en « ouvrant » au « suicide assisté », il est peut-être bon de se souvenir ce que Benoît XVI n’a cessé de répéter sur ce sujet. Et de comparer avec son successeur, qui dès 2014, dans une interview au Corriere della Sera, avait prétendu ne pas comprendre ce que voulait dire l’expression « valeurs non négociables ».

Corriere – Dans un passé récent, il était habituel de faire appel à ce qu’on appelle les « valeurs non négociables », surtout en matière de bioéthique et de morale sexuelle. Vous n’avez pas repris cette formule. Les principes doctrinaux et moraux n’ont pas changé. Ce choix n’indique-t-il pas un style moins préceptif et plus respectueux de la conscience personnelle?

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François: Je n’ai jamais compris l’expression « valeurs non négociables ». Les valeurs sont des valeurs, c’est tout, je ne peux pas dire que parmi les doigts d’une main il y en a un de moins utile que l’autre. Donc, je ne comprends pas en quel sens, il peut y avoir des valeurs non négociables».

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https://benoit-et-moi.fr/2014-I/actualites/communication-directe.html

François ignorait donc publiquement l’enseignement de son prédécesseur. C’était volontaire, et avec le recul, on comprend qu’il était vain de lui rafraîchir la mémoire, même si cela aurait été facile.

A l’époque, pourtant, on croyait encore ou on feignait de croire qu’il y avait une continuité de Benoît XVI à François, par loyauté, ou peut-être pour se rassurer. Mais certains commençaient à se poser des questions. Comme Francesco Colafemmina, qui tenait le très beau blog Fides et Forma, aujourd’hui malheureusement disparu. Il avait cherché les discours de Benoît XVI qui parlaient explicitement de « Valeurs non négociables » depuis son accession au Siège de Pierre, et il en avait trouvé pas moins de six.


I. 30 MARS 2006

Discours aux participants au congrès promu par le Parti Populaire Européen.

En ce qui concerne l’Eglise catholique, l’objet principal de ses interventions dans le débat public porte sur la protection et la promotion de la dignité de la personne et elle accorde donc volontairement une attention particulière à certains principes qui ne sont pas négociables. Parmi ceux-ci, les principes suivants apparaissent aujourd’hui de manière claire:
– la protection de la vie à toutes ses étapes, du premier moment de sa conception jusqu’à sa mort naturelle;
– la reconnaissance et la promotion de la structure naturelle de la famille – comme union entre un homme et une femme fondée sur le mariage – et sa défense contre des tentatives de la rendre juridiquement équivalente à des formes d’union radicalement différentes qui, en réalité, lui portent préjudice et contribuent à sa déstabilisation, en obscurcissant son caractère spécifique et son rôle social irremplaçable;
– la protection du droit des parents d’éduquer leurs enfants.
Ces principes ne sont pas des vérités de foi, même si ils reçoivent un éclairage et une confirmation supplémentaire de la foi; ils sont inscrits dans la nature humaine elle-même et ils sont donc communs à toute l’humanité. L’action de l’Eglise en vue de leur promotion n’est donc pas à caractère confessionnel, mais elle vise toutes les personnes, sans distinction religieuse. Inversement, une telle action est d’autant plus nécessaire que ces principes sont niés ou mal compris, parce cela constitue une offense contre la vérité de la personne humaine, une blessure grave infligée à la justice elle-même.

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II. 22 FÉVRIER 2007

Exhortation Apostolique Post-Synodale Sacramentum Caritatis.

Il est important de relever ce que les Pères synodaux ont appelé cohérence eucharistique, à laquelle notre existence est objectivement appelée. En effet, le culte agréable à Dieu n’est jamais un acte purement privé, sans conséquence sur nos relations sociales: il requiert un témoignage public de notre foi. Évidemment, cela vaut pour tous les baptisés, mais s’impose avec une exigence particulière pour ceux qui, par la position sociale ou politique qu’ils occupent, doivent prendre des décisions concernant les valeurs fondamentales, comme le respect et la défense de la vie humaine, de sa conception à sa fin naturelle, comme la famille fondée sur le mariage entre homme et femme, la liberté d’éducation des enfants et la promotion du bien commun sous toutes ses formes. Ces valeurs ne sont pas négociables. Par conséquent, les hommes politiques et les législateurs catholiques, conscients de leur grave responsabilité sociale, doivent se sentir particulièrement interpellés par leur conscience, justement formée, pour présenter et soutenir des lois inspirées par les valeurs fondées sur la nature humaine. Cela a, entre autres, un lien objectif avec l’Eucharistie (cf. 1 Co 11, 27-29). Les Évêques sont tenus de rappeler constamment ces valeurs; cela fait partie de leur responsabilité à l’égard du troupeau qui leur est confié.

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III. 12 MAI 2008

Aux membres du Mouvement pour la vie.

Votre initiative auprès de la Commission pour les pétitions du parlement européen, dans laquelle vous affirmez les valeurs fondamentales du droit à la vie depuis sa conception, de la famille fondée sur le mariage d’un homme et d’une femme, du droit de tout être humain conçu à naître et à être éduqué dans une famille de parents, confirme encore la solidité de votre engagement et votre pleine communion avec le Magistère de l’Eglise, qui proclame depuis toujours ces valeurs comme « non négociables ».

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IV. 16 JUIN 2010

Audience générale.

Lorsque la loi naturelle et la responsabilité qu’elle implique sont niées, on ouvre de façon dramatique la voie au relativisme éthique sur le plan individuel et au totalitarisme de l’Etat sur le plan politique. La défense des droits universels de l’homme et l’affirmation de la valeur absolue de la dignité de la personne présupposent un fondement. Ce fondement n’est-il pas la loi naturelle, avec les valeurs non négociables qu’elle indique? Le vénérable Jean-Paul II écrivait dans son encyclique Evangelium vitae des paroles qui demeurent d’une grande actualité: «Pour l’avenir de la société et pour le développement d’une saine démocratie, il est donc urgent de redécouvrir l’existence de valeurs humaines et morales essentielles et originelles, qui découlent de la vérité même de l’être humain et qui expriment et protègent la dignité de la personne: ce sont donc des valeurs qu’aucune personne, aucune majorité ni aucun Etat ne pourront jamais créer, modifier ou abolir, mais que l’on est tenu de reconnaître, respecter et promouvoir»

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V. 27 MAI 2011

Discours à la Caritas internationale.

D’autre part, chaque catholique, et même, en vérité, tout homme, est appelé à agir avec une conscience purifiée et avec un cœur généreux pour promouvoir de manière résolue ces valeurs que j’ai souvent définies comme « non négociables »

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VI. 21 DÉCEMBRE 2012

Voeux à la Curie Romaine.

Dans le dialogue avec l’État et avec la société, l’Église n’a certainement pas de solutions toute faites à chaque question. Avec les autres forces sociales, elle luttera en faveur des réponses qui correspondent le plus à la juste mesure de l’être humain. Elle doit défendre avec la plus grande clarté ce qu’elle a identifié comme valeurs fondamentales, constitutives et non négociables, de l’existence humaine. Elle doit faire tout son possible pour créer une conviction qui ensuite puisse se traduire en action politique.

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