Ecole Ratzinger: ce discours de Benoît XVI, adressé aux participants à un symposium promu par la CEI sur le thème « Visages et langages à l’ère du tout numérique (/era crossmediale) » date d’il y a déjà 13 ans et l’on sait que dans le domaine des médias numériques, les choses évoluent à une vitesse hallucinante. Il pourrait donc être dépassé, mais le Saint-Père parvient à élargir le propos pour le rendre actuel encore aujourd’hui. en confiant aux chrétiens impliqués dans la communication la tâche de ne pas perdre la profondeur des personnes, et en leur demandant de faire du Réseau une sorte de cour des « Gentils », un endroit pour « ceux pour qui Dieu est encore un inconnu ».

Le temps que nous vivons connaît une énorme expansion des frontières de la communication, réalise une convergence sans précédent entre les différents medias et rend possible l’interactivité. Le Réseau manifeste donc une vocation ouverte, à tendance pluraliste et égalitaire, mais en même temps, il marque une nouvelle fracture: on parle en effet de digital divide (fracture numérique, ndt). Elle sépare les inclus des exclus, et s’ajoute à d’autres divergences qui éloignent déjà les nations entre elles et aussi dans leur intérieur. Elle augmente les dangers d’uniformisation et de contrôle, de relativisme intellectuel et moral, déjà bien reconnaissable dans le déclin de l’esprit critique, dans la vérité réduite à un jeu d’opinions, dans les multiples formes de dégradation et d’humiliation de l’intimité de la personne. On assiste alors à une « pollution de l’esprit, celle qui rend nos visages moins souriants, plus sombres, qui nous conduit à ne pas nous saluer les uns les autres, à ne pas nous regarder en face. ». Ce Congrès, au contraire, vise à reconnaître les visages, et ainsi à dépasser ces dynamiques collectives qui peuvent nous faire perdre la perception de la profondeur des personnes, et rester à leur surface: lorsque cela se produit, ce sont des corps sans âme, des objets d’échange et de consommation.

Comment peut-on aujourd’hui revenir aux visages? J’ai essayé d’en indiquer le chemin dans ma troisième encyclique. Il passe par cette Caritas in Veritate, qui brille dans le visage du Christ. L’amour dans la vérité constitue « un grand défi pour l’Eglise dans un monde en constante et envahissante mondialisation » (n ° 9).
Les médias peuvent devenir facteurs d’humanisation, « non seulement quand, grâce au développement technologique, ils offrent davantage de possibilités de communication et d’information, mais surtout quand ils sont organisés et orientés à la lumière d’une image de la personne et du bien commun qui en respecte les valeurs universelles » (n ° 73).
Il faut pour cela qu' »ils soient axés sur la promotion de la dignité des personnes et des peuples, qu’ils soient clairement inspirés par la charité et mis au service de la vérité, de la bonté et de la fraternité naturelle et surnaturelle » (ibid..)
Ce n’est qu’à ces conditions que l’époque que nous vivons peut être riche et fertile de nouvelles opportunités.
Sans crainte, nous voulons prendre le large dans l’océan numérique, affrontant la navigation avec cette même passion qui depuis deux mille ans gouverne la barque de l’Eglise. Plus que de ressources techniques, pourtant nécessaire, nous voulons aussi nous qualifier en habitant cet univers avec un cœur croyant, qui contribue à donner une âme au flot ininterrompu de communication du Réseau.

Telle est notre mission, la mission essentielle de l’Eglise: la tâche de chaque croyant qui travaille dans les medias consiste à « ouvrir la voie à de nouvelles rencontre, en veillant toujours à la qualité du contact humain et à l’attention aux personnes et à leurs besoins spirituels vrais; offrant aux gens qui vivent cette époque numérique les signes nécessaires pour reconnaître le Seigneur » (Message pour la 44ème Journée mondiale des communications sociales, 16 mai 2010).
Chers amis, sur la Toile aussi, vous êtes appelés à vous placer comme « leaders de communautés » attentifs à « préparer la voie qui mène à la Parole de Dieu », et à exprimer une sensibilité particulière pour ceux qui sont découragés et ont à cœur des désirs d’absolu, et de vérités qui ne soient pas caduques (ibid.). Le Réseau pourra ainsi devenir une sorte de cour des « Gentil », un endroit pour « ceux pour qui Dieu est encore un inconnu »(ibid.).

Comme animateurs de la culture et de la communication, vous êtes le signe vivant de ce que « les moyens modernes de communication font depuis longtemps partie des instruments ordinaires à travers lequel les communautés ecclésiales s’expriment, entrant en contact avec leur propre territoire et instaurant très souvent, des formes de dialogue plus large » (ibid.).
(…)

(…) Je vous invite à parcourir, inspirés par le courage de l’Esprit Saint, les chemins du continent numérique. Ne plaçons pas sans critique notre confiance dans n’importe quel instrument de la technique. Notre force réside dans « l’être » l’Eglise, communauté croyante, capable de témoigner pour tous l’éternelle nouveauté du Ressuscité, comme une vigne qui fleurit pleinement dans la mesure où elle s’ouvre, entre en relation, se donne gratuitement.

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