« Avais-je le choix? ». Il est arrivé à Fribourg, la résidence qui lui a été assignée par faveur spéciale du pape miséricordieux et il suscite une vive curiosité de la part des fidèles (le voir, c’est aussi voir un peu de Benoît XVI) , mais aussi des médias, se retrouvant la cible d’une véritable chasse à l’homme.. bienveillante (j’en connais un qui ne doit pas être tout à fait tranquille…). Il Corriere della Sera, premier quotidien italien a envoyé un reporter spécialement à sa recherche dans la ville universitaire de la Forêt Noire, et le journaliste a même réussi à s’entretenir brièvement avec lui, mais avec des règles strictes: conversation informelle, pas de questions sur les polémiques.
Bref, les non-dits sont ici nettement plus intéressants que les mots prononcés, entre ironie et amertume.

La nouvelle vie de padre Georg en Allemagne : « Je suis un casse-pieds, il est trop tôt pour dire comment ce sera ».

Fulvio Fiano, envoyé du Corriere della Sera à Fribourg en Breigsau
roma.corriere.it

« Je suis arrivé il y a quatre jours, il est trop tôt pour dire à quoi ressemblera cette nouvelle vie. Je dois encore comprendre quoi faire ».

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Padre Georg Gänswein semble en effet quelque peu perdu. Depuis l’annonce de « l’exil » qui lui a été imposé mi-juin par le pape François à aujourd’hui, un mois s’est écoulé, mais tout reste à écrire. Qu’a-t-il en tête ? « Dans les prochains jours, je vais voir Mgr Berger, nous allons en discuter. Je suis un casse-pieds », dit-il en plaisantant, « dans le sens où je suis encombrant, je me suis retrouvé au milieu de cette situation ». C’est peut-être aussi pour cela que son retour à Fribourg, son diocèse, a été entouré du plus grand secret, voire du plus grand mystère. Jusqu’à présent, il n’avait jamais parlé.

Tout le monde le cherche

Les recherches commencent dès le matin. Il ne figure pas parmi les six célébrants de la messe de 7 heures dans la majestueuse cathédrale de Münsterplatz, le jour de la Saint-Ulrich, patron de Breisgau, où, selon de nombreux fidèles qui cherchaient des nouvelles au bureau paroissial de la Herrenstrasse la veille au soir, il aurait fait sa première apparition publique. Il n’est pas parmi les milliers de tables de bars et de restaurants qui grouillent de touristes et d’étudiants, tandis que les Fribourgeois jettent des coups d’œil discrets, espérant apercevoir cet autre illustre concitoyen, en plus de Joachim Löw, l’ancien sélectionneur de l’équipe nationale allemande. Gänswein ne répond pas à son ami de longue date Joachim Roderer, qui montre fièrement une photo datant d’il y a dix ans où, coiffés de chapeaux aux couleurs étranges, lui et quelques amis en voyage à Rome ont eu la chance de rencontrer Papa Ratzinger.

Le mystère de sa présence dans la ville

De sa présence en ville, en revanche, le service de presse de l’archevêché ne donne aucune confirmation, pas plus que le concierge du Collegium Borromaenum, où il résiderait, ne va au-delà de la concession de pouvoir accepter une note écrite au stylo à déposer dans sa boîte privée. « Mais il est là? Il va la lire ? » « Parlez-en au bureau de presse ».

Attente et discrétion

Dernière adresse connue, Santa Marta, Cité du Vatican, nouvelle résidence supposée Schoferstrasse, bénéficiaire d’un appartement de 150 mètres carrés. Depuis que le journal Die Welt a annoncé en avant-première son arrivée, les indiscrétions vont bon train. Prévue pour le 1er juillet, repoussée au 7, donnée pour certaine il y a une semaine (seul indice : les signes d’un déménagement apparus devant le Collège). « Le George Clooney du Vatican revient en Allemagne », prédit le Bild. « Ni l’archevêque Berger ni le vicaire général Neubrand n’ont été informés », a dit le Badische Zeitung. Mais Padre Georg est-il là ou non ? « Bien sûr, il est au collège », lâche un novice, avant de recevoir les foudres de son supérieur.

Exil et polémique

Rappel nécessaire : le pape François, avec lequel il n’a jamais été en bons termes, a congédié l’ancien secrétaire personnel de Benoît XVI après 28 ans au Vatican, le réaffectant en Allemagne  » pour le moment « .

Gänswein n’a toutefois pas de nouvel emploi. Il a presque 67 ans et il est à huit ans de la retraite. L’archevêque de Fribourg, déjà secoué par un scandale d’abus sexuels, n’est pas autorisé à lui donner des directives. Il s’agit d’une situation inédite et leur coopération devra être négociée sur des bases qui ne sont pas simples.

Le Brisgau, avec 1,8 million d’habitants, est l’un des plus grands archidiocèses d’Allemagne, mais les messes de la cathédrale sont à moitié désertes et sur Gänswein, bien plus traditionaliste que l’église locale, se concentrent aussi les espoirs d’un renouveau. Stephan Ort, théologien et rédacteur en chef du magazine catholique Herder, dans lequel Gänswein a aussi écrit, minimise : « Il est normal d’avoir cette attente pour une telle figure médiatique, mais il n’y a pas de problème de double archevêque.

Bientôt, je saurai

L’heure du dîner approche. Alors que l’orchestre des jeunes sort du collège, il est enfin là.

Padre Georg, vous permettez? L’accueil qu’il réserve à cette intrusion est sincère, il semble presque heureux de recevoir une telle attention dans les limbes où il se trouve : « J’ai vu votre note, est-ce que le Corriere vous a vraiment envoyé me chercher ? Comme vous le savez, j’ai promis de me taire et d’obéir« .

L’entretien informel

Les règles sont alors immédiatement claires. Conversation informelle, pas de questions sur les controverses, y compris la dernière sur une cérémonie célébrée sur le lac de Constance, sur le chemin du retour. Passer de la sacralité de Rome à l’informalité de Fribourg, où, pendant la messe, un étal de navets et de rhubarbe pour le marché bio quotidien est installé juste devant l’entrée de la cathédrale, ne doit pas être facile.

Incertitude quant à l’avenir

Friburg est belle », dit sans hésiter Padre Georg, « j’ai étudié ici il y a 40 ans, on vit bien. Avez-vous vu les canaux d’eau ?Mis bout à bout, ils font 60 kilomètres. Et puis il y a du très bon vin, meilleur que le vin italien ». L’objection ne se fait pas attendre : « Je parle du vin d’ici, pas de tout le vin allemand ». Et sur l’attente de ceux qui espèrent que vous relancerez le diocèse ? « Les gens d’ici me connaissent mieux que je ne les connais, voyons voir ». Puis il s’éloigne : « Transmettez mes salutations à Rome et bon retour. Qui est en grève dans les aéroports ? »

Padre Georg n’a pas perdu son sourire malgré tout : « Avais-je le choix ? ».

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