A lire ABSOLUMENT. Six mois après la mort de l’homme exceptionnel à qui il doit sa notoriété, mais surtout après les dernières provocations du locataire de Sainte Marthe (j’ai de plus en plus de mal à appeler « le Pape »…), et aussi après des années de langue de bois obligée, le biographe de Benoît XVI dit enfin ce qu’il a sur le cœur et vide son sac. Tous et tout y passent: de McCarrick à Danneels et la Mafia de St Gall, de l’affront des funérailles à la muflerie envers Georg Ganswein, de la personnalité brutale de François, magnifiée par des journalistes renégats aux dépens de Benoît XVI au saccage de son héritage et à l’inimaginable nomination (« grotesque ») de Tucho à la DDF et ses piètres « performances » dans la gestion des abus en Argentine. Sans parler, et ce n’est pas la moindre information, du coup de poignard au cœur qu’a été l’abrogation de Summorum Pontificum (le Saint-Père l’a appris en lisant l’OR, sa santé ne s’en est pas remise, nous dit Seewald)
.
Il était temps. Merci aux amis de Belgicatho, grâce auxquels je découvre cette interview passionnante que le journaliste allemand a accordée à l’agence germanophone kath.net, que je me permets de reproduire ici.
.
J’espère juste que les « vaticanistes » et les blogs vont enfin faire leur job.

Bergoglio savait qu’il ne pouvait pas égaler Ratzinger dans son éclat et sa noblesse théologiques. Il s’est concentré sur les effets et a eu le vent en poupe grâce aux médias qui ne voulaient pas regarder de trop près pour ne pas devoir voir que derrière le pape décrit comme ouvert et progressiste se cachait un gouvernant parfois très autoritaire, ainsi que Bergoglio était déjà connu en Argentine.

.

Certains journalistes font carrément de la mise en scène d’un « pape réformateur » un modèle commercial pour leurs livres : le « combattant au Vatican » qui se défend contre les « loups », notamment contre le « pape de l’ombre » Benoît et sa clique réactionnaire. En réalité, il n’y a jamais eu de pape de l’ombre. En tant que pape émérite, Benoît avait évité tout ce qui aurait pu, de près ou de loin, donner l’impression qu’il régnait sur le pontificat de son successeur.

La rupture de la digue !

https://www.kath.net

kath.net : Monsieur Seewald, à l’occasion de l’annonce des nouveaux cardinaux nommés et du futur préfet du dicastère de la foi, le magazine Der Spiegel a titré : « Le pape François fait le ménage dans l’héritage de Benoît ». Le Frankfurter Rundschau a écrit : « Franziskus bricht endgültig mit Benedikt » (François rompt définitivement avec Benoît). Avez-vous été surpris par ces gros titres ?

Seewald : Pas vraiment. D’une part, ils correspondent aux souhaits des médias concernés, d’autre part, on a pu observer que le cours du pape François se radicalise ou, disons, se dévoile avec l’âge. Si en plus un collaborateur émérite comme l’archevêque Georg Gänswein est banni du Vatican et qu’en même temps un protégé est nommé gardien suprême de la foi, dont les qualifications pour la fonction la plus importante de l’Eglise catholique semblent douteuses, c’est déjà une annonce.

kath.net : Le futur chef de l’autorité de la foi, l’Argentin Victor Fernández, a défini sa future mission en disant qu' »une croissance harmonieuse préservera la doctrine chrétienne plus efficacement que n’importe quel mécanisme de contrôle ».

Seewald : C’est non seulement flou, mais aussi grotesque au vu de la crise dramatique que traverse l’Eglise en Occident. Le fait que le pape François déclare en même temps que le dicastère a « utilisé des méthodes immorales » dans le passé doit faire réfléchir. Comment ne pas y voir une allusion à l’ancien préfet de la foi Joseph Ratzinger ? Ainsi que comme une tentative de légitimer le changement de cap.

kath.net : Dans votre dernier livre  « Benedikts Vermächtnis » [L’héritage de Benoît] , vous citez encore les paroles élogieuses que François a gardées pour son prédécesseur. Il l’a qualifié de « grand pape » : « Grand par la force de son intelligence, par sa contribution à la théologie, grand par son amour pour l’Eglise et les hommes, grand par ses vertus et sa foi ».

Seewald : Cela m’a beaucoup ému. Et c’est aussi très juste. Il n’y a aucun observateur averti qui ne reconnaîtrait en Ratzinger l’un des plus grands enseignants sur le siège de Pierre. Mais aujourd’hui, on doit se demander si les confessions de Bergoglio n’étaient pas que des déclarations du bout des lèvres, voire des écrans de fumée. Nous nous souvenons tous des paroles chaleureuses de Ratzinger lors de la messe de requiem pour Jean-Paul II, des paroles qui allaient droit au cœur, qui parlaient d’amour chrétien, de respect. Mais personne ne se souvient des paroles de Bergoglio lors de la messe de requiem pour Benoît XVI. Elles étaient aussi froides que toute la cérémonie, qui ne pouvait pas être assez courte pour ne pas rendre une once d’honneur de trop à son prédécesseur.

kath.net : Qu’est-ce que cela signifie ?

Seewald : C’est très simple : si l’on est sérieux, on essaie tout de même de cultiver et d’utiliser l’héritage d’un « grand pape » – et non de l’endommager. Benoît XVI a montré l’exemple. En traitant l’héritage de Jean-Paul II, il a souligné l’importance de la continuité et des grandes traditions de l’Eglise catholique, sans pour autant se fermer aux nouveautés. François, en revanche, veut sortir de la continuité. Et donc de la tradition doctrinale de l’Église.

kath.net : Mais n’y a-t-il pas toujours besoin de changements, de progrès ?

Seewald : L’Église est en chemin. Mais elle ne vit pas d’elle-même. Elle n’est pas une masse de manœuvre au gré des dirigeants du moment. Pour Ratzinger, le renouvellement consistait à redécouvrir la compétence centrale de l’Église – pour redevenir ensuite cette source dont la société a besoin pour ne pas s’enliser spirituellement, moralement et psychiquement. La réforme signifie préserver dans le renouvellement, renouveler dans la préservation, afin d’apporter le témoignage de la foi avec une clarté nouvelle dans l’obscurité du monde. La recherche de l’actualité ne doit jamais conduire à l’abandon de ce qui est vrai et valable et à une adaptation à l’actualité du moment.

kath.net : Et c’est différent maintenant ?

Seewald : On en a l’impression. La nomination du futur préfet de la foi exprime de manière significative ce que les gros titres cités au début veulent dire par la destruction de l’héritage de Benoît. Alors que François a écarté à la première occasion le cardinal Müller, appelé par Benoît, il hisse maintenant à ce poste, avec son acolyte argentin de longue date, quelqu’un qui a immédiatement annoncé une sorte d’autodémolition. Il veut modifier le catéchisme, relativiser les affirmations de la Bible, mettre le célibat en discussion.

kath.net : Victor Fernández est considéré comme le ghostwriter du pape.

Seewald : Oui, pour des discours souvent assez vides de contenu, ou encore pour l’encyclique controversée « Amoris Laetitia ». Avec des éléments que les critiques ont décrits comme « illisibles jusqu’à l’eau de rose » et que les experts considèrent à la limite de l’hérésie.

kath.net : François est toujours considéré comme un « pape réformateur ».

Seewald : Le début a attiré l’attention [note de moi: !!!]. J’ai été impressionné par son engagement pour les pauvres, les réfugiés, pour la protection inviolable de la vie. En même temps, le public étonné a observé que Bergoglio ne tenait pas beaucoup de ses promesses, qu’il se contredisait sans cesse et qu’il créait ainsi une confusion considérable. A cela s’ajoutent les nombreux cas où il a gouverné durement, destitué des personnes mal vues et fermé des institutions précieuses créées sous Jean-Paul II.

kath.net : Bergoglio a certes vu pour lui d’autres tâches que celles de Benoît.

Seewald : On ne peut pas le lui reprocher. Mais les derniers développements laissent entrevoir une véritable rupture de digue. Et au vu du déclin dramatique du christianisme en Europe, cela pourrait se transformer en une inondation qui détruirait ce qui a encore résisté.

kath.net : Ce sont des termes forts…

Seewald : Les dernières nouvelles en provenance du Vatican m’ont rappelé un essai devenu célèbre de Georgio Agamben. Dans son texte sur le « mystère du mal », le philosophe le plus discuté de notre époque met en cause Benoît XVI. En tant que jeune théologien, Ratzinger aurait un jour fait la distinction, dans une interprétation de Saint Augustin, entre une Eglise des infâmes et une Eglise des justes. Depuis le début, l’Église est inextricablement mélangée. Elle est à la fois l’Eglise du Christ et l’Eglise de l’Antéchrist. Il y a cependant, selon Agamben, l’idée du katechon…

kath.net : Comment cela ?

Seewald : En se référant à la deuxième lettre de l’apôtre Paul aux Thessaloniciens, on entend par là le principe de l’arrêt. Un terme qui est aussi interprété comme un « empêchement », pour quelque chose ou pour quelqu’un qui retarde la fin des temps. Selon Agamben, Benoît XVI était en quelque sorte un « stoppeur ». Dans ce contexte, sa démission aurait inévitablement provoqué une séparation de la « belle » et de la « noire » Eglise, cette marge dans laquelle le bon grain se sépare de l’ivraie. C’est une thèse très dure. Mais le pape émérite était apparemment du même avis. Il doit encore rester, a-t-il répondu à ma question de savoir pourquoi il ne pouvait pas mourir. Comme un mémorial pour le message authentique de Jésus, comme une lumière sur la montagne. « A la fin, le Christ vaincra », a-t-il ajouté.

kath.net : L’évolution qui se dessine actuellement au Vatican a-t-elle été une surprise pour vous ?

Seewald : Dès le premier jour de son pontificat, le pape François a tenté de se démarquer de son prédécesseur. Ce n’était un secret pour personne que les deux hommes n’avaient pas seulement des tempéraments opposés, mais aussi des conceptions opposées de l’avenir de l’Eglise. Bergoglio savait qu’il ne pouvait pas égaler Ratzinger dans son éclat et sa noblesse théologiques. Il s’est concentré sur les effets et a eu le vent en poupe grâce aux médias qui ne voulaient pas regarder de trop près pour ne pas devoir voir que derrière le pape décrit comme ouvert et progressiste se cachait un gouvernant parfois très autoritaire, ainsi que Bergoglio était déjà connu en Argentine.

Certains journalistes font carrément de la mise en scène d’un « pape réformateur » un modèle commercial pour leurs livres : le « combattant au Vatican » qui se défend contre les « loups », notamment contre le « pape de l’ombre » Benoît et sa clique réactionnaire. En réalité, il n’y a jamais eu de pape de l’ombre. En tant que pape émérite, Benoît avait évité tout ce qui aurait pu, de près ou de loin, donner l’impression qu’il régnait sur le pontificat de son successeur. Et si l’on voulait chercher les « loups », on voit qu’ils sont tous restés sur le carreau.

Une photo qui se passe de commentaires, pour qui a des yeux pour voir

kath.net : On a dit qu’il n’y avait pas de place pour une feuille de papier entre l’ex-pape et le pape actuel.

Seewald : Eh bien, c’était plutôt un vœu pieux. Il y a eu la photo de la première rencontre. Deux hommes en blanc. Deux papes, et tous deux vivants. C’était un choc qu’il fallait surmonter. Bergoglio a favorisé l’image de l’entente en s’exprimant de temps en temps positivement sur son prédécesseur. Benoît lui faisait confiance. A l’inverse, François n’avait aucun scrupule à rayer d’un trait de plume l’un des projets préférés de son prédécesseur.

kath.net : Qu’entendez-vous par là ?

Seewald : La lettre apostolique « Summorum Pontificum ». Elle libéralisait l’accès à la liturgie classique. Ratzinger voulait ainsi pacifier l’Église sans pour autant remettre en question la validité de la messe selon le missel romain de 1962. « C’est dans l’utilisation de la liturgie », expliquait-il, « que se décide le sort de la foi et de l’Église ». François qualifie en revanche les formes traditionnelles de « maladie nostalgique ». Il y aurait un « danger » de retour en arrière en réaction à la modernité. Comme si l’on pouvait contrôler les tendances, les aspirations, les besoins par des décrets d’interdiction. Les bolcheviks avaient déjà essayé en vain de le faire.

kath.net : Il y aurait eu un sondage selon lequel la majorité de l’épiscopat mondial était favorable à un retrait.

Seewald. Ce n’est pas vrai. D’une part, seuls quelques évêques ont répondu à ce sondage, et d’autre part, à ma connaissance, ils ne se sont pas prononcés majoritairement contre le motu proprio « Summorum Pontificum » de Benoît. Les résultats n’ont jamais été publiés, comme on peut s’en douter. Et quel manque de style que le pape émérite ait dû ensuite apprendre la modification par « L’Osservatore Romano ». Pour lui, c’était comme un coup de poignard dans le cœur. Sa santé ne s’en est pas remise. Peu après sa mort, le monde entier a pu suivre comment Bergoglio a encore durci le ton.

kath.net : Vous faites allusion au cas Gänswein ?

Seewald : Bergoglio ne s’est pas rendu service avec cette affaire. Cela lui ôte toute crédibilité. On ne peut pas parler en permanence, Bible en main, d’amour fraternel, de respect mutuel et de miséricorde et en même temps piétiner ces vertus. La brutalité et l’humiliation publique avec lesquelles un homme aussi méritant que Gänswein a été largué sont sans précédent. Même la coutume d’accorder un mot de remerciement à un collaborateur qui quitte l’entreprise, comme cela se fait dans la plus petite des entreprises, n’a pas été respectée.

kath.net : Les médias parlent d’un « acte de vengeance » à l’encontre de Gänswein.

Seewald : Mais se venger pour quoi ? Parce que quelqu’un a fait preuve ici, tout en respectant la loyauté, non pas d’une mentalité de soumission, mais de cette maturité que Bergoglio revendique toujours ? Parce qu’il a publié un livre qui, au vu des fausses représentations persistantes de l’œuvre et de la personne du pape allemand, est important et nécessaire ? Un livre dans lequel François est d’ailleurs tout sauf malmené ? Le pape a déclassé Gänswein, mais il voulait parler de celui que Gänswein représente. Et dont on veut mettre l’héritage de côté, comme on a mis de côté son plus proche collaborateur. Pour la traduction du livre de Gänswein en allemand, la maison d’édition Herder n’a pas été autorisée à faire appel, comme d’habitude, aux traducteurs du Vatican, m’a-t-on dit dans les milieux de l’édition. Ce travail leur avait été strictement interdit.

kath.net : Revenons à la personnalité de Fernández, le futur préfet de la foi. Lorsqu’il devait devenir recteur de l’Université catholique pontificale d’Argentine, il y avait eu des réserves.

Seewald : La Congrégation pour la doctrine de la foi avait des réserves d’ordre doctrinal et la Congrégation pour l’éducation le jugeait inapte à occuper un poste de direction aussi important. C’est l’archevêque de Buenos Aires de l’époque, Jorge Mario Bergoglio, qui l’a imposé. En tant que pape, Bergoglio lui ouvre désormais la voie vers Rome en redéfinissant les tâches d’un préfet du dicastère de la foi. Il ne s’agirait pas tant de préserver la doctrine que de faire grandir la compréhension de la vérité, « sans s’enfermer dans une seule forme d’expression ». En clair : sans se fixer.

Ce n’est pas tant un rôle de gardien qui est demandé, a écrit François Fernández, mais celui de promoteur du charisme des théologiens, quoi que cela puisse signifier. La réalité est toujours plus importante que l’idée. En clair : ce qui est demandé à un moment donné. Fernández devrait avant tout « tenir compte du magistère le plus récent », c’est-à-dire celui de François. Bergoglio avait déjà édulcoré cet article édicté par Jean-Paul II sur l’ordre du dicastère, qui portait sur la protection de « la vérité de la foi et l’intégrité des mœurs ».

kath.net : Comment faut-il considérer le mot de François sur les « mesures immorales » de la part de l’ancienne Congrégation pour la doctrine de la foi ?

Seewald : Cela renouait avec la lecture que les médias hostiles à l’Eglise faisaient du « panzer cardinal » et de la « ligne dure » Joseph Ratzinger. Le « Spiegel » a immédiatement repris le projet et a parlé une fois de plus de l’ancien « policier de la foi », qui serait également responsable du retrait de l’autorisation d’enseigner à Hans Küng. Une absurdité totale, tout comme la plupart des clichés habituels sur l’ancien cardinal. En tant que préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi, Ratzinger se considérait tout sauf comme un persécuteur et encore moins comme quelqu’un opérant avec des « méthodes immorales ».

Immédiatement après sa prise de fonction, les évêques, théologiens et prêtres contestés n’ont plus été rabroués, comme c’était le cas auparavant, mais ont été invités à Rome dans les cas importants afin de se confronter personnellement à leurs divergences d’opinion. Ratzinger a renforcé les droits des auteurs et a donné pour la première fois aux théologiens accusés de déviation dogmatique le droit de se défendre. Il n’y a jamais eu non plus, comme le raconte une légende noire, d’obligation formelle de se taire vis-à-vis de Leonardo Boff. La controverse ne portait pas non plus sur la théologie de la libération, mais sur les déclarations christologiques douteuses de Boff.

kath.net : Au lieu d’une Église d’en haut ou d’une Église d’en bas, Ratzinger a recommandé une « Église de l’intérieur ».

Seewald : « C’est justement en période d’instabilité, a-t-il expliqué, que l’Église doit se souvenir doublement de ce qui lui est propre. Ce n’est que par son éthique résolue qu’elle peut devenir un véritable conseiller et partenaire dans les questions difficiles de la civilisation moderne. Contrairement à d’autres théologiens, a jugé le théologien libéral munichois Eugen Biser, « qui ont rejeté pierre par pierre l’ancien édifice parce qu’il ne convenait pas à leur nouvel édifice », Ratzinger est toujours resté « fidèle à l’origine ». Il a pris au sérieux l’éternel avertissement de Jésus à son Église, que le Christ a exprimé, selon l’Évangile de Marc, dans une parole dramatique adressée à Pierre : « Va-t’en, Satan ! Tu veux me faire tomber, car tu n’as pas en vue ce que Dieu veut, mais ce que les hommes veulent ».

kath.net : On dit que Fernández a d’abord refusé la nomination au poste de préfet de la foi.

Seewald : Ce n’est que lorsque le pape lui a assuré qu’il n’avait pas à s’occuper des abus sexuels dans l’Église qu’il a donné son accord. Là encore, une nette différence d’orientation. Alors que Fernández se décharge de la responsabilité des abus, Ratzinger, en tant que préfet, les a attirés dans son domaine, car il voyait qu’ailleurs les délits étaient balayés et les victimes laissées seules. Fernández n’est toutefois pas un inconnu sur ce sujet. Selon le journal argentin « La Izquierda Diario », le futur préfet de la foi aurait, en tant qu’archevêque de La Plata, couvert au moins onze cas d’abus sexuels commis par des prêtres « sous différentes formes ». Le cas le plus connu aurait été celui de l’ancien aumônier de prison Eduardo Lorenzo, qui s’est suicidé en 2019 pour éviter d’être arrêté par la police.

kath.net : Le traitement des abus est-il une face cachée du pontificat de Bergoglio ?  

Seewald : Deux exemples : Le cardinal belge Godfried Danneels a fait les gros titres en 2010 parce qu’en tant qu’archevêque, il avait couvert les abus d’enfants par des prêtres et ensuite couvert un évêque qui avait abusé de son propre neveu. Ce qui n’a pas empêché le pape François de le nommer synode de la conférence sur la famille à Rome à l’automne 2014. Danneels était l’une des forces motrices de la « mafia de Saint-Gall », un groupe de cardinaux qui voulait déjà imposer Bergoglio comme pape lors du conclave de 2005 ; ce qui a d’ailleurs failli réussir.

François n’avait pas non plus de problème à nommer Theodore McCarrick, l’ancien archevêque de Washington, connu pour ses abus, dans les instances vaticanes. Benoît XVI avait pris des mesures contre McCarrick, François lui a en revanche confié des négociations avec la République populaire de Chine. Celles-ci ont abouti à un accord par lequel l’Eglise catholique clandestine, encore encouragée par Benoît XVI, a été subordonnée aux autorités étatiques. Depuis, des banderoles portant des inscriptions telles que « Aimez le Parti communiste » sont accrochées dans les églises chinoises. Début avril de cette année, les communistes ont nommé un nouvel évêque pour Shanghai sans en référer au Vatican. Le cardinal Pietro Parolin, secrétaire d’Etat, a protesté, mais le pape François a décidé de « remédier à l’irrégularité du droit canonique », c’est-à-dire d’approuver le cas.

kath.net : Dans quelle mesure l’élection des nouveaux candidats, qui seront créés cardinaux lors du consistoire de septembre, peut-elle avoir un effet durable ?

Seewald : Entre-temps, environ 70 pour cent des futurs électeurs du pape ont été élevés à la fonction par François. « Contrairement à ses prédécesseurs Jean-Paul II et Benoît XVI », a analysé l’observateur du Vatican Ludwig Ring-Eifel de la KNA, « François a largement appelé au collège cardinalice des hommes qui sont dans sa ligne théologique ». Le collège cardinalice deviendrait « de plus en plus un reflet de sa pensée et de ses origines ».

Ce qui est frappant, ce n’est pas seulement la forte augmentation de la proportion d’Hispaniques, mais aussi l’âge des nouveaux porteurs de la pourpre. Âgés pour la plupart d’une soixantaine d’années, ils devraient influencer non seulement le prochain conclave, mais parfois aussi celui d’après. Mais comme chacun sait, le Saint-Esprit a encore son mot à dire. Et beaucoup de ceux qui se réjouissent aujourd’hui de voir François balayer l’héritage de Benoît pourraient dès demain en pleurer amèrement.

Share This