Le début de l’article (repris par Il Sismografo) est franchement surréaliste, sous la plume d’un observateur chevronné (considéré comme une référence et en principe hyper-bien informé) du Vatican comme est censé l’être John Allen. On ne peut pas croire un seul instant (et lui-même ne doit pas y croire non plus) que François fait des efforts pour éviter la division, craint une instrumentalisation politique des débats, veut la transparence absolue et cherche à assainir les scandales du passé.
La deuxième partie, par contre, est bien meilleure, l’analyse (teintée d’ironie) de la raison pour laquelle il sera humainement impossible de maintenir le secret est finement observée (super, la citation de Benjamin Franklin: trois personnes peuvent garder un secret, mais seulement si deux d’entre elles sont mortes)

Sur le secret du synode, le pape François risque-t-il de détruire le village pour le sauver (*)?

John Allen
cruxnow.com
14 septembre 2023

Comme cela a été rapporté hier, le pape François envisage apparemment d’imposer le secret pontifical au prochain synode des évêques sur la synodalité, non seulement sur les avis et les votes, comme c’était le cas par le passé, mais sur toutes les questions abordées au cours des discussions synodales.

L’objectif déclaré serait de protéger la franchise et l’honnêteté de ces discussions. [Selon des sources] une telle disposition figure actuellement dans le projet de règlement du synode examiné par le pape.

En supposant que cette information soit correcte, on comprend certainement la préoccupation sous-jacente.

Si quelque chose de controversé ou de difficile est dit au cours du synode et est ensuite immédiatement diffusé dans le monde, cela passera rapidement dans le concasseur des combats idéologiques gauche-droite sur les médias sociaux et sera transformé en une « cause célèbre » [en français dans le texte] avant même que quiconque ait eu une occasion d’y réfléchir, ce qui durcira probablement les positions et rendra le consensus plus difficile à atteindre [mais François ne cherche absolument pas le consensus, Mr Allen!].

Quiconque n’a pas vécu sous un rocher au cours de la dernière décennie doit reconnaître qu’il s’agit là d’une crainte réelle, ce qui suggère que l’un des principaux défis du synode sera de résister au danger d’une instrumentalisation idéologique de ses travaux.

D’un autre côté, il est raisonnable de se demander si l’imposition du secret pontifical permettrait de contrer ce risque ou de l’aggraver.

Pour commencer, il y a une question d’optique. Le pape François est un pape réformateur, et l’une des pierres angulaires de sa campagne de nettoyage [nettoyage de quoi?] depuis le tout début a été une promesse de transparence. Par exemple, en 2015, lors d’une session avec les cardinaux du monde entier avant un consistoire, François a appelé les responsables du Vatican à s’engager à une « transparence absolue » comme seul moyen de surmonter l’héritage douteux des scandales passés [avec François, comme par magie, plus un seul scandale. Vraiment?].

Pour le pape, commencer un sommet conçu pour être le couronnement de son pontificat par l’imposition du secret semblerait donc être en contradiction flagrante avec ces engagements. En d’autres termes, dans un effort pour éviter la division, il risquerait de susciter la controverse dès le départ – un cas classique, peut-être, de destruction du village pour le sauver.

D’un point de vue plus pratique, il y a de bonnes raisons de penser que l’imposition du secret pontifical ne fonctionnera pas.

Lorsque je suis arrivé à Rome il y a plus de 20 ans, les synodes des évêques se terminaient par une série de propositions à soumettre au pape, chacune d’entre elles étant votée par les participants au synode. Le contenu de ces propositions et le total des votes étaient couverts par le secret pontifical, et les évêques et autres participants avaient reçu des avertissements stricts pour ne pas les divulguer.

Cependant, comme une horloge, les agences de presse italiennes publiaient le texte intégral des propositions ainsi que le total des votes immédiatement après le scrutin, parfois quelques heures plus tard.

Peu de choses ont changé au fil des ans. Lors du Synode des évêques sur la jeunesse de 2018, par exemple, le secret pontifical s’appliquait prétendument aux opinions exprimées au cours des discussions synodales, alors que les bulletins d’information quotidiens regorgeaient de détails sur les opinions exprimées au cours de la session de la veille.

Benjamin Franklin a dit que trois personnes peuvent garder un secret, mais seulement si deux d’entre elles sont mortes. Lors d’un synode des évêques, il ne s’agit pas de trois personnes, mais de plus de 400, en comptant non seulement les évêques et les autres participants, mais aussi les assistants, le personnel, les traducteurs et les autres personnes qui, pour une raison ou pour une autre, sont présentes dans la salle du synode.

L’idée de réunir un groupe aussi important de personnes pendant près d’un mois et de garder le silence sur ce qui se dit et se fait n’est guère plus qu’un fantasme, et il est sans doute dangereux de s’y adonner.

En vérité, l’effet le plus évident d’un décret de secret est de garantir que le récit du synode sera dominé par ses voix les plus extrêmes, c’est-à-dire par des personnes qui ont un agenda à faire valoir et des intérêts à défendre, et qui parleront de ce qui se passe sans se soucier des règles du jeu.

En revanche, les personnes les plus susceptibles de prendre au sérieux l’obligation de secret sont les voix modérées qui, au sein du synode, tentent sincèrement d’en pénétrer l’esprit et d’y jouer un rôle constructif. Si vous bâillonnez ces personnes, les seules voix restantes seront précisément celles dont les organisateurs craignent le plus le penchant pour le combat idéologique.

Certes, ces voix ne s’exprimeront pas nécessairement à haute voix, au vu et au su de tous. Au lieu de cela, elles le feront par le biais de fuites bien ciblées et de tiers, mais cela sera plus que suffisant pour remplir les colonnes, le temps d’antenne et les messages sur les réseaux sociaux avec toutes sortes d’aliments pour la critique et le sarcasme. Une telle dynamique mettrait les porte-parole du synode sur la défensive dès le début, luttant pour contrer un récit empoisonné avec les deux mains liées dans le dos, parce que, officiellement parlant, ils ne pourraient pas offrir d’informations contraires.

En fin de compte, aussi infaillible que puisse être un pape en matière de foi et de morale [!!!], il n’est pas en son pouvoir d’empêcher les divulgations publiques concernant un synode des évêques. Le seul véritable choix est de savoir si ces divulgations se feront à ses conditions ou à celles de quelqu’un d’autre, et nous verrons rapidement quelle voie le pape François choisit d’emprunter.

Ndt

(*) John Allen aime utiliser des formules énigmatiques, se référant à la culture américaine, et que seuls les Américains sont censés comprendre.

Selon ma petite recherche:

« Il devenait nécessaire de détruire la ville [et non le village] pour la sauver » sont les mots attribués à un major de l’armée américaine en février 68, pendant la guerre du Viêt Nam. L’officier s’efforçait ainsi de justifier la décision de bombarder et de pilonner la ville de Ben Tre et les villages environnants assiégés par les troupes viêt-congs durant ce qui est connu comme l’Offensive du T’êt, et cela sans se préoccuper des pertes civiles, afin de mettre le Viêt-cong en déroute ».

Une allusion guerrière, comme on le voit, qui ramène à de mauvais souvenirs et à des pages sombres de l’histoire américaine.
On se demande: ici, qui sont les Viet-congs? Qui sont les populations civiles? Bref, que veut dire J. Allen? (ou alors j’ai mal compris)

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